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Nous noterons que les propos de Charles Eloi VIAL sont à rapprocher d'autres évocations de la geste napoléonienne dues à des plumes (particulièrement critiques), celles des historiens Roger CARATINI et Henri GUILLEMIN ( Cf. sur notre site l'article intitulé : " Les 3 carrières de Charles André Pozzo Di Borgo, "Le Corse du Tsar".
http://www.lelitteraire.com/?p=49945
Une journée au bord de l’abîme
L’originalité du livre de Charles-Eloi Vial est à souligner : à partir du récit de la journée du 15 août 1811 – jour de la Saint-Napoléon – il se livre à une analyse approfondie, construite avec des sources aussi abondantes que précises, de la situation du Ier Empire, à un moment jugé comme celui de son apogée.
Écrit avec élégance, ce récit englobe tout l’espace napoléonien, depuis le cabinet de l’Empereur aux Tuileries jusqu’aux marges de l’Europe sous influence du grand conquérant. Ainsi découvre-t-on les forces et surtout les faiblesses du système impérial à travers le peu d’enthousiasme que ces festivités ont suscité chez des populations conquises. Même les Français, soudain fatigués des grandeurs et surtout des contraintes de leur maître, commencent à rechigner. C’est en fin de compte un édifice très fragile que Charles-Eloi Vial décrit. Fragile pour une raison claire : « il y avait un empereur, mais toujours pas d’Empire. »
Cette journée particulière a aussi marqué les esprits des contemporains car elle a donné lieu à une esclandre très finement analysée par l’auteur entre Napoléon et l’ambassadeur de Russie. Car tout l’arrière-plan du livre est occupé par la crise en train de couver entre l’Empereur et le Tsar, entre ces deux empires se retrouvant presque côte à côte, en théorie liés par le traité de Tilsit mais en réalité dressés l’un contre l’autre par des ambitions contradictoires autour d’un partage de l’Europe.
Ce 15 août, « le parvenu couronné » utilise sa tactique éculée de la « grosse colère », à la fois feinte et sincère, pour impressionner l’ambassadeur et son maître et en fin de compte pour les faire plier.
Examen minutieux de l’Europe napoléonienne, cette étude passionnante décrypte aussi les ressorts intimes de la personnalité de l’Empereur. Loin de l’idolâtrie ou même de la fascination, Charles-Eloi Vial garde toute son objectivité pour mettre en avant les responsabilités, pour ne pas dire les travers du grand homme.
« Inflexible, sûr de son génie et ne supportant plus la moindre contrariété, le nouvel empereur d’Occident se sentait une fois de plus prêt à faire plier le monde, comme son entourage pliait devant lui. »
Bref, le récit détonant d’un jour pas comme les autres et d’une fuite en avant.
Frédéric Le Moal
Charles-Eloi Vial, 15 août 1811. L’apogée de l’Empire ?, Perrin, 2019, 427 p.
https://www.bibliotheque-empire.com/produit/15-aout-1811-l-apogee-de-l-empire/
BIBLIOTHÈQUE EMPIRE
Révolution Française, Premier et Second Empire
Nouvelle parution livre - Avril 2019 (Editions Perrin)
15 août 1811 – L’apogée de l’Empire
« Du triomphe à la chute, il n’est qu’un pas » (Napoléon)
15 août 1811 : la Saint-Napoléon, fête nationale de l’Empire, bat son plein. À Paris, Milan ou Amsterdam, des feux d’artifice et des concerts célèbrent en fanfare l’anniversaire du maître de l’Europe qui fête ses 42 ans et vient d’être père du roi de Rome, conférant au Premier Empire une légitimité dynastique dont il était jusque-là dépourvu. Pourtant, les festivités sonnent étrangement faux. Les Français ont faim, souffrent de la crise économique et manifestent pour la première fois leur désaffection. À Naples, à Madrid, à Stockholm, des crises politiques couvent et l’autorité de « l’Aigle » est ouvertement contestée. À Londres, à Vienne, à Berlin, les dirigeants se préparent à une guerre prochaine entre la France et la Russie. Aux Tuileries enfin, Napoléon va lui-même gâcher la fête en insultant publiquement l’ambassadeur du tsar, le prince Kourakine. La nouvelle de cet esclandre va se répandre comme une traînée de poudre en Europe et déclencher les préparatifs de la funeste campagne de 1812.
Tournant majeur du règne, ce 15 août a marqué durablement les contemporains, avant de sombrer dans l’oubli. Jamais Napoléon n’avait été aussi puissant qu’en ce jour de triomphe qui, paradoxalement, marqua le commencement de sa fin. L’étude de cette journée particulière à l’échelle de l’Europe, menée à partir de sources inédites, offre une plongée dans les arcanes de la haute politique tout en proposant une analyse magistrale du système napoléonien et de ses failles.
L’auteur
Archiviste paléographe, docteur en histoire, Charles-Éloi Vial est conservateur à la Bibliothèque nationale de France. Il a publié l’année dernière La Famille royale au Temple, très remarqué, ainsi que Napoléon à Sainte-Hélène. Sa biographie de Marie-Louise a reçu le prix Premier Empire de la Fondation Napoléon en 2017.
https://boojum.fr/15-aout-1811-lapogee-de-lempire
10 mai 2019 Sylvain Bonnet
Un des meilleurs jeunes historiens.
Depuis la parution de sa biographie de Marie-Louise (Perrin, 2017), on se doit d’avouer qu’on ne lâche plus Charles-Eloi Vial. Archiviste paléographe, docteur en histoire, il dispose de vastes connaissances, d’une grande capacité de synthèse, d’un sens inné du récit sans compter, dirait ma mère, qu’« il n’écrit pas trop mal pour un historien ». C’est d’autant plus remarquable qu’il a choisi de se consacrer à une période (la Révolution et l’Empire) qui ne manque pas d’historiens talentueux : Jean Tulard bien sûr mais aussi Thierry Lentz, Patrice Gueniffey et puis Emmanuel de Waresquiel. Après avoir écrit un ouvrage remarquable sur la captivité de Louis XVI et sa famille, La Famille royale au temple (Perrin, 2018), le voici qui revient avec un 15 août 1811, un évènement méconnu qui marquerait le début de la fin pour Napoléon. Qu’en est-il ?
Un évènement oublié
Que se passe-t-il donc ce jour-là ? Le 15 août, c’est la saint Napoléon, fête instituée pour un saint jusqu’ici méconnu par une église catholique reconnaissante envers l’instaurateur du concordat. Pourtant, Napoléon est plutôt maussade. La crise économique règne dans son Empire, la guerre d’Espagne n’en finit pas et la Russie, censée être son alliée depuis Tilsit, a décidé d’ouvrir son territoire aux marchandises anglaises. Le nouvel Alexandre, désormais un peu bedonnant, songe à une nouvelle guerre, non sans appréhension.
Napoléon, comme souvent, va provoquer un esclandre avec l’ambassadeur de Russie, Kourakine. Il va railler le comportement des soldats russes face aux ottomans, se moquer du manque de stratégie des généraux… Bref, Napoléon fait une scène. Ce n’est ni la première, ni la dernière mais elle marque, symboliquement un tournant.
Une domination fragile
Le mérite de notre historien est de revenir sur un évènement de la micro-histoire mis de côté depuis les historiens du XIXe siècle comme Thiers. Cependant la force de sa démonstration est redoublé par le portrait très contrasté qu’il offre de l’Empire aux 130 départements. Les tensions religieuses née du conflit avec le pape Pie VII, minent la légitimité de Napoléon. L’Allemagne déteste la domination française et l’Italie renâcle. La France elle-même rechigne sous la férule, rêvant de paix définitive par peur de la conscription. Les élites envisageraient sans déplaisir un remplacement de Napoléon par son frère dans le cadre d’une régence au nom du roi de Rome. Quant aux militaires, ils redoutent un affrontement avec le géant russe…
Le destin de Napoléon ?
En refermant ce livre, l’impression d’avoir assisté à une course à l’abîme prédomine. Pouvait-elle être évité ? Non pour notre auteur qui estime que la guerre est dans l’ADN de la domination exercée sur l’Europe par Napoléon. Pour autant, doit-on dater de 1811 le début de la fin de l’Empire ? La guerre d’Espagne n’est-elle pas un « meilleur » tournant, qui voit Napoléon abandonner ses derniers oripeaux de révolutionnaire pour se faire despote ?
En tout cas, ce livre est excellent.
Sylvain Bonnet
Charles-Eloi Vial, 15 août 1811 l’apogée de l’empire, Perrin, avril 2019, 432 pages,
Actualité de la recherche et de l'édition en Histoire
11 juillet 2019
15 août 1811
L'apogée de l'empire ?
Charles-Eloi Vial
L'empire napoléonien bascule-t-il (sans que l'on ne le sache encore) le jour de la Saint-Napoléon, le 15 août 1811 ? Telle est la question à laquelle s'efforce de répondre, positivement, Charles-Eloi Vial.
Auteur de plusieurs ouvrages sur la période de la Révolution et de l'Empire, Charles-Eloi Vial s'intéresse ici, avec des focales différentes, à la journée du 15 août 1811, aux Tuileries, à Paris, en province, dans les Etats vassaux comme dans les royaumes étrangers : "Au moment où l'Europe entière aurait dû communier dans la célébration de l'empereur, ils étaient nombreux à se détourner de lui ou à regretter les fastes du Consulat et des premiers temps du règne". L'empire s'étend désormais de l'Italie à la Hollande et l'influence française englobe les trois quart de l'Europe, mais les premiers craquements apparaissent et la prise à partie par Napoléon de l'ambassadeur de Russie (incident diplomatique visiblement compris comme emblématique) peut être considérée comme le premier pas vers la campagne de 1812. De façon très contrastée, et sur la base d'une importante bibliographie (et de très nombreuses archives, y compris départementales), l'auteur analyse tous les évènements de cet été 1811, de la faim et de la misère dans certaines régions, aux prémices de complots et aux manœuvres des "alliés" pour (au moins) s'émanciper. La Prusse, l'Autriche, le Saint-Siège, la Russie, l'Angleterre, mais aussi les crises intérieures sont tour à tour prises en compte.
Un livre à connaître, car au-delà du mythe impérial, il relativise la mémoire des années 1811-1815. Une thèse qui s'appuie sur une étude fouillée des sources et qui mérite d'être connue.
Perrin, Paris, 2019, 432 pages,
ISBN : 978-2-262-07576-7.
Forum Napoléon Ier - Débattre dans le silence des passions
15 août 1811 – L’apogée de l’Empire
https://www.bibliotheque-empire.com/produit/15-aout-1811-l-apogee-de-l-empire/
« Du triomphe à la chute, il n’est qu’un pas » (Napoléon)
15 août 1811 : la Saint-Napoléon, fête nationale de l’Empire, bat son plein. À Paris, Milan ou Amsterdam, des feux d’artifice et des concerts célèbrent en fanfare l’anniversaire du maître de l’Europe qui fête ses 42 ans et vient d’être père du roi de Rome, conférant au Premier Empire une légitimité dynastique dont il était jusque-là dépourvu. Pourtant, les festivités sonnent étrangement faux. Les Français ont faim, souffrent de la crise économique et manifestent pour la première fois leur désaffection. À Naples, à Madrid, à Stockholm, des crises politiques couvent et l’autorité de « l’Aigle » est ouvertement contestée. À Londres, à Vienne, à Berlin, les dirigeants se préparent à une guerre prochaine entre la France et la Russie. Aux Tuileries enfin, Napoléon va lui-même gâcher la fête en insultant publiquement l’ambassadeur du tsar, le prince Kourakine. La nouvelle de cet esclandre va se répandre comme une traînée de poudre en Europe et déclencher les préparatifs de la funeste campagne de 1812.
Tournant majeur du règne, ce 15 août a marqué durablement les contemporains, avant de sombrer dans l’oubli. Jamais Napoléon n’avait été aussi puissant qu’en ce jour de triomphe qui, paradoxalement, marqua le commencement de sa fin. L’étude de cette journée particulière à l’échelle de l’Europe, menée à partir de sources inédites, offre une plongée dans les arcanes de la haute politique tout en proposant une analyse magistrale du système napoléonien et de ses failles.
L’auteur
Archiviste paléographe, docteur en histoire, Charles-Éloi Vial est conservateur à la Bibliothèque nationale de France. Il a publié l’année dernière La Famille royale au Temple, très remarqué, ainsi que Napoléon à Sainte-Hélène. Sa biographie de Marie-Louise a reçu le prix Premier Empire de la Fondation Napoléon en 2017.
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https://www.breizh-info.com/2019/06/09/120798/napoleon-15-aout-1811-jupiter-macron
Un bon historien et archiviste, Charles-Éloi Vial consacre un essai au 15 août 1811, la Saint-Napoléon. Il s’interroge : est-ce alors l’apogée de l’Empire français ?
En 1981, Jean-Baptiste Duroselle titrait un de ses essais : « Tout Empire périra. » Un point de vue formulé par un des plus importants historiens français en matière de relations internationales.
Les empires sont des organismes vivants, composites qui peuvent pousser comme des champignons et se flétrir, disparaître aussi vite. Mais il en est qui, leur apogée atteinte, se dissolvent à petite vitesse, quelquefois en plusieurs siècles, tel l’Empire romain. L’Empire français n’est pas de ceux-là. Proclamé en 1804, il s’éteint en 1814. Les Cents-Jours ne comptent pas, juste une thanatopraxie.
15 août 1811: Napoléon maître du monde ?
Le 15 août 1811, Napoléon peut se croire maître du monde, ou en tout cas de l’Europe. Car sur les mers, il ne fait pas la loi, son ennemie jurée, l’Angleterre est maîtresse. Le 20 mars, le roi de Rome est né, la quatrième dynastie est en marche. Toute l’Europe, du Portugal à la Pologne, de la Suède (donnée à Bernadotte) à l’Italie est soumise à la France. Quant aux puissances vaincues, la Prusse, l’empire d’Autriche, la Russie, elles sont ses obligées et formellement ses alliées. Il y a bien l’Espagne impossible à soumettre mais contenue, d’autres craquements encore… Mais globalement, c’est bien l’apogée et l’Angleterre s’épuise, se ruine, doute même d’une issue victorieuse.
Un duel en préparation
En fait, sur le continent, le duel se prépare entre le tsar Alexandre et Napoléon. Vial articule son travail autour de l’esclandre diplomatique du 15 août. Aux Tuileries, en pleines festivités, l’empereur fait la leçon à l’ambassadeur Kourakine. Avec une virtuosité qui mêle duplicité et accents de franchise, Napoléon fait comprendre au Russe que le double jeu du tsar tire à sa fin, que la réplique est déjà dans son esprit. Kourakine, stoïque, supporte cette volée de bois vert.
Son collègue Nesselrode rapporte l’incident au tsar et conclut que Jupiter tonnant tourne au psychotique, au cyclothymique, au bord de l’aliénation mentale. C’est aller trop loin car si Napoléon succombe à son « ubris », il garde tout son génie propre. La guerre à laquelle il pense contre l’empire russe est son ultime enjeu. Vainqueur, il sera intouchable. Il estime en avoir les moyens et l’offensive de l’été 1812 jusqu’à Moscou lui donnera raison. On connaît la suite…
L’exercice jupitérien du pouvoir est ainsi. Tout ou rien. Il n’est l’apanage que d’une poignée de conquérants et il finit toujours mal. Il ne peut s’exercer dans les systèmes démocratiques et s’il est pratiqué il est juste un simulacre. Autant dire que qualifier l’exercice du pouvoir par l’actuel locataire de l’Élysée de jupitérien est particulièrement incongru. Disons plutôt que ce président a toutes les allures du « dernier homme ».
Jean Heurtin