J.M
L'Ukraine a été ainsi baptisée en 1187 d'après un mot slave qui veut dire « frontière » ou « marche ». De fait, ce grand État en mal de visibilité s'étire aux marges du monde russe dont il a été le berceau. Il se tient à la jonction entre le monde orthodoxe et le monde catholique.
Indépendante depuis 1991 seulement, avec une population en déclin du fait de la dénatalité et de l'émigration, pauvre en dépit d'un sol très fertile et d'un sous-sol riche en minerais, gangrenée par la corruption, l'Ukraine a longtemps peiné à trouver sa place entre un Occident attirant mais lointain et une Russie proche mais redoutée, à juste titre hélas...
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L'Ukraine s'étend de part et d'autre du Dniepr et au nord de la mer Noire. Elle est un peu plus vaste que la France (600 000 km2) mais moins peuplée avec 45 millions d'habitants en 2013, Crimée comprise (cette population est en rapide décroissance et ne devrait plus s'élever qu'à 34 millions en 2050 dans les mêmes frontières).
Le pays, qui n'a pas eu d'existence nationale avant la Première Guerre mondiale, est composé de quatre entités très différentes. D'une part la péninsule de Crimée, enlevée aux Turcs au XVIIIe siècle et russifiée depuis lors ; l'Ukraine de l'Est et du Sud, jusqu'à la rive gauche du Dniepr, longtemps désignée sous l'appellation de « Petite-Russie » (Malorussia) du fait de sa parenté étroite avec la Russie ; les bords de la mer Noire appelés « Nouvelle-Russie » (Novorussia) ; enfin l'Ukraine du Nord-Ouest (Galicie, Volhynie, Podolie), proche de la Pologne-Lituanie ou des États habsbourgeois, qualifiée de « Ruthénie ».
C'est autour de Kiev, capitale actuelle de l'Ukraine, sur le Dniepr, que la future nation russe est née, aux alentours de l'An Mil. Mille ans plus tard, elle a été divisée en trois États : Russie proprement dite, Ukraine et Biélorussie, avec des langues nationales qui ont lentement dérivé par rapport à l'ancienne langue commune.
Les plaines fertiles de l'Ukraine, recouvertes d'une épaisse couche d'humus, le « tchernoziom », ont vu passer de nombreux peuples nomades (Scythes et Sarmates, Goths et Huns) avant d'être enfin occupées par des Slaves ainsi que des Varègues (Vikings).
Après le baptême du grand-prince de Kiev Vladimir, en 988, une fédération prospère de principautés marchandes s'épanouit autour de Kiev et de la dynastie des Riourikides. Elle doit toutefois combattre de nouveaux venus, Khazars, Bulgares, Petchenègues et Coumans.
Au nord-ouest de Kiev et du Dniepr, les principautés de Volhynie et Galicie s'émancipent de Kiev et s'unissent en 1199 mais c'est pour tomber deux siècles plus tard, en 1386, sous la coupe de l'État polono-lituanien de la dynastie des Jagellon. Les nouveaux souverains, des catholiques bon teint, supportent mal leurs sujets orthodoxes de rite byzantin. Le concile de Florence, en 1439, décrète l'union de l'Église de Galicie à Rome.
En juillet 1569, par l'Union de Lublin, l'État polono-lituanien se mue en une « République unie » dirigée de fait par les Polonais.
Tolérants à l'égard des protestants et des juifs, les Polonais se montrent par contre impitoyables envers les chrétiens orthodoxes d'Ukraine. Ils tentent de les rallier malgré eux à Rome et au pape.
C'est ainsi qu'en 1596, par le synode de Brest-Litvosk, ils imposent la création d'une Église catholique ukrainienne dite « uniate », autrement dit rattachée à Rome et au pape. Tous leurs sujets orthodoxes sont invités à entrer dans cette nouvelle confession avec la consolation de conserver les rituels byzantins et le slavon comme langue liturgique.
À vrai dire, seules les élites et la bourgeoisie urbaine se rallient à cette Église uniate (moins de 10% de la population actuelle du pays). Le peuple des campagnes demeure pour l'essentiel fidèle à la tradition orthodoxe.
Aujourd'hui encore, ces questions religieuses divisent l'Ukraine et altèrent ses relations avec l'Occident, les Ukrainiens étant devenus méfiants à l'égard de tout ce qui vient du monde catholique.
Les seigneurs polonais ne sont pas tendres non plus avec leurs sujets ukrainiens. Ils s'attribuent d'immenses domaines dans le pays et réduisent peu à peu leurs paysans au servage, alors même que ce statut, qui fixe les paysans et leur descendance au domaine, est en voie de disparition dans toute la chrétienté occidentale.
À partir du XVIe siècle, beaucoup de paysans ukrainiens s'enfuient vers le Sud, au-delà des cataractes du Dniepr, et se constituent en communautés indépendantes, les Cosaques Zaporogues (d'après une expression mongole ou tatar qui signifie : « hommes libres d'au-delà des rapides »). Au nombre de quelques milliers, ils se réunissent dans leur quartier général (sitch), sur une île du Dniepr, dans une assemblée (Rada) au cours de laquelle ils élisent un porte-parole ou un chef (hetman).
Dans un premier temps, les rois de Pologne leur laissent leur liberté de mouvement dans la mesure où ils défendent le territoire contre les incursions des Tatars musulmans de Crimée et du littoral de la mer Noire. Ce danger diminuant, ils tentent de rétablir leur autorité. Mais les Cosaques se révoltent sous la direction de leur chef, l'hetman Bogdan Chmielnicki, et, par le traité de Pereyaslav, le 18 janvier 1654, se placent sous la protection du tsar Alexis 1er Romanov, qui règne à Moscou.
La Pologne proteste et il s'ensuit une longue guerre qui se termine par le traité de paix d'Androussovo du 31 janvier 1667. À cette occasion, la Russie des Romanov, en pleine ascension, récupère la rive orientale du Dniepr. Vingt ans plus tard, Kiev et Smolensk passent à leur tour à la Russie. Seule la Galicie et sa capitale Lvov (ou Lviv) demeurent polonaises.
Dans l'esprit du tsar, l'Ukraine est terre russe et n'a droit à aucun statut particulier. Ainsi, le métropolite de Kiev, chef religieux de l'Église orthodoxe ukrainienne, est placé sous l'autorité du patriarcat de Moscou. C'est dès lors du joug russe que commencent à pâtir les Cosaques et autres Ukrainiens.
Le 14 juillet 1700, à l'issue d'une guerre contre l'empire ottoman, le tsar Pierre le Grand obtient la cession de l'embouchure du Don, sur la mer d'Azov, avec, enfin, un accès sur la mer Noire. C'est le moment où débute la Deuxième Guerre du Nord, qui met aux prises la Suède de Charles XII avec la Russie de Pierre le Grand et ses alliés.
Le nouvel hetman des Cosaques, Ivan Mazeppa, profite de l'occasion pour obtenir des Suédois l'indépendance de l'Ukraine. Et Charles XII, désireux de soutenir son providentiel allié, décide alors de le rejoindre avec son armée au lieu de marcher sur Moscou. Après un difficile hiver en Ukraine, il met le siège devant Poltava mais en est délogé le 8 juillet 1709 par des renforts russes. Charles XII et Mazeppa n'ont plus d'autre choix que de demander asile à la Turquie. C'en est fini pour deux siècles des espoirs d'indépendance ukrainienne.
En 1764, Catherine II la Grande destitue le dernier hetman et, en 1775, à la suite de la révolte de Pougatchev, un Cosaque du Don, elle détruit le sitch des Zaporogues et abolit les dernières libertés cosaques.
Le traité de Kutchuk-Kaïnardji (21 juillet 1774) consacre une nouvelle défaite de l'empire ottoman et permet à Moscou de consolider sa présence sur la mer d'Azov.
La Crimée est annexée en 1783 par le prince Grigori Potemkine, favori et amant de la tsarine Catherine II, qui en devient le premier gouverneur russe. C'en est fini de ce khanat, dernière survivance de la Horde d'Or mongole.
Ayant chassé les Tatars du Don, Potemkine fonde dans cette « Nouvelle Russie » plusieurs villes dont le port de Sébastopol, base navale destinée à tenir la mer Noire. Les immigrants russes remplacent en bonne partie les précédents habitants, Turcs et Tatars de confession musulmane.
En 1794, l'empire ottoman cède encore à la Russie l'embouchure du Dniepr, à l'ouest de la péninsule de la Crimée. Catherine II décide d'y fonder une nouvelle forteresse sous le nom d'Odessa, librement inspiré d'Odysseus (nom grec d'Ulysse !).
En 1803, le tsar Alexandre Ier donne à Odessa et à la Nouvelle Russie un gouverneur français en la personne d'Armand du Plessis, duc de Richelieu et arrière-petit-neveu du cardinal.
En dix ans, cet émigré, qui a fui la Révolution (et une épouse bossue), va faire d'Odessa la « perle de la mer Noire » et une « Saint-Pétersbourg du Sud » en style rococo. Il va ensuite revenir en France pour accomplir une brillante carrière ministérielle au service de Louis XVIII.
La reconquête de l'Ukraine par Moscou est complétée à la faveur des deux premiers partages de la Pologne, en 1772 et en 1793. Ils font passer l'ensemble du territoire ukrainien mais aussi la Biélorussie sous l'autorité du tsar.
Au XIXe siècle, la montée des nationalismes conduit le gouvernement du tsar Nicolas 1er à réprimer les forces centrifuges.
Le peintre et poète romantique Taras Chevtchenko (1814-1861), fils de serfs et serf lui-même, est le symbole de la renaissance douloureuse de la culture ukrainienne à travers sa courte vie, tissée de servitude, de prison et d'exil.
À la différence de son compatriote et ami Nicolas Gogol (1809-1852), qui choisit d'écrire en russe et dépeint la République cosaque dans son célèbre roman Taras Boulba, Taras Chevtchenko reste fidèle à sa langue maternelle. Il lui donne ses lettres de noblesse en créant le grand poème national Kobzar.
Arrêté en1847 comme membre de la société secrète Fraternité de Cyrille et Méthode, il est envoyé en Sibérie comme soldat avec interdiction d'écrire et peindre.
Alexandre II, bien que réputé « libéral », interdit la langue ukrainienne dans l'imprimerie et à l'université et c'est de l'autre côté de la frontière, en Autriche-Hongrie, dans l'université de Lvov ou Lemberg (Ruthénie), que les lettrés et intellectuels ukrainiens trouvent refuge.
Avec la première Révolution russe, en 1905, une éclaircie se fait jour. Le Manifeste publié par Nicolas II le 30 octobre 1905 promet de respecter les nationalités. Aussitôt fleurissent en Ukraine des dizaines de journaux dans la langue nationale.
Les Révolutions russes de 1917 offrent aux nationalistes ukrainiens une opportunité inattendue de recouvrer leur indépendance et le droit de pratiquer leur langue, si peu différente qu'elle soit du russe.
À Kiev, une assemblée (Rada) réunie le 15 mars 1917 constitue une République autonome ukrainienne avec Vinnichenko à la présidence du Conseil des ministres. Elle conserve un lien fédéral avec la Russie. Mais Lénine et les bolchéviques, après qu'ils ont pris le pouvoir le 6 novembre 1917, lui opposent une République soviétique d'Ukraine, proclamée à Kharkov en décembre 1917. La Rada réplique en annonçant le 22 janvier 1918 un « État du peuple ukrainien, souverain, libre et indépendant ».
Attaquée par les bolchéviques, la Rada de Kiev signe avec l'occupant austro-allemand une paix séparée le 9 février 1918 mais le pouvoir moscovite fait de même le mois suivant.
Après l'armistice de Brest-Litovsk du 3 mars 1918, par lequel les Russes se retirent de la Grande Guerre, les Allemands occupent Kiev et leurs alliés autrichiens Odessa, avec la complicité des Cosaques.
À la défaite austro-allemande succède la guerre civile. Les nationalistes ukrainiens, l'armée bolchévique et l'armée tsariste de Denikine se font face. À la mêlée se joignent les Cosaques et les anarchistes de Nestor Makhno, mais aussi des troupes occidentales et notamment françaises qui débarquent à Odessa et apportent leur soutien à Denikine, contre Lénine et les bolchéviques.
Anton Denikine refuse de faire alliance avec les nationalistes du général Pavlo Skoropadsky, auto-proclamé « hetman d'Ukraine » et ce sont en définitive les bolchéviques qui l'emportent... mais à moitié seulement car le traité de Riga de 1921 avec la Pologne laisse la Galicie et la Volhynie à cette dernière.
La création de l'URSS, le 30 décembre 1922, fait de l'Ukraine la deuxième République du pays après la Russie. La langue ukrainienne en devient la langue officielle.
Mais ces concessions politiques cachent mal l'emprise très forte du Kremlin sur le Parti communiste ukrainien et la hiérarchie administrative.
Dans les années 1930, sous le prétexte de lutter contre le « nationalisme bourgeois », Staline décapite les élites ukrainiennes. Et sous prétexte de lutter contre les « koulaks », paysans riches, il provoque une famine gigantesque par voie administrative ! C'est l'Holodomor (deux à six millions de morts).
Pendant la Seconde Guerre mondiale, en dépit des horreurs de l'occupation allemande, illustrées par les massacres de Babi Yar (Kiev), les nationalistes locaux ont la tentation d'en profiter pour acquérir enfin l'indépendance.
Leur chef Stepan Bandera proclame celle-ci dès le 1er juillet 1941, une semaine après l'invasion allemande. Mal lui en prend. Il est arrêté par les Allemands eux-mêmes, Hitler ne voulant pas d'une alliance avec les Ukrainiens, qu'il méprise autant que les autres Slaves. Il sera finalement tué à Munich le 15 octobre 1959 par des agents du KGB soviétique.
À l'heure de la revanche, Staline se montre impitoyable avec les anciens collaborateurs des nazis et tous ceux considérés comme tels, mais pas seulement en Ukraine... Le 18 mai 1944, les Tatars de Crimée sont massivement déportés vers l'Asie centrale. Une partie d'entre eux reviendront plus tard dans la péninsule. Au nombre d'environ 250 000, ces musulmans d'origine turque forment aujourd'hui un peu plus de 12% de la population de la Crimée.
Dans le demi-siècle qui suit, jusqu'à l'éclatement de l'URSS, la République socialiste soviétique d'Ukraine va subir sans mot dire la tutelle de Moscou et du Parti communiste. Avec un siège à l'ONU, maigre consolation qu'elle partage avec la Biélorussie, la troisième composante du peuple russe.
En 1954, prenant prétexte du tricentenaire du traité de Pereyaslav par lequel les Cosaques avaient fait allégeance au tsar, le secrétaire général du PCUS Nikita Krouchtchev détache la Crimée de la République de Russie et en fait cadeau à l'Ukraine - sa patrie d'origine. Il s'agit d'un cadeau incongru mais de peu de signification dans une Union soviétique où l'on s'applique à briser les nationalismes en mélangeant les nationalités à l'intérieur des grandes divisions administratives...
Le 24 août 1991, dans la confusion qui suit l'éviction de Mikhaïl Gorbatchev, dirigeant de l'Union soviétique, le Parlement ukrainien (la Rada) proclame l'indépendance de la République dans les frontières artificielles dessinées par les dirigeants bolchéviques. Après quelques disputes, Moscou et Kiev finissent par s'accorder sur le cas particulier de la péninsule de Crimée, traditionnellement russe mais rattachée à l'Ukraine par Nikita Khrouchtchev en 1950. Moscou conserve en particulier l'usage du port militaire de Sébastopol.
Pauvre, dépendante de la Russie pour ses approvisionnements en gaz, saturée qui plus est en équipements nucléaires, dont l'ex-centrale de Tchernobyl, la nouvelle Ukraine est handicapée par l'absence d'État de droit et la prévalence d'une ploutocratie affairiste issue des anciens cadres du parti communiste. Elle doit au surplus composer avec son importante minorité russe ou russophone, importante en Crimée et à l'Est, en particulier à Kharkiv (ou Kharkov) et autour du gisement charbonnier du Donbass, sur les bords du Donets, un affluent du Don.
Dans les premières années, le président Léonid Kravtchouk consolide l'indépendance du pays en nouant des rapports plus étroits avec l'Union européenne. Son successeur Leonid Kouchtma, élu en 1994, se rapproche du grand frère russe et de Vladimir Poutine.
Le 21 novembre 2004, l'élection truquée du candidat pro-russe Viktor Ianoukovitch à la présidence de la République jette l'opposition dans la rue. La capitale Kiev est en ébullition. C'est la « Révolution orange ». Pacifique mais soutenue en sous-main par la fondation du milliardaire magyaro-américain Georges Soros, elle se solde par l'accession à la présidence de Viktor Iouchtchenko le 23 janvier 2005. Il paie cher son triomphe car il est défiguré au cours de la campagne électorale par ce qui semble être une tentative d'empoisonnement à la dioxine.
Mais les dissensions entre le nouveau président et son Premier ministre Ioulia Timochenko, une femme charismatique à la belle natte blonde, aboutissent au renversement de celle-ci dès 2006 par la nouvelle majorité législative. Le pro-russe Viktor Ianoukovitch en profite pour faire son retour comme Premier ministre. Le 25 février 2010, il remporte l'élection présidentielle sans avoir cette fois besoin de tricher.
Comme si de rien n'était, le président Ianoukovitch poursuit dans un premier temps les négociations d'adhésion à l'Union européenne engagées par son prédécesseur. Mais il les interrompt brutalement après que son homologue russe Vladimir Poutine l'a menacé de représailles économiques s'il les menait à terme. Il est vrai que l'Ukraine est très dépendante de la Russie, avec un commerce qui se développe entre les deux pays bien plus vite qu'avec l'Union européenne asthénique.
Pour les partisans d'une démocratisation à l'occidentale, cette reculade de leur président fait l'effet d'une douche froide en éloignant la perspective d'une modernisation du pays et de ses institutions. Elle révolte aussi les ultranationalistes, inquiets du retour de l'Ukraine dans le giron de Moscou. La capitale ukrainienne entre donc en ébullition neuf ans jour pour jour après la « Révolution orange ». Les manifestations se succèdent à Kiev, sur la place de l'Indépendance (Maidan en ukrainien). Le 18 février 2014, le gouvernement tente d'évacuer la place par la force. Il s'ensuit plusieurs dizaines de morts. L'intervention de la troupe fait plus de quatre-vingt morts parmi les manifestants.
Le Parlement destitue le président Viktor Ianoukovitch le 23 février 2014 et réclame sa mise en jugement. Ianoukovich arrive toutefois à s'enfuir en Russie. Il s'ensuit l'arrivée à la présidence de Petro Porochenko, un industriel du chocolat, hostile à la Russie et sensible aux sirènes de l'Union européenne et de l'OTAN ! Le nouveau régime n'a rien de plus pressé que de déchoir de son statut de deuxième langue officielle la langue russe, parlée par la majorité de la population à l'Est du pays et en Crimée. Cette mesure a pour effet d'attiser les dissensions entre l'Est russophone, à savoir le Donbass, et le reste du pays. D'une insigne maladresse, elle est rapportée dans les heures qui suivent sur l'injonction des alliés occidentaux mais le mal est fait.
Avec le soutien militaire de la Russie voisine, les indépendantistes du Donbass se soulèvent les armes à la main et s'installent dans une guerre civile de longue haleine face à l'armée ukrainienne et des milices armées pro-gouvernementales. Les accords de Minsk II du 12 février 2015 n’auront pas plus de succès que le protocole de Minsk du 5 septembre 2014.
Vladimir Poutine se saisit du prétexte pour provoquer la sécession de la Crimée et proclamer son retour dans le giron de la Russie après un référendum organisé le 18 mars 2014. Les Occidentaux, d'habitude si soucieux du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, ripostent en annonçant des sanctions contre la Russie et son exclusion du G8, le traditionnel rendez-vous des principaux dirigeants de la planète.
Le 20 mai 2019, de nouvelles élections ont raison du pouvoir corrompu et inefficace de Porochenko mais elles portent cette fois à la présidence Volodymyr Zelensky (41 ans), un acteur devenu populaire à la faveur d’une série télé où il jouait le rôle d’un… président ! Europhile mais soucieux de mettre un terme au conflit avec Moscou, il négocie un échange de prisonniers le 7 septembre 2019 avec son homologue Vladimir Poutine. Les deux hommes se rencontrent aussi à Paris le 9 décembre et concluent un nouvel échange de 200 prisonniers le 29 décembre 2019. Celui-ci lui vaut une vague de protestations car figuraient parmi les personnes relaxées cinq policiers accusés de meurtres lors de la révolution de Maidan et non encore jugés.
Pour le président russe (et la plupart de ses concitoyens), la perspective d'une rupture entre la Russie et l'Ukraine est inacceptable. « Russes et Ukrainiens, nous sommes un même peuple », lance-t-il dans une longue péroraison en juillet 2021. Plus inacceptable encore est pour lui la perspective d'une entrée de l'Ukraine dans l'OTAN.
24 février 2022 : trente ans après son indépendance, l'Ukraine se voit brutalement envahie par le « grand frère » russe. Une agression inimaginable pour les Ukrainiens et les Russes eux-mêmes. La plupart d'entre eux n'ont-ils pas un conjoint, un proche, un parent ou un aïeul de l'autre côté de la frontière ? Il est encore trop tôt pour écrire l'Histoire de cette tragédie et en mesurer les conséquences. Souhaitons seulement pour le bien de toute l'Europe que les Ukrainiens pardonnent et oublient cette nouvelle violence qui leur est faite, 90 ans après Holodomor.