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Nouveauté : Le Livre des brèves amours éternelles , d'Andreï Makine.


Nouveauté : Le Livre des brèves amours éternelles , d'Andreï Makine.
Andreï Makine, que nous citons par ailleurs dans notre rubrique " Ecrivains français d'origine russe" vient de faire paraître aux éditions du Seuil un livre salué par la critique.
C'est avec plaisir que nous reproduisons ici, outre la présentation de l'ouvrage par l'éditeur, deux commentaires provenant, éclectisme oblige, de l'EXPRESS et de l'HUMANITE.
La parution de l'ouvrage et le commentaire de l'Express nous ont été signalés par une lectrice assidue, admiratrice de Makine, notre adhérente Hélène Clarisse-Tournan.



Le livre des brèves amours éternelles
d'Andreï Makine
Editeur : Seuil
Publication : 6/1/2011


1.Présentation de l'éditeur.

Andreï Makine s’est toujours montré très secret sur sa jeunesse : on peut néanmoins penser que Le livre des brèves amours éternelles nous apporte quelques précieuses clés. En une succession de scènes, d’histoires presque indépendantes les unes des autres, nous assistons à la maturation sentimentale d’un jeune Soviétique des années 60 et 70. Au début, c’est un gamin de dix ans placé en orphelinat qui, au cours d’une promenade, rencontre une belle jeune femme en deuil d’un marin, dont il tombe amoureux. A la fin, après bien des brûlures et des éblouissements, le narrateur a vingt-cinq ans, il a appris à se méfier des " orgues extatiques " de l’adolescence et à leur préférer le parfum d’éternité qui se dissimule dans certains paradis fugaces. Cela nous vaut de splendides portraits de femme, comme les éclats d’une mosaïque, enchâssés dans la palpitation du cosmos, la lumière d’un paysage, ou tout simplement dans la laideur d’une banlieue soviétique. Car l’oppression, la guerre, qui étaient au coeur de ses derniers romans, ne se sont pas effacés, mais se trouvent comme tenus à distance par la magie d’une prose toute en suggestions.

Andreï Makine est né en 1957 en Sibérie et vit en France depuis plus de vingt ans. Il est l’auteur, entre autres, du Testament français (prix Goncourt et prix Médicis), de La Musique d’une vie qui a marqué son arrivée au Seuil, de La Femme qui attendait, traduits dans le monde entier.

2. Critique (élogieuse) dans l'EXPRESS.

La confession russe d'Andreï Makine
http://www.lexpress.fr/culture/
Par Marianne Payot, publié le 06/01/2011.

Andreï Makine revisite les années d'apprentissage, amoureux et politique, d'un jeune orphelin soviétique. Lumineux.
Comment commencer l'année en beauté ? En lisant Le Livre des brèves amours éternelles, d'Andreï Makine. Un condensé de sensibilité, de grâce, d'intelligence. "Il l'aimait... comme on ne peut être aimé... qu'ailleurs que sur cette terre." L'homme aimant dont parle le narrateur est Dmitri Ress, philosophe, poète, opposant à la Don Quichotte, emprisonné durant plus de quinze ans pour avoir critiqué la servilité, la pire des subversions sous le régime soviétique. Un homme qui mourra jeune, mais en paix, parce qu'il a compris qu'au-delà des conciliants, des ricaneurs et des révoltés il y a ceux, plus rares, qui ont la "sagesse de regarder la neige tomber, de humer la senteur du bois qui brûle". Au début du roman, le jeune narrateur, embrigadé par la propagande officielle des années 1960, est encore loin d'avoir atteint cette sérénité, mais les premières lueurs apparaissent déjà...
Cet apprentissage, ce cheminement vers la juste voie, ce sont les femmes qui vont le jalonner, de scène en scène, d'année en année. Au commencement, il y a cette inconnue aperçue par l'orphelin du Grand Nord russe lors d'un défilé de la révolution d'Octobre. Assise, seule sur les gradins désertés, tout juste veuve d'un sous-marinier, elle irradie d'un amour si ample qu'il en illumine l'enfant qu'il est. Lui succèdent, ensuite, "la femme qui a vu Lénine" et sa petite-fille Maïa. Dans le village de Pérévoz (région de Nijni-Novgorod), situé près de l'orphelinat, le gamin est venu rencontrer cette vieille dame qui aurait connu le guide de la révolution prolétarienne, aujourd'hui mélange de héros mythique et de thaumaturge. Double choc ! Alexandra Guerdt, l'ancienne secrétaire de Lénine, vit, oubliée de tous, dans la plus extrême pauvreté. Et le narrateur tombe "follement, désespérément amoureux de Maïa et de ses boucles noires". Rien de triste pourtant dans ces souvenirs : "... une profonde joie, calme et patiente, entourait ces lointains jours d'été..."
Notre erreur fatale est de chercher des paradis pérennes
Séquence suivante, le verdict tombe : "Notre erreur fatale est de chercher des paradis pérennes [...]. Cette obsession de la durée nous fait manquer tant de paradis fugaces [...]. Leurs éblouissements surgissent dans des lieux souvent si humbles et éphémères que nous refusons de nous y attarder."
En l'occurrence, dans un espace intermédiaire, entre zone industrielle et ancien village. Notre héros a 15 ans, tout comme son amoureuse, Vika, occupante de ces lieux improbables avec sa mère. Le père ? On comprend bientôt qu'il est l'un de ces prisonniers employés de force dans l'usine de produits chimiques du no man's land. Une explosion ayant transformé les ateliers en tombe collective, les deux femmes déménagent. Reste l'image d'une "sérénité indifférente à la laideur et à la grossièreté du monde", forme de résistance peut-être "plus efficace que les chuchotements contestataires que j'allais entendre dans les milieux intellectuels de Leningrad ou de Moscou".
Un saut de puce, et notre jeune amant batifole au bord de la mer Noire, sous le regard autoritaire de Brejnev. La rencontre décisive de ces années 1970 ? Un couple de Russes blancs octogénaires emplis de tendresse et dénués de toute haine. Bientôt les années 1980, où les vieux crocodiles du Kremlin meurent l'un après l'autre. Pourtant, malgré Kira, la belle contestatrice, l'étudiant du Grand Nord n'arrive pas à rejeter en bloc le monde qui l'a vu naître. "Les régimes changent, reste inchangé le désir des hommes de posséder, d'écraser leurs semblables..."

Andreï Makine, né en Sibérie en septembre 1957, n'a jamais été très prolixe sur ses jeunes années à... l'orphelinat. Mais dans une oeuvre - du Testament français à La Terre et le ciel de Jacques Dorme - nourrie par le terreau autobiographique, ce nouveau roman apparaît d'ores et déjà comme la plus lumineuse et la plus sobre des confessions.

3. Dans l'HUMANITE. Fr : La chronique Littéraire de Jean-Claude Lebrun.

Andreï Makine Huit séquences d’une jeunesse.

Dans chacun des livres d’Andreï Makine passent un souffle, une liberté de regard et de parole, ainsi qu’une attention aux êtres, qui le désignent comme un écrivain majeur. Son territoire d’écriture reste le pays de sa jeunesse, l’URSS, du début des années 1960 à sa dissolution en 1991. Dans le roman en huit tableaux qu’il nous propose aujourd’hui, un narrateur paraissant beaucoup lui ressembler aborde lumineusement cette matière complexe. Il est d’abord question d’un homme rencontré il y a un quart de siècle. Le personnage, alors âgé de quarante-quatre ans, affichait un long passé de dissident. Il avait payé au prix fort, dans un camp, ses provocations et ses façons de tourner en dérision le régime soviétique. Ses premiers écarts remontaient au début des années 1960. À la même époque, le narrateur, âgé de dix ans, était encore dans un orphelinat et croyait dur comme fer en un « monde fraternel » promis pour l’avenir. Lorsque plus tard les deux hommes s’étaient croisés, ils avaient pu mesurer leurs différences de perception, même s’ils aboutissaient à un même constat. La puissance saisissante du roman d’Andreï Makine tient à ce dédoublement des approches. Tandis que l’on garde présent à l’esprit le récit du dissident et de son combat, qui se solda également par un désastre intime – un amour pour une femme qui ensuite se détourna de lui et se maria avec un apparatchik – le narrateur évoque des moments successifs de sa propre maturation
Par exemple une sortie avec l’orphelinat dans
un parc où se dressaient encore les tubulures d’une tribune officielle. Une jeune femme, qui avait mis le garçon en émoi, s’y tenait prostrée : celui qu’elle aimait reposait par le fond dans la coque d’un sous-marin ; mais l’information n’avait jamais été divulguée. Ou encore, pour compléter la leçon d’histoire d’une institutrice admirée, la tentative de visite à une vielle dame qui avait connu Lénine pendant son exil suisse. Sauf que celle-ci n’avait pas voulu se montrer. Le narrateur en apprendrait bientôt la triste raison. Plus tard il y avait eu ce couple d’amants, dans une station de la mer Noire ornée de portraits géants de Brejnev. En ce temps-là, pour les amours non légitimes, impossible d’aller à l’hôtel. On cherchait les recoins, on attendait l’obscurité sur la plage. Laisser apparaître les ardeurs de l’intime n’était simplement pas concevable. Le narrateur se rappelle également la pommeraie modèle qu’il avait traversée avec une amie chère, au milieu des années 1980. Une beauté à couper le souffle, mais les arbres n’y donnaient aucun fruit et l’on n’y entendait pas d’oiseaux. Une apparence de jardin d’éden, illusion pareille aux anciennes promesses de bonheur. « Mais la railler au nom de quel autre avenir ?» interroge-t-il sa compagne qui a choisi la posture du mépris. Cette continuelle mise en perspective donne au roman sa formidable profondeur. Il y a là, osons le mot, une saisie dialectique d’une rare finesse. Et que dire de l’ultime scène dans un établissement chic de Nice, 
où le narrateur découvre la femme jadis aimée par 
le dissident et retrouve aussi un camarade de combat d’Afghanistan, blessé en même temps que lui dans 
un accident d’hélicoptère. Aujourd’hui l’un déplore dans son pays le « mépris pour les vieux et les faibles », l’autre, dans le sillage de la femme, vend ses services 
à une mafia. Rien de plus. Mais la force de cette prose 
se tient justement là.
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Jean Maiboroda