J.M
POZZO DI BORGO | L'ENNEMI JURE DE NAPOLEON - Michel Vergé-Franceschi et Anna Moretti
Préface de : Jean TULARD
Genre : Histoire (Bio Payot)
Collection : Biographie Payot
Grand format | 416 pages. | Paru en : Octobre 2016 | Prix : 24.00 €
GENCOD : 9782228916516
Editions : Payot
Sur la base d’archives inédites en Corse, à Londres et à Saint-Pétersbourg, Michel Vergé-Franceschi est parti sur la trace de ce personnage infiniment romanesque, dont Karl Marx dit qu’il fut « le plus grand diplomate russe de tous les temps ».
Corse de naissance, indéfectiblement attaché à son île d’origine, Michel Vergé-Franceschi lui a rendu hommage dans plusieurs ouvrages. Il est l'auteur chez Payot de Ninon de Lenclos et de Colber, et, en collaboration, d'Une histoire érotique de Versailles. Spécialiste de l’Ancien Régime, il est professeur d’histoire moderne à l’université de Tours.
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Mais, dans l'ordre de parution :
Pierre ORDIONI, "Pozzo Di Borgo. Diplomate de l'Europe française", paru en 1935, qui, ironie du sort, renvoie à la fois Napoléon et Pozzo di Borgo à leurs sentiments anti-français de jeunesse.
Citons l'auteur : "Les deux grands champions de la Révolution [Bonaparte] et de la contre-Révolution [Pozzo di Borgo] échappèrent à la nationalité française (…) Bonaparte et Pozzo di Borgo ne s'expliquent que comme étrangers."
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Ce vrai-faux roman est une belle histoire de haine, comme il y a de belles histoires d'amour, entre un personnage immense qui ébranle le monde et un obsessionnel qui, après avoir été son compagnon d'adolescence à Ajaccio, le traque obstinément et stimule contre lui l'animosité des princes de l'Europe entière. Une cavalcade de quelque vingt années qui, partie de " l'île de beauté ", va de Londres à Vienne, de Saint-Pétersbourg à Paris, jusqu'à " la morne plaine " de Waterloo où Pozzo retrouve enfin Napoléon terrassé et s'évaporant dans la fumée de la bataille…"
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"Napoléon et Pozzo di Borgo, 1764-1821", préfacé par le Prince Charles Napoléon, et traduit de l’anglais par Reynier, comte Pozzo di Borgo - de J.MP. McErlean, professeur d’histoire et chercheur à l’Université de Toronto (Canada).
https://ahrf.revues.org/10790
John M. P. McErlean, Napoléon et Pozzo di Borgo 1764-1821, Versailles, Éditions de Paris, 2007, 362 p., ISBN 978-2-85162-198-6.
Longtemps professeur d’histoire à l’Université de Toronto, John McErlean a publié ce volume en anglais il y a une dizaine d’années, chez un petit éditeur du pays de Galles dont les livres se vendent très cher (Napoleon and Pozzo di Borgo in Corsica and After, 1764-1821. Not Quite a Vendetta, Lampeter, Edwin Mellen Press, 1996). C’est sans doute grâce à l’aide des afficionados contemporains de Bonaparte que cet ouvrage paraît désormais en français, quelque peu abrégé et dans un format plus accessible. N’est-il pas doté d’un préface du prince Charles Napoléon et traduit par les soins du comte Pozzo di Borgo, qui prouve que des liens entre ces deux familles corses existent encore et semblent plus amicaux que sous la Révolution et l’Empire, quand Napoléon et Pozzo sont devenus des adversaires redoutables ? Comme le sous-titre de la version anglaise l’indique bien, le célèbre ressentiment qui a divisé ces deux jeunes hommes, amis devenus ennemis, n’était pas vraiment de l’ordre de la vendetta, et offre un sujet irrésistible qui a déjà attiré d’autres écrivains.
Le destin croisé de deux hommes dont le destin fut de s’affronter au long de leur vie quoique tous les deux corses. L’histoire nous en est contée par JMP McEarlean professeur d’histoire à l’université de Toronto. Charles André Pozzo di Borgo et Napoléon sont tous les deux issus du siècle des lumières et c’est la révolution qui les projette devant la scène.
Ajaccio fut leur premier terrain d’affrontement. C’est au service de Pascal Paoli père de la patrie corse que naît leur désaccord voire leur haine. Ils feront de l’Europe le théâtre de leur ressentiment. L’affaire se dénoue à Moscou.
Aventures de l’histoire, n°67, juin 2007.
Professeur d’histoire à l’université de Toronto, l’auteur a réussi un brillant portrait en parallèle de deux ambitions, celles de deux jeunes Corses aux destins opposés. Paradoxe de l’histoire, au moment où l’un partait en exil à Sainte-Hélène, l’autre arrivait à Paris comme ambassadeur du tsar.
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"Une haine de Corse : histoire véridique de Napoléon Bonaparte et de Charles-André Pozzo di Borgo".
Marie Ferranti - Gallimard - 2012
Résumé par http://www.cultura.com/une-haine-de-corse-9782070451708.html
Ce roman de la haine qui opposa, tout au long de leur vie, C.-A. Pozzo di Borgo à Bonaparte, retrace le destin de ces deux êtres ambitieux et fougueux, qui se connurent dès l'enfance et furent en conflit de la Révolution jusqu'à la chute de l'empereur. ©Electre 2015
http://www.laprocure.com/haine-corse-histoire-veridique-napoleon-bonaparte-charles-andre-pozzo-borgo-marie-ferranti/9782070451708.htm
Sa vie durant, Charles-André Pozzo di Borgo voua une haine profonde à son ami d’enfance, Napoléon Bonaparte. Alors que le futur empereur embrasse la carrière militaire, Pozzo devient avocat, participe à la Révolution avant d’être élu député de la Corse. Il assiste à l’ascension de Bonaparte avec méfiance, avant de s’opposer à lui au point de se mettre au service du tsar de Russie, dont il sera un puissant conseiller – rôle dont Napoléon, après sa chute, reconnaîtra l’importance décisive. Voici l’oeuvre d’une romancière qui se fait pour l’occasion historienne – à moins que ce ne soit l’inverse. Marie Ferranti nous montre l’Histoire en train de naître au jour le jour dans le creuset des passions humaines.
http://www.corsematin.com/article/papier/marie-ferranti-raconte-une-haine-de-corse.617354.html
Publié le mardi 27 mars 2012 - Gérard Baldocchi
Saint-Florent. Sa baie offerte au soleil blanc de mars. Sa mer chiffonnée par le souffle inépuisable de la brise. Son port de plaisance engourdi par la douce apesanteur d'une hibernation finissante. Ses écrivains qui, de leur nom et de leur renom, ont tissé la station balnéaire au rang de capitale insulaire des lettres, Jean d'Ormesson, Marc Fumaroli, Jean-Marie Rouart, Nathalie Rheims, Michel Mohrt…
Marie Ferranti est la gardienne de ce temple littéraire marin.
Sa maison tutoie le rivage. Ses yeux aussi, lorsqu'ils naviguent à vue sur les eaux incertaines de l'inspiration. Mais cette fois, la romancière a viré de bord. Elle a levé l'encre du roman et mis le cap sur l'histoire. Une longue traversée de trois ans pour remonter le courant d'une haine. Une haine de Corse. Celle qui a intimement lié les destins de deux Corses illustres, Napoléon-Bonaparte et Charles-André Pozzo di Borgo.
Ce n'est pas un livre d'historien.
« Le sujet a été traité et très bien traité avant moi, mais j'ai été impressionnée par cette histoire que m'a racontée Jean-Paul Poletti. J'ai choisi de la revivre par le prisme des mémorialistes, en m'imprégnant de l'atmosphère de l'époque, en ressentant les sentiments et les émotions que répandent les mots et les écrits de ce temps. J'ai refait le chemin en suivant patiemment les cailloux des petits faits vrais comme les appelait Stendhal. Chaque épisode de cette période extraordinaire, chaque personnage mériterait qu'on y consacre un livre. Il y en aurait ainsi mille à écrire ».
La forme est inédite, traversée de digressions temporelles, d'allers-retours entre passé et présent. L'écrivain interrompt le cours de son récit pour en parler avec son ami Francis Beretti ou sa mère. Comme pour marquer sa volonté de prendre ses distances. Par l'effet de ce détachement, la narration se pare d'une dimension contemporaine. Le regard d'aujourd'hui de Marie Ferranti n'aliène pas l'histoire à ses vérités du moment, il la dépoussière.
Derrière la haine la fascination…
Elle a reconstitué en un tout homogène et passionnant une mosaïque de fragments prélevés à des centaines de sources, laissant peu d'espace à l'imagination du romancier.
« Un travail singulier et inédit pour moi. La frustration de l'imagination bridée que j'ai pu éprouver parfois me remettra sur les rails du roman. J'ai savouré le rôle du chef d'orchestre qui met l'histoire en musique sans ressentir l'exaltation du compositeur, mais j'ai été portée par le souffle de personnages aussi talentueux et charismatiques que Talleyrand, Hugo, Chateaubriand… »
L'écriture est limpide, le style épuré comme le décor. Ni scènes panoramiques à la démesure des ambitions napoléoniennes, ni champs de batailles à perte de vies. Tout est feutré, intime, confiné à des confidences et à des intrigues de salon. Un peu à la manière d'une enquête de voisinage. Le contexte politique s'étire tel une ombre hégémonique sur la toile de fond. L'humain, lui, est en pleine lumière.
« Napoléon est une figure fascinante. Derrière la grandeur du génie humain percent les limites du génie solitaire. Parce qu'il est seul, il accomplit des choses extraordinaires, et parce qu'il est seul aussi, il devient un tyran, englouti par sa propre ivresse du pouvoir ».
La haine que se vouent réciproquement Napoléon et Pozzo n'a rien de personnel. Cette haine, sur laquelle ce dernier a bâti son existence jusqu'à l'obsession et nourri sa carrière jusqu'à la consécration, est mâtinée d'estime, de fierté et de fascination.
« Chacun fait la distinction entre l'homme privé et le personnage public. Leur parcours respectif est intimement lié, mais paradoxalement ils ne se croisent jamais. C'est une histoire parallèle. Sans se voir, l'un pèsera sur la vie de l'autre de façon définitive. On ne rencontre pas de mesquinerie ou de mépris chez Pozzo, tandis que Napoléon ne le pourchasse pas, comme si lui concéder la liberté le rendait plus insignifiant encore. En revanche, il l'a sous-estimé. Pozzo jouera un rôle prépondérant dans la grande coalition européenne contre Napoléon, et c'est lui qui a choisi le lieu de son exil insulaire. Pas la Corse, son berceau, pas davantage l'Île d'Elbe d'où il était revenu, mais Sainte-Hélène, le bout du monde… »
Pire encore que le bout du monde. L'enfer. C'est ce qui a le plus frappé Marie Ferranti.
« Il est traité indignement par ses geôliers. Ses conditions de vie sont épouvantables, des pièces étriquées et envahies par des hordes de rats, des odeurs de moisissure, une nourriture exécrable. Lorsqu'il prend conscience qu'il n'échappera plus à cette réclusion, il tombera dans une grande dépression et je crois qu'il s'est laissé mourir… »
« Soulagée d'être arrivée à destination… »
Qu'ils soient en conquête, en fuite, expatriés ou bannis, les deux hommes apparaissent comme des éternels exilés. Le thème infuse le récit de ses volutes lancinantes et douloureuses.
« La pulsion de l'ailleurs est fondamentale dans la culture insulaire. La tentation de l'exil y est permanente. La nostalgie, le mal du pays, le tourment du retour, tout ceci est prégnant. Cela renvoie à l'esprit du large, aux aspirations et aux regrets des Corses que nous sommes, quel que soit le siècle ».
Saint-Florent constituant son propre exil doré, Marie Ferranti nous fait aussi découvrir à quel point son village marin a tenu son rang dans l'histoire.
« J'ai découvert moi-même son importance à la période du royaume anglo-corse. Francis Beretti est intarissable sur le sujet. C'est entre le passé et moi une passerelle intime. Du côté de Fornali, face à la propriété de Jean d'Ormesson, je me suis approchée d'une maison qui a appartenu à une descendante de Napoléon. Lorsque Pascal Paoli devient le chef de la nouvelle Nation, les Français s'installent à Saint-Florent en novembre 1756. Il y décrète le blocus. Paoli exerce une fascination sur Napoléon et Pozzo aux côtés duquel il s'engage. En chassant les Bonaparte de Corse, Paoli va finalement permettre à Napoléon d'accomplir un destin hors du commun. Dans les mémoires de Sainte-Hélène, c'est d'ailleurs le seul qui trouve grâce aux yeux de l'empereur déchu.Je l'ai aimé et admiré toujours, écrit-il… »
Malgré la difficulté du défi et le travail patient de recherches dans les ouvrages dédiés et les archives, Marie Ferranti a quitté ses personnages avec un petit pincement au cœur.
« Suivre de si près des personnalités d'un tel niveau, là au même moment, dans un même lieu, est quelque chose d'exceptionnel. J'ai remonté le temps d'un âge d'or, sans équivalent dans l'histoire mondiale. Je suis un peu étonnée d'avoir accompli un si long périple, et plus sûrement soulagée d'être arrivée à destination. Au-delà de leurs parcours et de leurs différends, j'ai pris conscience que les valeurs communes qui habitaient ces hommes, leur rapport à la politique, à l'amitié, à la famille, ont franchi les siècles pour perdurer aujourd'hui dans notre île. Cette aventure littéraire sur des terres historiques dont je n'étais pas familière a été exaltante, mais je crois bien que je n'en recommencerai pas une autre ».
L'écrivain quitte en même temps, et sans doute avec moins de regret, un univers éminemment masculin, elle qui, dans ses romans, a si souvent sublimé le rôle de la femme. La femme corse dans une société aux mœurs aussi arides que le désert des Agriate qu'elle embrasse tous les jours de son corps et de son âme.
Marie Ferranti va se mettre psychologiquement au vert et réfléchir sereinement à son prochain livre.
Ce sera un roman, la clef des chambres interdites de la maison, disait Aragon.
Les idées cheminent dans sa tête mais elle préfère les celer.
Mais ce sera bien un roman. Un roman de Corse.
http://www.franceculture.fr/oeuvre-une-haine-de-corse-de-marie-ferranti :
Charles-André Pozzo di Borgo voua, sa vie durant, une haine profonde à son ami d'enfance, Napoléon Bonaparte. Marie Ferranti retrace l'histoire de la relation entre ces deux êtres brillants, ambitieux et fougueux. Alors que Bonaparte embrasse la carrière militaire, Pozzo di Borgo devient avocat, participe à la Révolution avant d'être élu député de la Corse. Il assiste à l'ascension de Bonaparte avec méfiance, avant de s'opposer à lui au point de se mettre au service du tsar de Russie, dont il sera un puissant conseiller - rôle dont Napoléon, après sa chute, reconnaîtra l'importance décisive.
En réalité, Marie Ferranti s'intéresse sans doute moins à Pozzo qu'à Napoléon. C'est bien la figure de l'empereur qui transparaît en permanence à travers le portrait de son ennemi. Si brillant soit-il, le personnage de Pozzo ne peut que s'effacer devant le génie napoléonien.
Voici l'œuvre d'une romancière qui se fait pour l'occasion historienne - à moins que ce ne soit l'inverse - et n'hésite pas à se mettre en scène dans le jeu de miroirs où se reflètent ses deux personnages. Elle nous montre l'Histoire en train de naître au jour le jour dans le creuset des passions humaines.
http://www.decitre.fr/livres/Une-haine-de-Corse.aspx/9782070136056 :
La " haine " du titre désigne celle que voua toute sa vie durant Charles-André Pozzo di Borgo à Napoléon Bonaparte.
Marie Ferranti retrace l'histoire de cette relation entre deux êtres brillants, ambitieux et fougueux, qui se connurent dès l'enfance. Alors que Bonaparte embrasse la carrière militaire, Pozzo di Borgo devient avocat, il participe à la révolution et sera député des Corses, mais il assistera à l'ascension de Bonaparte avec méfiance, avant de s'opposer à lui au point de se mettre au service du Tsar de Russie, dont il sera un puissant conseiller - rôle dont Napoléon reconnaîtra l'importance décisive après sa chute.
A partir de ce parallélisme de destins, Marie Ferranti a composé un livre qui est plus une évocation de Pozzo qu'un récit historique, puisqu'elle se sert autant de la littérature (Chateaubriand, Stendhal, Hugo, Tolstoï, Balzac) que des Mémoires du temps (Las Casas, Talleyrand, Marbot) ou des historiens actuels. Afin de mieux cerner Pozzo di Borgo, Marie Ferranti choisit non pas la linéarité historique mais des va-et-vient, des boucles entre le passé et le présent, et elle n'hésite pas à s'impliquer dans l'affaire, en tant que Corse, notamment par le biais d'une conversation avec sa mère.
Consacré à deux très fortes personnalités, l'une trop connue donc mal connue, l'autre méconnue, ce livre d'une grande vivacité se lit avec un intérêt et un plaisir constants.
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Signalons enfin deux articles consacrés à Charles André Pozzo Di Borgo dans les ACTES des seizièmes journées universitaires d'histoire maritine de Bonifacio (juin 2014) parus dans l'ouvrage intitulé: LA CORSE, LA MEDITERRANEE ET LA RUSSIE (Editions Alain Piazzola - 2015)
RUSSIA BEYOND
HISTOIRE
03 MAI 2022
BORIS EGOROV
« Pozzo di Borgo était l’homme qui détestait le plus et déifiait le plus Napoléon * » : c’est ainsi que l'historien français Albert Vandal a décrit l'un des diplomates russes les plus influents du XIXe siècle, cousin éloigné mais en même temps ennemi juré de l’empereur français.
Sur l'île de Sainte-Hélène, Napoléon a même écrit dans ses mémoires qu’un conseil donné par Pozzo di Borgo avait changé le destin de la France, de l'Europe et du monde entier.
De l'amour à la haine
Charles André Pozzo di Borgo
Charles André Pozzo di Borgo appartenait à une ancienne lignée corse, dont l'histoire est étroitement liée au clan ancien des Bonaparte. Les deux familles avaient des relations lointaines, tantôt agissant en alliées, tantôt en rivales.
Dans l'enfance, Charles André était ami avec Napoléon et sa famille, et a même vécu sous le toit de leur maison à Ajaccio. Les opinions des garçons étaient très proches à l’époque – tous deux rêvaient de l'indépendance de leur île natale, qui peu avant que leur naissance avait pratiquement obtenu la liberté dans sa lutte contre Gênes, avant de la perdre avec l'arrivée des Français en 1769.
Les désaccords entre les amis se sont fait jour peu de temps après le départ du futur empereur pour étudier en France. Les années passées sur le continent ont transformé l’ardent patriote corse d’hier en véritable francophile.
Napoléon
Le schisme final s'est produit dans la période de la Révolution française, lorsque Bonaparte s’était déjà transformé en un ardent adversaire de l’indépendance de la Corse. Au printemps 1793, le chef du mouvement de libération nationale corse, Pascal Paoli, a annoncé la rupture des relations avec Paris et a appelé à l'aide les Britanniques. L'année suivante, le royaume corse récemment proclamé était sous protectorat du roi britannique George III et en tant que principal proche de Paoli, Pozzo di Borgo a été nommé président du conseil d'État local.
La famille Bonaparte n’a pas ménagé ses mots à l’égard de Charles André, l'accusant de trahison de l'État. Ce dernier n’était pas en reste : il est devenu l'initiateur principal de l'expulsion de Napoléon de l'île.
En octobre 1796, en raison des brillantes victoires du général Napoléon dans le nord de l'Italie, les Britanniques ont été forcés d'évacuer leurs troupes de Corse. Les Français ont donc réoccupé l'île et Pozzo di Borgo devait désormais fuir : Bonaparte avait personnellement supprimé son nom de la liste des personnes à amnistier.
Lire aussi : Comment Napoléon a-t-il tenté d’intégrer l’armée impériale de Russie?
Au service de la Russie
Alexandre Ier de Russie
Après une longue errance dans les cours d'Autriche et du Royaume-Uni, Charles André est entré en 1804 au service de la Russie. Il a été intégré au collège des affaires étrangères en tant que conseiller d’État et a commencé à remplir les instructions diplomatiques de l'empereur Alexandre Ier.
La défaite de la quatrième coalition antifrançaise et la conclusion le 7 juillet 1807 de la paix de Tilsit entre le tsar russe et l'empereur de France ne pouvaient pas ne pas affecter le sort de di Borgo. Alexandre a refusé de le livrer à Napoléon, mais le Corse a néanmoins été obligé de quitter le service de la Russie.
Charles André a alors erré entre Vienne et Berlin, continuant néanmoins d’informer le tsar de la situation en Europe. Fait intéressant, dans ses conversations avec l’aristocratie locale, qui méprisait l’empereur et le qualifiait d’« arriviste corse », di Borgo a violemment défendu son ennemi juré : « Qu'est-ce que ces personnages connaissent de Napoléon ? S'ils en savaient autant que moi à son sujet, ils trembleraient de peur comme dans une fièvre. Comment ces lilliputiens peuvent-ils se comparer à un géant ! Ils sont ridicules ! Ils vont tout perdre !* »
À Paris
Les troupes entrent à Paris
L'invasion de la Grande armée en Russie et le début de la guerre patriotique de 1812 a permis à Charles André de revenir au service d’Alexandre Ier. Il a participé à plusieurs batailles contre les troupes françaises et a recommencé à réaliser les instructions diplomatiques du tsar. Ainsi, pour être parvenu à impliquer la Suède dans la coalition antifrançaise en juillet 1813, di Borgo a été nommé major général.
C’est toujours lui qui, en mars 1814, a convaincu les alliés, hésitant à avancer, de réaliser une marche rapide sur Paris, ce qui a finalement réduit à néant tous les projets militaires de Napoléon et accéléré sa chute. « Le but de la guerre est à Paris. Tant que vous penserez aux batailles, vous risquez d'être défaits, car Napoléon fera toujours bataille mieux que vous... vous devez vous efforcer de finir la guerre non pas par des moyens militaires, mais politiques... Touchez Paris uniquement de votre doigt, et le colosse Napoléon sera renversé, vous casserez l’épée que vous ne pouvez lui arracher *», a déclaré Charles André.
Lire aussi : Comment Napoléon a-t-il été sauvé par un général russe?
Diplomate chevronné
C’est aussi en grande partie grâce aux efforts de Charles André Pozzo di Borgo que les Bourbons sont revenus sur le trône français. Il a réussi à convaincre le tsar, qui avait peu d’estime à propos de cette dynastie, que c’était la seule façon d’éviter la guerre civile dans le pays. C'est le Corse, autorisé à cela par les Alliés, qui a ainsi apporté à Louis comte de Provence (futur Louis XVIII) la proposition d’accepter la Couronne de France.
Wellington à Waterloo
Après le retour triomphant de Napoléon au pouvoir en 1815, Pozzo di Borgo était auprès des troupes du duc de Wellington, où il représentait le tsar russe. Il a participé à la bataille de Waterloo, au cours de laquelle il a été blessé. Selon la légende, les deux ennemis irréconciliables se sont même regardés à travers des longues-vues.
Dans l'après-guerre, Charles André a servi pendant de nombreuses années comme messager spécial d'Alexandre Ier à la cour de Louis XVIII. Comme pour Bonaparte jadis, la France était devenue pour Pozzo di Borgo une nouvelle patrie. Ses efforts ont permis d’éviter de lourdes pertes territoriales et les forces d'occupation ont été bientôt retirées du pays.
Le diplomate a fait tout son possible pour que la France retrouve une place dans le système de relations européennes et que son lien avec la Russie ne soit jamais affaibli. Possédant une influence énorme, il était écouté tant par Alexandre Ier (et après lui Nicolas Ier) que par les monarques français. Les Parisiens plaisantaient même en disant parfois qu’ils étaient toujours dirigés par un Corse.
Pozzo di Borgo est décédé en 1842, survivant de vingt ans à Napoléon. Considérant son cousin lointain comme son principal ennemi, il a cependant toujours reconnu son génie. En 1831, Charles André avait parlé ainsi à son neveu Carlo Pozzo : « Comme la plupart des autres personnes, je ne serai qu'une planète secondaire autour du grand Soleil, peu importe qu’il donne la vie ou brûle le monde. »
* Les propos ont été retraduits du russe