Ceux qui ont lu l'intégralité de l'article "L'odyssée du RION - document Bruno Bagni". (Rubrique : LES RUSSES EN CORSE) ont certainement pris connaissance du chapitre 2 intitulé "l'offre du Brésil" et du chapitre 3 intitulé " La volte face des Brésiliens", volte face qui a en quelque sorte contraint la France à dérouter le navire vers…. AJACCIO.
Le chapitre 5 ayant pour titre " L'échec de l'immigration au Brésil" relate de manière très précise les péripéties de l'installation – ou de la non-installation- des émigrés dans "l'eldorado" brésilien.
Néanmoins, près de 617 Russes du "RION" auraient trouvé asile au Brésil après un court séjour en Corse.
Ceci m'a incité à effectuer quelques recherches en direction de l'Etat de Sao Polo.
J'ai découvert qu'il existait là-bas une association de Russes dotée d'un site intitulé "RECANTO RUSSO" (adresse : http://selin.tripod.com/), sous-titré en brésilien :
Bem vindo ao Recanto Russo no Brasil!.
Mais les tentatives de contact avec ses promoteurs, afin de connaître les conditions d'installation des migrants du RION au Brésil et l'actualité de leur descendance ont été infructueuses.
Le chapitre 5 ayant pour titre " L'échec de l'immigration au Brésil" relate de manière très précise les péripéties de l'installation – ou de la non-installation- des émigrés dans "l'eldorado" brésilien.
Néanmoins, près de 617 Russes du "RION" auraient trouvé asile au Brésil après un court séjour en Corse.
Ceci m'a incité à effectuer quelques recherches en direction de l'Etat de Sao Polo.
J'ai découvert qu'il existait là-bas une association de Russes dotée d'un site intitulé "RECANTO RUSSO" (adresse : http://selin.tripod.com/), sous-titré en brésilien :
Bem vindo ao Recanto Russo no Brasil!.
Mais les tentatives de contact avec ses promoteurs, afin de connaître les conditions d'installation des migrants du RION au Brésil et l'actualité de leur descendance ont été infructueuses.
Mais revenons au document Bagni qui relate l'aventure brésilienne.
Au bout de quelques semaines passées à Ajaccio, tous les réfugiés ne sont plus unanimement enthousiasmés à l'idée de partir en Amérique Latine. Le 27 juin, le Directeur des Services Agricoles remarque que "parmi ces Russes, un grand nombre préfèreraient rester plutôt que d'aller au Brésil". Les représentants de l'ambassade de Russie le constatent aussi, et estiment à 2000 ceux qui sont fermement décidés à partir en Amérique du Sud.
Le 17 mai, soit deux jours après l'arrivée du paquebot en Corse, l'ambassadeur de France à Rio de Janeiro annonce par télégramme que le Président de la République Brésilienne a levé son opposition à la venue des 3422 Russes embarqués et des 500 qui se préparaient à le faire à Bizerte. Il reste cependant entendu que les Russes seront envoyés en plusieurs échelons: un premier convoi de 1000 personnes sera envoyé à Santos; lorsque ceux-ci auront tous été placés dans les plantations, un nouveau contingent de 1000 réfugiés sera envoyé, et ainsi de suite.
Le sous-secrétariat d'État à la Marine Marchande ne disposant pas de navires pouvant transporter 1000 personnes à la fois à travers l'Atlantique, on trouve la solution de faire partir le premier contingent en deux fois, à quelques jours d'intervalle, sur deux vapeurs, l'"Aquitaine" et la "Provence".
En attendant que le premier navire arrive, on prépare à Ajaccio la liste du premier groupe de réfugiés destinés à partir. […] Et c'est sans doute avec un soupir de soulagement que le Secrétaire Général du Quai d'Orsay envoie à Rio le télégramme suivant: "421 émigrants russes ont quitté Ajaccio le 21 juin sur le vapeur "Aquitaine" à destination de Santos".
Il y a à bord 329 célibataires et 30 familles regroupant 92 personnes. Le 12 juillet, c'est au tour de la "Provence" de partir d'Ajaccio, chargée de 654 réfugiés.
Cependant, la douche glacée survient peu de temps après. C'est par un télégramme qu'Aristide Briand apprend que, sur les 421 passagers de l'"Aquitaine", 229 ont été reconnus par les Brésiliens totalement inaptes à l'agriculture. Le coup de grâce arrive dans la foulée; lorsque la "Provence" arrive à quai, on n'y découvre que 400 agriculteurs. Les autres n'ont jamais touché un outil agricole, et de surcroît se refusent à tout travail. En tout, 618 réfugiés sur les 1075 embarqués doivent être, suivant le contrat signé, renvoyés en France aux frais de la République. Finalement, après nouvelles négociations, le Brésil se laisse convaincre de reprendre 160 réfugiés; ce sont donc 458 Russes qui repartent du Brésil le 17 août à bord de la "Provence". [… ] Le gouvernement français avait assuré aux Brésiliens que, grâce à une "sélection très rigoureuse", on n'avait embarqué "que des ouvriers agricoles expérimentés". Dès le 19 juillet, l'ambassade brésilienne à Paris informe le gouvernement français qu'il faut "suspendre l'embarquement des nouveaux convois d'émigrants russes jusqu'à nouvel ordre", ce qui signifie, en termes diplomatiques, qu'il est hors de question pour les Brésiliens d'accueillir de nouveaux réfugiés.[…] Seuls 617 Russes ont pu s'installer à Sao Paulo, alors qu'on espérait y placer 10 à 20.000 réfugiés.
[…] Nous pouvons toutefois trouver plusieurs raisons à l'échec de l'immigration au Brésil. Tout d'abord, on serait en droit d'imaginer que seuls des réfugiés d'humble origine furent volontaires pour aller devenir ouvriers agricoles sur des plantations.
Or, si l'on feuillette la presse ajaccienne, on s'aperçoit que toutes les classes sociales étaient représentées à bord du "Rion", comme en témoignent ces extraits: "Il reste ici d'anciens officiers, des ingénieurs, des techniciens, sortis des principales écoles russes"; "Il y a parmi ces Russes des hommes appartenant à toutes les classes: des paysans, des ouvriers, des chauffeurs, des étudiants, des ingénieurs, des avocats, des journalistes; des dames nobles et des femmes du peuple"; "Il y a là d'anciens fonctionnaires, d'anciens officiers, des commerçants, des industriels, des ingénieurs"; "fils de bourgeois, ingénieurs, avocats, médecins en cours d'études ou déjà établis". Le témoignage de cette diversité sociale nous est fourni par un extraordinaire document, conservé aux archives du Quai d'Orsay: la liste de tous les passagers de l'"Aquitaine", avec pour chacun la profession que les Brésiliens éberlués ont constaté lors de l'arrivée à Santos. Du pur Prévert. Parmi quelques agriculteurs semblant presque égarés, on trouve de multiples professions manuelles: 36 mécaniciens, 9 typographes, 20 charpentiers, 7 menuisiers, 5 peintres, 6 télégraphistes... Mais aussi des professions intellectuelles ou d'un tout autre milieu social: 7 comptables, 8 instituteurs et institutrices, 7 professeurs, 7 avocats, 3 agronomes, 3 vétérinaires, 3 ingénieurs, 2 architectes, 1 météorologiste, 2 médecins, 1 journaliste, 2 pharmaciens, 14 officiers dont 3 colonels...
Nous ne saurions résister au plaisir de citer quelques cas fort poétiques: un romancier, un artiste dramatique, un compositeur musical, une chanteuse lyrique, deux jockeys, un boxeur, un acrobate et... un dompteur de fauves ! On pourrait aussi ajouter à cette liste le Prince et la Princesse Mestchersky, restés à Ajaccio. Peut-on imaginer que tous ces gens avaient l'intention de devenir ouvriers agricoles pour 150 milreis par an?
Au bout de quelques semaines passées à Ajaccio, tous les réfugiés ne sont plus unanimement enthousiasmés à l'idée de partir en Amérique Latine. Le 27 juin, le Directeur des Services Agricoles remarque que "parmi ces Russes, un grand nombre préfèreraient rester plutôt que d'aller au Brésil". Les représentants de l'ambassade de Russie le constatent aussi, et estiment à 2000 ceux qui sont fermement décidés à partir en Amérique du Sud.
Le 17 mai, soit deux jours après l'arrivée du paquebot en Corse, l'ambassadeur de France à Rio de Janeiro annonce par télégramme que le Président de la République Brésilienne a levé son opposition à la venue des 3422 Russes embarqués et des 500 qui se préparaient à le faire à Bizerte. Il reste cependant entendu que les Russes seront envoyés en plusieurs échelons: un premier convoi de 1000 personnes sera envoyé à Santos; lorsque ceux-ci auront tous été placés dans les plantations, un nouveau contingent de 1000 réfugiés sera envoyé, et ainsi de suite.
Le sous-secrétariat d'État à la Marine Marchande ne disposant pas de navires pouvant transporter 1000 personnes à la fois à travers l'Atlantique, on trouve la solution de faire partir le premier contingent en deux fois, à quelques jours d'intervalle, sur deux vapeurs, l'"Aquitaine" et la "Provence".
En attendant que le premier navire arrive, on prépare à Ajaccio la liste du premier groupe de réfugiés destinés à partir. […] Et c'est sans doute avec un soupir de soulagement que le Secrétaire Général du Quai d'Orsay envoie à Rio le télégramme suivant: "421 émigrants russes ont quitté Ajaccio le 21 juin sur le vapeur "Aquitaine" à destination de Santos".
Il y a à bord 329 célibataires et 30 familles regroupant 92 personnes. Le 12 juillet, c'est au tour de la "Provence" de partir d'Ajaccio, chargée de 654 réfugiés.
Cependant, la douche glacée survient peu de temps après. C'est par un télégramme qu'Aristide Briand apprend que, sur les 421 passagers de l'"Aquitaine", 229 ont été reconnus par les Brésiliens totalement inaptes à l'agriculture. Le coup de grâce arrive dans la foulée; lorsque la "Provence" arrive à quai, on n'y découvre que 400 agriculteurs. Les autres n'ont jamais touché un outil agricole, et de surcroît se refusent à tout travail. En tout, 618 réfugiés sur les 1075 embarqués doivent être, suivant le contrat signé, renvoyés en France aux frais de la République. Finalement, après nouvelles négociations, le Brésil se laisse convaincre de reprendre 160 réfugiés; ce sont donc 458 Russes qui repartent du Brésil le 17 août à bord de la "Provence". [… ] Le gouvernement français avait assuré aux Brésiliens que, grâce à une "sélection très rigoureuse", on n'avait embarqué "que des ouvriers agricoles expérimentés". Dès le 19 juillet, l'ambassade brésilienne à Paris informe le gouvernement français qu'il faut "suspendre l'embarquement des nouveaux convois d'émigrants russes jusqu'à nouvel ordre", ce qui signifie, en termes diplomatiques, qu'il est hors de question pour les Brésiliens d'accueillir de nouveaux réfugiés.[…] Seuls 617 Russes ont pu s'installer à Sao Paulo, alors qu'on espérait y placer 10 à 20.000 réfugiés.
[…] Nous pouvons toutefois trouver plusieurs raisons à l'échec de l'immigration au Brésil. Tout d'abord, on serait en droit d'imaginer que seuls des réfugiés d'humble origine furent volontaires pour aller devenir ouvriers agricoles sur des plantations.
Or, si l'on feuillette la presse ajaccienne, on s'aperçoit que toutes les classes sociales étaient représentées à bord du "Rion", comme en témoignent ces extraits: "Il reste ici d'anciens officiers, des ingénieurs, des techniciens, sortis des principales écoles russes"; "Il y a parmi ces Russes des hommes appartenant à toutes les classes: des paysans, des ouvriers, des chauffeurs, des étudiants, des ingénieurs, des avocats, des journalistes; des dames nobles et des femmes du peuple"; "Il y a là d'anciens fonctionnaires, d'anciens officiers, des commerçants, des industriels, des ingénieurs"; "fils de bourgeois, ingénieurs, avocats, médecins en cours d'études ou déjà établis". Le témoignage de cette diversité sociale nous est fourni par un extraordinaire document, conservé aux archives du Quai d'Orsay: la liste de tous les passagers de l'"Aquitaine", avec pour chacun la profession que les Brésiliens éberlués ont constaté lors de l'arrivée à Santos. Du pur Prévert. Parmi quelques agriculteurs semblant presque égarés, on trouve de multiples professions manuelles: 36 mécaniciens, 9 typographes, 20 charpentiers, 7 menuisiers, 5 peintres, 6 télégraphistes... Mais aussi des professions intellectuelles ou d'un tout autre milieu social: 7 comptables, 8 instituteurs et institutrices, 7 professeurs, 7 avocats, 3 agronomes, 3 vétérinaires, 3 ingénieurs, 2 architectes, 1 météorologiste, 2 médecins, 1 journaliste, 2 pharmaciens, 14 officiers dont 3 colonels...
Nous ne saurions résister au plaisir de citer quelques cas fort poétiques: un romancier, un artiste dramatique, un compositeur musical, une chanteuse lyrique, deux jockeys, un boxeur, un acrobate et... un dompteur de fauves ! On pourrait aussi ajouter à cette liste le Prince et la Princesse Mestchersky, restés à Ajaccio. Peut-on imaginer que tous ces gens avaient l'intention de devenir ouvriers agricoles pour 150 milreis par an?