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à mon intérêt pour la Russie
Voici quelques documents que je recommande à ceux qui s'intéressent à l'histoire de la guerre civile et de l'émigration russe en France :
"Le Don paisible" de M. Cholokhov. Ou tout au moins "attribué à..." ( Ed.Omnibus). Roman extraordinaire au destin étonnant. Une lecture indispensable à ceux qui s'intéressent à cette période. Il faut avoir le temps, mais quand on s'y plonge, gare ! pendant un mois on ne mange plus, on ne dort plus, on ne regarde plus la télévision... "L'archipel du goulag"de Soljénitsyne (Seuil). Autre monument de la littérature russe. Mais il faut absolument lire les trois tomes, ne pas s'arrêter au premier comme tout le monde. Livre qui m'a intéressé au moins autant pour le récit de certains épisodes totalement inconnus de l'histoire soviétique ( la révolte de Novotcherkassk de juin 62 par exemple), que pour la description de l'univers du goulag. Là aussi, il faut du temps, mais ce livre en vaut vraiment la peine. Il n'a aucun équivalent dans la littérature mondiale. " La révolution inconnue" de Voline. On a une vraie difficulté pour appréhender l'épopée de Nestor Makhno et de ses compagons. Du côté bolchévique l'histoire de ce mouvement a été complètement falsifiée, et les documents écrits "internes" sont quasiment inexistants. On ne dispose que de deux textes, celui d'Archinov et celui de Voline, les seuls intellectuels de ce mouvement. Sa veuve a, paraît-il, écrit un livre de souvenirs, mais je ne sais s'il couvre la période de la guerre civile. Nestor Makhno, lui-même a entrepris, à Paris, la rédaction de ses mémoires, mais il est mort avant d'avoir pu aller au-delà du récit de ses plus jeunes années. Je conseille donc cette "Révolution inconnue" de Voline, qui couvre également la révolte de Kronchtadt de 1921. Je suppose que ce livre n'a aucune "objectivité" historique, mais peut-être est-il, pour cela, passionnant. On peut le lire ou le télécharger sur intrenet : http://kropot.free.fr/Voline-revinco.htm (Lire la partie III "Les luttes pour la véritable Révolution sociale") . Sans doute plus équilibré, mais tout aussi enthousiaste, l'indispensable "Nestor Makhno, le cosaque libertaire - 1888-1934" d'Alexandre Skirda (Les Editions de Paris, Max Chaleil, 2005). "Les blancs et les rouges" de Dominique Venner, (Pygmalion). Un basique sur la guerre civile russe. "La campagne de glace" de Marina Grey, la fille du Général Denikine, (Ed. Perrin). Elle raconte les débuts de "l'armée des volontaires", le premier embryon de force contre-révolutionnaire sous la direction de Kornilov et la retraite vers le Kouban, où, au cours d'une journée, après une forte pluie, la température était brutalement descendue au-dessous de zéro, alourdissant tous les habits, les équipements, d'une gangue de glace. "Les Russes à Paris" par Hélène Menegaldo (Autrement). Un basique aussi. Incomplet certes, mais qui donne une bonne idée de ce qu'a été la présence russe à Paris. L'excellent et très complet "Les russes blancs" d'Alexandre Jevakhoff, (Taillandier, 2007) "Cabaret russe" de Konstantin Kazansky, (Olivier Orban). Indispensable pour ceux qui s'intéressent à la vie de la musique russe à Paris dans l'entre-deux guerres. J'ai ce livre mais je crois qu'il est devenu introuvable. "Carnets de route d'un artilleur à cheval 1917-1920" de Serge Mamontov, (L'harmattan). Pas de la grande littérature, mais passionnant par la foule de détails qu'il apporte sur les cosaques, les chevaux, et ces affrontements de cavaleries qui ont été les derniers en Europe. "Les grandes énigmes historiques de notre temps" 1 et 2, ouvrages collectifs présentés par Bernard Michal (Ed. de St Clair), pour deux dossiers : "Les enlèvements à Paris des généraux russes Koutiépov et Miller" et "La mystérieuse affaire Toukhatchevski". D'un côté une géniale intox montée par le Gépéou, et de l'autre une machination infernale de Staline pour se débarrasser d'un rival potentiel. Les Russes restent, à mon avis, des spécialistes de ces coups tordus. Leur habitude de jouer aux échecs, sans doute... Bien sûr "C'est moi qui souligne"(Acte sud) et "le Procès Kravtchenko"de N. Berberova. Mais pour le plaisir, on pourra aussi lire ses "Chroniques de Billancourt", également chez Acte sud. Le magnifique et étonnant "Cavalerie rouge" d'Isaac Babel que l'on peut trouver en livre de poche. Enthousiasmant par la qualité d'écriture et frustrant par son inachèvement. Plus anectotique : "Les russkoffs" de Cavanna (L. de poche). Livre qui m'a bien intéressé car il se déroule principalement dans la région de Stettin, à l'endroit, au moment et dans l'univers où mes parents se sont rencontrés en Allemagne. Et puis, lire comment Cavanna se confronte à la langue russe est vraiment trop drôle... J'ai eu l'occasion de le rencontrer il n'y a pas longtemps et nous avons pu bavarder un peu de cette période qui reste douloureuse pour lui, m'a-t-il dit. Il a été éperdument amoureux de cette Maria qu'il a perdu dans la tourmente. "En Russie au temps du dernier Tsar" d'Henri Troyat (Hachette). Très utile, pour une foule de détails, par exemple sur les habitations, les unités de mesure, les populations, mais aussi sur l'orthodoxie, et les habitudes russes en général, à la veille de la révolution. Pour ceux qui sont concernés : "Saint-Georges" (Bibliothèque slave de Paris). Il y est aussi question de Ste-Olga. "Ungern, le baron fou" de Jean Mabire (Balland). Permet d'avoir des renseignements sur le dernier général blanc, un personnage ahurissant, comme seule l'Histoire russe peut en produire, et que l'on retrouve dans "Corto Maltese en Sibérie"... "Histoire des soldats russes en France 1915-1920, les damnés de la guerre" de Rémi Adam (L’Harmattan, 1996).
Un livre sur cette ahurissante histoire du corps expéditionnaire russe venu combattre en France à partir de 1916 et qui, après la boucherie de l’offensive de Nivelle a décidé de faire sa révolution sur place, surtout à partir de la Révolution de février en Russie. Isolés et regroupés dans le camp de Courtine, les troupes se soulevèrent. Le camp sera pris d’assaut en septembre 1917 et les mutins furent contraints au travail obligatoire, aux bataillons disciplinaires et à la déportation en Algérie. Les tentatives de les constituer par la suite en « Légions des Volontaires russes » pour combattre la Révolution bolchevique furent des échecs et ils finirent, pour la plupart d’entre eux, par être rapatriés en URSS à partir des années 1919 et 1920 avec les restes du contingent du front de Salonique, environ 60 000 hommes en tout.
Le livre, voulant à tout prix faire œuvre d’historien, est encombré de « preuves » sous formes d’extraits de documents et de lettres, ce qui en rend la lecture un peu fastidieuse. Mais l’histoire racontée est passionnante. Elle serait presque cocasse si l’on pouvait faire abstraction des centaines de morts qui l’ont accompagnée. Ils se sont cru sans doute très malins, à l’état-major français, d’importer des soldats russes en échange d’équipements à la Russie, qui en manquait ; mais le commandement français dès qu’il a commencé à voir l’agitation révolutionnaire au sein de ces troupes, a été bien embarrassé, mort de trouille que les soldats russes ne contaminent les troupes françaises déjà pas mal travaillées par les mutineries de l’été 1917.
Signalez-moi tout livre intéressant sur cette période !
Voici quelques liens que j'ai selectionnés et que je complèterai au fur et à mesure :
L'incontournable http://www. russie.net On y trouve parfois des informations intéressantes sur la Russie contemporaine, et le forum peut se révéler utile. Un curieux article sur la présence de Russes blancs en Corse 23p Un texte très intéressant sur l'enlèvement du général Koutiépov Sur les cosaques d'hier et d'aujourd'hui : Le renouveau du mouvement cosaque, mythe ou réalité ? De magnifiques photos de l'ancienne Russie : Les photos d'Andréï Kareline
Le site d'Anne Zelensky , une fille d'émigrés russes dont le destin a été de devenir l'une des féministes historiques des années 70 en France, et qui fait désormais partie de ma famille.
http://leon-blogdeleon.blogspot.fr/
L’histoire d’Agafia
L’histoire qui fait l’objet de cet article a passionné les Russes entre 1983 et 1989. Elle n’est pas terminée car on attend avec impatience la parution de la suite, prévue pour le premier avril 2009 chez Actes Sud, sous le titre : « Des nouvelles d’Agafia », par Vassili Peskov.
1. La découverte de la famille Lykov
Cette histoire commence en 1979 avec le survol en avion, par des géologues en mission d’exploration, d’une région perdue de la Sibérie à des centaines de kilomètres de toute vie humaine, très exactement au sud, dans le Khakaze, là où les monts de l’Altaï rejoignent ceux du Saïan. À cet endroit naît un affluent du grand fleuve Iénisséï, l’Abakhan. C’est là, sur sa rive droite, que les géologues aperçoivent ce qui ne peut être qu’une succession de quelques terres cultivées au beau milieu d’une zone totalement sauvage et inaccessible.
2. Les vieux-croyants.
Il nous faut faire un bond en arrière et plonger au milieu du XVIIe siècle russe.
3. La survie dans la taïga
Tous les éléments matériels de la survie de ces Robinsons sont minutieusement décrits par Vassili Peskov : la minuscule maisonnette de bois, le poêle en pierres ; la vaisselle, les récipients en écorce de bouleau qu’il était impossible de mettre au feu, (pour réchauffer l’eau il fallait y jeter une pierre brûlante ) le feu obtenu à partir de l’amadouvier et des silex, les lumignons constituées de fins copeaux de bouleau longs comme l’avant-bras, le rouet d’un modèle remontant à Pierre le Grand, les vêtements difficilement tissés à partir du chanvre et ces indispensables vestes rembourrées avec des herbes séchées, la pénurie d’outils en fer (qui provenaient tous, avec leurs premières semences, de la communauté d’origine), les chaussures en écorces de bouleau si peu efficaces qu’ils étaient le plus souvent pieds nus, même dans la neige…
4. Le monde selon ces vieux-croyants
Le premier obstacle qu’il fallut franchir pour communiquer avec eux fut la langue. Le russe parlé par le père était compréhensible, celui de sa fille beaucoup moins, émaillé de mots très anciens et psalmodié d’une manière bizarre, comme pour la lecture des livres saints. Agafia avait appris à lire dans les livres sacrés et à écrire par sa mère, mais elle utilisait le véritable alphabet cyrillique dont l’alphabet russe actuel n’est qu’une version simplifiée et latinisée, ce qui lui rendait la lecture du russe contemporain très difficile. [8]
5. Les Lykov superstars
Mais ce que ni le journaliste, ni Karp Lykov et sa fille ne pouvaient prévoir, c’est que dès la première parution dans la Komssomolskaïa Pravda du récit de Vassili Peskov, toute la Russie s’est mobilisée et passionnée pour eux. On s’est mis à écrire au journal pour leur donner des conseils ou des encouragements, les gens envoyaient des colis à leur transmettre contenant des moufles, des chaussettes de laine, des chaussures de sport, des semences, de la nourriture, des livres religieux en slavon…
Le journaliste était submergé de demandes d’ethnologues, d’historiens, de linguistes, de médecins avec des questions nombreuses allant de leur état de santé à la variété de pomme de terre qu’ils plantaient et qui, en 40 ans, n’avait pas dégénéré.
Notes :
[1] Egalement : les prosternations que l’on ne devait plus faire jusqu’à terre mais à hauteur de la ceinture, les Alléluia qui ne devaient plus être répétés que deux fois et non trois, le sens du déroulement des processions qui devait être inversé, Jésus prononcé « Issous » et non « Iissous » avec deux « i » etc... Des détails cultuels donc, et non des modifications de dogmes.
[2] Le Tsar Alexis promulgue en 1648 le premier code imprimé de la Russie attachant définitivement les serfs à la terre, textes connus sous le nom de sobornoïe oulojenié. Avec ces lois votées par le Zemski Sobor, (sorte d’Etats généraux) la noblesse reconnaît sa soumission totale au souverain en échange du pouvoir absolu qu’elle exercera désormais sur les paysans.
[3] La Khovanchtchina, opéra de Moussorgski, fait référence à cette histoire très présente dans la littérature, la peinture russe. ( Voir le célèbre tableau de Sourikov où l’on emmène la Boyarde Morozova adepte de l’ancien rite vers son exil. Celle-ci montre à la foule qu’il faut se signer avec deux doigts. On remarquera le personnage complètement à droite assis dans la neige, en haillons, qui montre également les deux doigts avec lesquels il se signe…)
[4] Pour en savoir plus sur les communautés de vieux-croyants aujourd'hui en Russie.
[5] Les fuites eurent lieu pour des raisons diverses : rumeurs de « recensement », création d’une réserve naturelle qui leur interdit la chasse, insoumission militaire, refus de se plier à une injonction de rejoindre le monde civilisé au nom de la protection des enfants
[6] En réalité les fruits d’un conifère sibérien, le « Pinus Sibirica » que les Lykov appellent à tort « cèdre »
[7] Il y avait aussi le problème qu’un seul des fils était devenu chasseur et parvenait, en ne disposant d’aucune arme à feu, à piéger et tuer ces assez grosses bêtes, ce qui n’arrivait pas tous les jours
[8] Profitons-en pour corriger un certain nombre d’erreurs fréquentes relatives à cet alphabet.
_ Comme cela a été dit, le véritable alphabet cyrillique n’est pas l’alphabet russe actuel, mais celui qui permet d’écrire le slavon, (ou vieux-slave) qui est la langue liturgique de tous les orthodoxes slaves. Ce n’est pas du vieux russe mais plutôt du vieux bulgare.
_ L’alphabet inventé par le Saint moine Cyrille pour transcrire ses traductions des textes grecs en langue slave (qui n’avait pas d’écriture ) est l’alphabet dit « glagolitique » qui n’a rien à voir avec le cyrillique.
_ C’est un disciple (probablement St Clément, évêque d’Orchide ) qui a voulu transcrire les textes en glagolitique de St Cyrille à l’aide de caractères grecs. Il leur a ajouté des lettres empruntées à l’alphabet hébreu pour un certain nombre de sons qui n’existaient pas en grec et gardé les très rares signes glagolitiques qui n’avaient pas non plus d’équivalent en hébreu. Il a donné à cet alphabet le nom de « cyrillique » en hommage à son maître, mais comme on le voit, St Cyrille n’est pas l’inventeur de l’alphabet cyrillique.
[9] Une partie de ces interdits ressemble tout de même à la cacherout juive et repose sur l’observation et l’intuition du mode de transmission des maladies infectieuses (des épidémies de peste et de choléra ont été contemporaines du schisme) : on ne se serre jamais la main, on n’accepte jamais de vêtements déjà portés par d’autres, chacun a sa vaisselle d’une manière stricte etc.