Jean Maiboroda
https://www.cairn.info/revue-ethnologie-francaise-2008-3-page-397.htm
Elena Filippova
Académie des sciences de Russie
Institut d’ethnologie et d’anthropologie
Les quelques réflexions que je propose ici aux lecteurs résultent de tout ce que j’ai pu recueillir lors de deux courts séjours sur l’île, en 2001 et puis en 2006 : des observations et des impressions subjectives, quelques rencontres, une quinzaine d’entretiens approfondis dont deux avec des militants nationalistes [1][1] Les entretiens semi-directifs (notés en italiques et.... Je m’appuie, bien entendu, sur des analyses déjà existantes du « fait corse », mais aussi sur mon expérience d’ethnologue dont le terrain initial appartient à une tout autre aire culturelle, la Russie et l’ex-urss. On pourrait me reprocher cette tentative de comparer l’incomparable ; toutefois les ressemblances sont souvent si frappantes qu’un tel parallèle me semble en fin de compte pertinent.
Le premier et le constant sentiment que j’éprouve en Corse, c’est celui d’être à la fois en France et ailleurs. Derrière les façades qui portent des enseignes habituelles (« Crédit Mutuel », « La Poste », « Monoprix »…) on devine une autre vie, dont les signes sont tout aussi visibles : des graffitis nationalistes (« fnlc 30 ans », « Morta a lingua, mortu u populu », « dnat fora [la Direction nationale antiterroriste dehors (hors de Corse) !] », « Votez Siméoni ») voire xénophobes (« Arabi fora », « iff » [I Francesi Fora]) ; des traces d’incendies et de plasticages ; des panneaux indicateurs bilingues sur lesquels les noms géographiques français sont systématiquement rayés, sinon « mitraillés ». Une foule qui applaudit deux enfants de 7-8 ans chantant avec un enthousiasme résolu une chanson militante dont je retiens les deux mots les plus fréquents – « independenza » et « liberta », pendant la fête de la musique, à Corte [2][2] La Corse rejoint le continent pour cette fête, mais.... Enfin, des attentats et des homicides, évoqués au passage, dans les conversations quotidiennes.
« Juin 2006, un dimanche matin. Une paisible discussion au comptoir d’un petit café du village, dans la montagne. Un patron de café et deux clients, assez âgés, s’offrent un petit pastis. Après avoir discuté du match de foot France-Togo joué la veille et de la fête d’école ayant eu lieu au village, ils parlent de la boîte de nuit “Caravella” qui a “sauté” il y a deux jours. Un des vieux émet l’hypothèse qu’il s’agit d’“une affaire de la population” qui en avait “marre” puisque autour de la boîte les visiteurs jetaient des ordures, y compris les préservatifs, ce que les parents d’enfants qui y viennent chaque jour jouer n’ont pas apprécié. Le patron contredit : la population n’a pas de matériaux pour un plasticage, c’est forcément un règlement de comptes entre les commerçants. En plus de ça, “un attentat au début de la saison touristique, ce n’est pas pour l’assurance”. “L’été sera chaud”, conclut-il » [Carnet, 2006].
Les données statistiques apportent des preuves d’une spécificité corse : « Tout au long des xixe et xxe siècles, le nombre de crimes de sang représente cinq fois la moyenne nationale » [Guidici, 1997 : 13]. Une spécificité importante, mais pas unique. Sous les enseignes des sections régionales des partis politiques nationaux, des « partis de patronage » [Dupoirier, 2001 : 5] sans grand point commun avec les programmes et les enjeux du niveau national participent à une vie politique atypique. Le comportement électoral est aussi particulier, avec un taux d’abstention élevé, surtout aux présidentielles et aux législatives (21 % en mai 2007, contre 15 % de moyenne nationale) ; avec des listes « nationalistes » qui ne se situent ni à gauche ni à droite ; avec, enfin, une représentation assez forte du Front national. Alors, à quoi imputer tous ces écarts, et bien d’autres encore ?
Nombre d’explications ont été proposées : d’ordre géographique (l’insularité, qui à la fois rompt une continuité territoriale avec le continent français et rend immuables et incontestables les frontières du territoire corse, « périphérique par excellence » [Rokkan, 1973]) ; d’ordre autant géographique que culturel (la méditerranéité, qui exclut la Corse de l’ensemble hexagonal sinon, selon certains, européen et en fait une « part de la matrice commune qui est la Méditerranée » [Siméoni, 2006] ; d’ordres historique et social (l’archaïsme d’une structure sociale) ; d’ordre identitaire (la corsité : « Quand on est Corse, on ne choisit pas sa vie. On assume le sang qui coule dans nos veines. On ne s’appartient pas » [Antonietti, 2005 : 172]). L’ensemble de ces arguments sert de preuve pour dire l’altérité de la Corse, qui ne serait pas une région française, mais « une nation vaincue qui va renaître » [Ghjacumu Santu Versini et Saveriu Paoli, cités par Ph. Pesteil, 2007 : 161].
Une entrée géographique : une île-montagne
Quand on est une île, on connaît bien ses limites : c’est la nature même qui les a créées et qui les maintient. Cela veut dire qu’en face d’un envahisseur la seule solution consiste à se battre (ou à se soumettre), car il n’y a pas de place où reculer. Cela veut dire également que, malgré les envahisseurs successifs, l’entité géographique persiste et qu’aucun traité politique ne peut effacer ces frontières naturelles, car « à la frontière politique, immatérielle, l’île ajoute la rigidité patente du rivage » [Castellani, 1999 : 145]. Cette position insulaire pérennise et fragilise en même temps une communauté d’habitants. Elle engendre des problèmes « d’isolement, de communication, d’échange, d’autarcie ou d’autonomie » [Pelletier, 1992 : 29]. Fernand Braudel n’a pas été le premier à souligner le conservatisme propre aux îles, ces « mondes isolés », leur capacité à maintenir pendant des siècles des formes anciennes de la culture, mais aussi la pauvreté de leur histoire et leur vulnérabilité, induite par une forte dépendance extérieure.
Mais, pour un anthropologue, une conséquence fondamentale de la certitude géographique d’une île consiste en une vision essentialiste de la société qu’elle nourrit. En effet, « autant le cadre de la région… peut s’avérer historiquement et géographiquement flou et mouvant dans nombre de cas “continentaux”, autant la Corse offre une unité certaine » [Galibert, 2004 : 79]. L’insularité est le contexte le moins favorable pour penser la frontière comme un phénomène conventionnel, temporaire, ponctuel, relatif. Elle favorise, par contre, une approche monographique de l’objet : l’unité géographique crée l’image d’une unité humaine. Il est difficile de se figurer, dans cette perspective, l’absence d’espace objectif, ainsi que la construction par une société de l’espace qu’elle habite : l’univers physique s’impose par son évidence, laissant croire que « la Corse fabrique des Corses » [Siméoni, entretien, 2006], ou encore que l’espace promeut la langue : « C’est lui qui nous parle, qui nous fait remonter. On a le tort de ne pas vivre pieds nus, ça viendrait plus vite ! Nos chaussures nous empêchent d’avoir ce contact avec la terre matricielle qui est très fort » [E 3]. Le « peuple corse » est perçu par la majorité comme « une réalité patente et par définition unique » [Castellani, 1999 : 142] : « On a notre petite île, notre petit pays à nous. Donc on le ressent plus que d’autres. […] le sentiment est plus exacerbé parce qu’on est détachés du reste, donc c’est physique… » [E 5]. « On a la chance d’avoir nos frontières naturelles. Ça délimite en même temps un pays, une région, une société… La nature et l’environnement ont fait qu’on peut se revendiquer de plein de choses. On peut se dire insulaires, on peut se dire qu’on est un pays, qu’on est une île » [E 3]. En effet, l’insularité est souvent avancée en tant qu’argument par des porte-parole nationalistes corses, qui revendiquent l’indépendance ou du moins une vaste autonomie « à l’instar d’autres États insulaires ». En même temps, ils ont tendance à oublier que, à la différence des petits États insulaires, des entités non indépendantes comme la Corse et les dom-tom, qui bénéficient des mécanismes d’assistance grâce à leur appartenance à la France et à l’Union européenne, « sont à l’abri de la contrainte extérieure et peuvent reporter sur la métropole le coût d’un déficit extérieur considérable et récurrent » [Herland, 2006 : 9-11].
Vivre sur une petite île permet aux habitants de mieux se connaître, ou du moins d’en avoir l’impression : « Nous sommes 260 000 habitants dans une île…, donc notre point faible, c’est celui-là. Rien ne fonctionne quand une population est trop petite. […] Ni le marché, ni les échanges, ni une certaine démocratie… Un des problèmes de la Corse, c’est qu’on se connaît trop entre nous et on arrivera difficilement à prendre du recul par rapport à notre propre image. Et alors, ça crée des situations de trop grande proximité, qui fait qu’on n’a jamais la distance voulue pour avoir une idée juste » [E 11].
Isolés, mais aussi en un sens protégés par la mer, les Corses « vont moins facilement vers les autres. C’est peut-être aussi dû à l’insularité. Parce qu’ici, en fait, on est presque préservés. C’est vrai qu’il y a plein de choses qui se passent. Pas toujours de bonnes choses. Mais on est entre nous » [E 5].
Cette interconnaissance, ce manque d’anonymat résultent non seulement de l’insularité, de l’étroitesse de l’espace physique et d’un petit nombre d’habitants, mais aussi d’une ruralité de la société corse, qui « n’a jamais engendré la ville,… ni même de véritable urbanité » [Galibert, 2004 : 49-51]. Rien d’étonnant, alors, que l’exode rural ait pris en Corse une forme d’émigration, étant à l’origine d’une diaspora importante et renforçant encore davantage le dépeuplement de l’île. Je reviendrai plus loin sur la question de la ruralité de la société corse.
La Corse est une île, mais elle est tout autant une montagne, et, on le sait bien, les Corses ont toujours été « insulaires intérieurs » [Castellani, 1999 : 143] – montagnards, bergers, nomades – mais presque jamais marins. Une femme partie avec son mari gendarme en Auvergne décrit ainsi son mal du pays : « À Saint-Saturnin, il y avait les volcans d’Auvergne, mais pour moi, ce qu’ils appelaient “montagnes”, c’étaient des collines. Là-bas, ils me parlaient de montagnes, je leur disais “Où est-ce que vous voyez des montagnes ?” » [E 2]. Ce n’est pas un hasard, en outre, si les fruits de la mer occupent une place plus que modeste dans la cuisine traditionnelle, tandis que les produits d’élevage (viande, charcuterie, fromage) y dominent. « Au village, donc, à R., il y a une bergère qui a une maison de famille, mais qui s’est installée dans le Cap. Mais elle est très attachée à son village. Son point d’ancrage, c’est le village, bien qu’elle vive à Macinaggio. Elle avait fait une fête, et donc elle avait invité les gens qu’elle aimait. Et elle a fait un repas avec des plats de la mer. Du poisson… Et tous ceux qui sont descendus, ça a été un fiasco… Ils ont goûté, mais en fait, ils n’étaient pas du tout portés sur le poisson » [E 4]. « À Corte, il y a un poissonnier qui ouvre deux fois par semaine, c’est tout. Pour une ville, quand même… » [E 15]. Cet espace montagnard qui avait longtemps maintenu l’isolement des petites communautés villageoises et une segmentation de la société – ce qui permet de parler « des » îles de Corse [Castellani, 1999 : 141], ou bien d’un « archipel dont chaque village est un îlot peuplé de sa faune singulière » [Antonietti, 2005 : 28] – est devenu aujourd’hui un « conservatoire des traditions », un bastion d’archaïsme commercialisable, mais aussi « un support d’une revendication de corsitude exaltée par la crainte de sa disparition » [Ravis-Giordani cité par Galibert, 2004 : 58].
Une entrée géographico-culturelle : « la Méditerranée par excellence »
En Corse, on fait souvent référence à la Méditerranée, présentée comme cadre à la fois naturel et culturel où s’inscrit la société insulaire – cadre immédiat et évident, pour certains. Cependant, s’il est vrai que, géographiquement parlant, cette zone est légitimement considérée sous l’angle d’une certaine continuité homogène, son fond culturel commun résulte avant tout d’un facteur politique : l’appartenance antérieure au même Empire romain. À l’époque antique « la Syrie n’était pas moins romaine que la Gaule, et l’Afrique du Nord était assurément, du point de vue culturel, bien plus gréco-romaine que l’Europe du Nord » [Maalouf, 1998 : 63]. Ce fait est complètement occulté, notons-le au passage, dans les constructions d’une « identité européenne » sur le socle d’une « civilisation antique », dont les acteurs n’hésitent pas à revendiquer cet héritage pour la seule Europe.
Ce passé commun est révolu depuis des siècles, et, avec le temps écoulé, le fossé s’est creusé entre le nord-ouest et le sud-est de la Méditerranée sous l’impact, en premier lieu, d’un clivage religieux. Implicitement, quand ils parlent de la Méditerranée, les Corses sous-entendent avant tout la Méditerranée occidentale et, plus précisément encore, la côte italienne. « La Corse c’est plus la Méditerranée que la France » [E 4]. « Culturellement, [la Corse] n’a rien à voir [avec la France], ou si peut-être avec quelques villes du sud de la France, bon, le contour méditerranéen… » [E 9]. « De par notre culture, on est plus proches des Italiens. Moi, je me suis toujours dit qu’on n’aurait jamais dû être Français, on aurait dû être Italiens. Parce qu’on est en plein dans la culture méditerranéenne, comme eux, je pense… » [E 2]. Même si quelques-uns (apparemment bien minoritaires) vont jusqu’à proclamer leur affinité avec les Maghrébins, leurs propos sont relativisés par les scores du fn dans l’île, les nombreuses agressions contre les immigrés – en particulier contre les musulmans – recensées régulièrement, et les complaintes incessantes contre la « colonisation de peuplement ».
Le discours méditerranéen propre aux militants nationalistes cherche à prouver l’étrangeté de l’île à l’ensemble géopolitique français et permet de revendiquer à partir de ce « constat » la révision des frontières politiques européennes. « L’important est de […] resituer l’identité corse dans le concert des identités méditerranéennes, car la difficulté pour nous, d’un point de vue sociopolitique, c’est que nous avons été insérés, depuis la conquête, il y a deux siècles passés, dans un ensemble géopolitique qui, à proprement parler, à biens des égards n’est pas le nôtre » [Angélini, entretien, 2006] [3][3] Sources anthropologiques :.
La réalité sociale remet pourtant en cause cette appartenance déclarée. Rappelons-nous, à la suite de Georges Ravis-Giordani, que « les Corses ont massivement émigré vers la France mais en aucun cas, c’est bien évident et on en sait les raisons, vers l’Italie » [Ravis-Giordani, 1989], et cela reste le cas aujourd’hui, nonobstant la facilitation des mouvements transfrontaliers qu’autorise l’espace européen. Il existe également un « grand nombre de mariages entre Corses et Français continentaux, alors qu’au contraire, jusqu’à une période récente les mariages avec des Italiens étaient peu nombreux et déconsidérés » [ibid.]. De même, la diminution constante de la population corse marque « une nette rupture avec le modèle insulaire méditerranéen » [Castellani, 1999 : 145]. En revanche, malgré le refus plus ou moins obstiné de certains, parmi mes interlocuteurs, de reconnaître le rôle fondateur de la langue et de la culture françaises, inculquées par l’école, d’autres ne peuvent pas le nier : « Il est évident que notre formation, à nous autres, Corses, massivement, elle est française, donc nos références sont françaises. Notre littérature de référence est la littérature française. Non pas que je n’aime pas la littérature italienne, mais on a moins de références automatiques vers l’Italie. Je me sens culturellement français, bien entendu. Et de toute évidence » [E 11]. « La culture française, elle est très riche et très belle… on a cette chance aussi, d’avoir un peu de choix… On est même privilégiés. On a quand même cette chance » [E 3].
Bref, « les Corses ne sont pas assimilables à des Français “moyens” en raison de leur italianité et de leur méditerranéité ; inversement, ils sont, dans l’aire culturelle italienne et méditerranéenne, différents de tous les peuples voisins parce qu’ils ont été il y a un peu plus de deux siècles arrachés à ce qui allait devenir le Mezzogiorno et entraînés… dans l’orbite de la plus grande puissance nationale et politique de l’Europe » [Ravis-Giordani, 1989 (2) : 42]. Ce n’est donc pas tant la méditerranéité que cette double influence franco-italienne qui est « constitutive de l’identité corse » [Paoli, 2005 : 70].
Une entrée identitaire : « le peuple corse »
Ni Français, ni Italiens, alors : un peuple à part entière ?
Mes interlocuteurs ont revendiqué, à une ou deux exceptions près, leur identité corse, qui prime sur (sinon occulte) l’identité française : « Je suis obligée de décliner ma nationalité française, mais j’aurais bien aimé écrire “Corse” » [E 12] ; « Je suis consciente de l’histoire commune que nous avons avec la France, et je ne voudrais pas être citoyenne italienne, par exemple, mais quand même j’ai des rancœurs pour la France et j’ai mon identité à moi que je ne partage pas avec les continentaux » [E 8]. Les continentaux, quant à eux, ont aussi, paraît-il, une perception particulière des Corses. Les personnes que j’ai interrogées dans différentes régions rangeaient sans hésiter dans les « Français » les Bretons et les Alsaciens, mais avaient souvent des doutes au sujet des Corses. Un de mes interlocuteurs en Bretagne l’a formulé ainsi : « Avec l’histoire, ils ont été Italiens, aujourd’hui ils sont Français. Mais eux-mêmes, je ne pense pas qu’ils se définissent comme Italiens ou Français, ils se définissent comme Corses, hein ? Maintenant est-ce que c’est toute la population qui pense la même chose, je ne sais pas. Je pense que c’est quand même une société assez particulière. »
Qu’est-ce qui justifie cette identification ? Qu’est-ce qui compte pour être corse ? Qui est-ce que l’on compte parmi les Corses ?
La réponse à la première question prend d’habitude une forme d’énumération des « traits caractéristiques » supposés nécessaires pour chaque « peuple », dont le territoire, la langue, la culture. Les Corses, selon Edmond Siméoni, ont « une façon de vivre très particulière, un code social, un code de valeurs qui sont extrêmement typés, et surtout… la conception des rapports sociaux, vis-à-vis de la famille, vis-à-vis de l’environnement qui crée la principale différence avec le continent français » [Siméoni, entretien, 2006]. D’autres y rajoutent encore l’histoire (un passé commun), mais aussi des choses plus tangibles, comme « des frontières naturelles, un drapeau, un hymne national » [Antonietti, 2005 : 82].
Or, on ignore, semble-t-il, qu’il n’y a pas une langue corse, mais des langues, et même les enseignants du corse ne sont pas tous d’accord « sur la standardisation de la langue, sur le choix de l’écriture, puisque ce n’est pas vraiment fixé, il en existe plusieurs options » [E 4]. Une professeure de corse constate, ensuite, qu’aujourd’hui « le français est quand même une langue de communication principale… La grande majorité des enfants parle plutôt le français. Et ceux dont les parents ont fait en sorte que les enfants apprennent le corse, quand ils arrivent à l’école, même s’ils sont dans des classes bilingues, se serviront du français plus facilement » [ibid.]. Si, dans les années 1970, « on dénombrait encore quelque 70 000 locuteurs disposant d’un vocabulaire suffisant pour exprimer dans l’idiome local l’ensemble des gestes et des sentiments quotidiens, deux décennies plus tard ils n’étaient plus que 20 000 à posséder une telle maîtrise » [Guidici, 1997 : 45]. On peut donc nuancer le propos des porte-parole nationalistes lorsqu’ils affirment que « la langue corse unifie le peuple corse et fait du français une langue étrangère » [cité par Ravis-Giordani, 1989 : 41]. N’oublions cependant pas que, bien avant le français, la Corse avait eu une autre langue officielle – l’italien, et que pendant plus d’un siècle une nouvelle langue d’État a mené un combat avec l’italien, plus qu’avec le corse [Pellegrinetti, 2005 : 3]. Alors, plutôt que d’une langue, il s’agirait de l’idée d’une langue appelée « le corse » mais qui n’est pas unique pour tous et qui n’est pas parlée par tous ceux qui s’en réclament. George Ravis-Giordani a tout à fait raison quand il écrit : « la langue exprime moins l’identité du peuple corse qu’elle ne contribue à la constituer » [Ravis-Giordani, 1989 (2) : 43]. Mes interlocuteurs en sont bien conscients : ils reconnaissent qu’un choix du corse en tant que langue d’apprentissage pour ses enfants n’est pas neutre ; il se fait moins « parce que c’est une langue qu’on aime, parce que ça peut apporter des choses », que parce que les parents sont « sensibilisés ou qu’ils veulent se démarquer » [E 4] ; que « les livres corses sont pas bien nombreux, et puis au fond, la littérature corse est en cours de formation » [E 11]. En outre, ils sont souvent contre l’imposition du corse à l’école : « j’aimerais bien que [mes enfants] sachent le parler, mais maintenant, de dire qu’elle devienne obligatoire à l’école et que ça soit considéré comme une autre langue étrangère, malheureusement, quand on va sur le continent, je vois pas ce qu’on va en faire. Ou même à l’étranger. Si c’est pas pour nous reconnaître entre nous, le reste… » [E 2].
Qu’en est-il des traditions, des valeurs et des rapports sociaux ? Tout bien considéré, reconnaissons que les sujets mis en avant comme étant spécifiques à la Corse (ou aux Corses) : le respect envers la personne âgée, celui dû aux morts, la solidarité et l’entraide, les liens sociaux forts, l’importance de la famille, sont, en effet, propres à toute société traditionnelle, surtout rurale. D’autres phénomènes tels que le clanisme ou la vendetta, ou même les « bandits d’honneur », ou encore, si l’on se situe au niveau du folklore, le chant polyphonique, sont, certes, moins communs, mais pas uniques non plus : on les retrouve, par exemple, dans la région du Caucase du Nord, ou en Géorgie, pourtant assez éloignées de la Corse.
Le discours de tous les nationalismes minoritaires utilise la notion d’assimilation, qui suggère que la culture d’une majorité dominante supplante celle d’une minorité dominée. « On a perdu toutes nos valeurs, et on a pris de la France tout ce qu’il fallait pas prendre » [E 2]. Or, il s’agit d’une autre substitution : la culture traditionnelle, populaire, folklorique cède la place à la soi-disant « pop-culture » commercialisée venue en grande partie d’outre-Atlantique et ayant aussi peu à voir avec la tradition française qu’avec la Corse. Que la langue dominante (ici le français – mais on pourrait tout aussi bien dire le russe, en considérant le processus sensiblement identique en Russie –) serve d’outil dans cette opération provoque le sentiment d’acculturation, alors qu’il serait plus pertinent de parler de standardisation ou de nivellement culturel. « Non seulement les Corses sont culturellement français, mais ils sont également, comme les continentaux (ou les Italiens de Berlusconi), passablement américanisés » [Paoli, 2005 : 73].
Des caractéristiques « sûres » d’un « peuple corse », ne reste alors qu’un territoire (voir ci-dessus). Mais, dès que l’on adopte la logique du territoire, les arguments identitaires « ethniques » deviennent vains, car ils se heurtent à une question de fond : « Qu’est-ce qui définirait le “peuple corse” au niveau politique ? L’origine ethnique qui inclurait les Corses de l’extérieur, ou une “communauté de destin” qui les exclut peu à peu ? » [Paoli, 2005 : 14]. Et encore, dans cette communauté de destin, distinguerait-on entre « les habitants pérennes et les immigrés récents » [Castellani, 1999 : 142] ?
Les porte-parole nationalistes que j’ai interviewés ont insisté spécialement sur les origines mélangées du « peuple corse » ainsi que sur le danger de l’« ethnicisme » : selon E. Siméoni, « la Corse est le résultat d’un métissage, elle est la fusion harmonieuse des peuples et des cultures venus d’ailleurs, des peuplements fondamentalement différents, provenant de tout le bassin méditerranéen… Les nouveaux venus… se sont fondus dans le moule d’une identité locale » [Siméoni, entretien, 2006]. Une question s’impose : à partir de quel moment est-il légitime de parler d’un « résultat » de ce métissage, et qu’est-ce qui empêche les nouveaux venus d’aujourd’hui de se fondre « dans le moule d’une identité locale » ? La contradiction semble évidente… et laisse transparaître l’idée sous-jacente de l’« ethnogenèse » (un concept central de l’ethnographie/ethnologie soviétique, mais plus étranger à la tradition occidentale) qui, une fois accomplie, fige les frontières d’une communauté et rend impossible tout apport ultérieur. Le choix en faveur du principe légitimateur du « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes » en tant qu’argument majeur du discours des autonomistes/séparatistes les amène à « privilégier l’ethnicité contre la citoyenneté » [Pesteil, 2007 : 162].
Une entrée historique et sociale : « une société agropastorale »
Les Corses que j’ai rencontrés me parlaient souvent avec une certaine fierté d’une « société agropastorale », ce qui devait, de toute évidence, servir de marque d’authenticité à un mode de vie, à des valeurs et, au bout du compte, à un peuple. « Au moment où la société corse s’urbanise et se tertiarise, les jeunes générations trouvent une protection idéologique dans la construction d’archétypes identitaires » [Pesteil, 2007 : 165]. Une telle idéalisation du passé est assez classique pour les idéologies nationalistes, au même titre que la mise en valeur d’une ruralité et de la figure du paysan (dans le cas corse, du berger) comme détenteur et conservateur des « vraies » traditions ancestrales. Dans une « communauté des morts et des vivants », où « entre la famille élargie, les alliés et le clan, on peut se trouver enfermé dans un tissu de relations complexes qui empêche de faire librement quoi que ce soit », la première question que l’on pose « c’est d’où tu es, ce qui veut dire de quelle famille, de quel village, et non qui tu es, ce qui n’a aucune importance » [Antonietti, 2005 : 68, 56, 102].
À ce milieu rural, authentique et rassurant, « foncièrement communautaire » [Paoli, 2005 : 50], s’oppose l’univers urbain, générateur d’une modernité troublante. « Il y a ce système d’étouffement ici, qui est… aussi bien la famille, et souvent aussi les amis, puisque bon, c’est tout petit, et on est appelés à se voir tous, tout le temps. Tout le monde connaît tout le monde, et c’est vrai que moi, personnellement, quand je vais sur le continent, je me sens un peu perdue. Des fois, je me dis “Ouf ! Personne ne me connaît…”. Et ça donne une certaine liberté, aussi. Tandis que là, des fois, peut-être qu’on s’interdit des choses minimes, de la vie, justement par rapport à ce regroupement, cet environnement trop proche qui fait énormément de bien, certaines fois, et qui peut énormément faire de mal… » [E 9]. « Moi, j’ai connu Paris, comme grande ville, c’est-à-dire la chose qui n’existe pas ici. Ce qui m’avait marquée, c’était l’anonymat. […] en fait, peu importe ta façon de faire, tu peux être habillé n’importe comment, les gens, ils te regardent même pas. Tandis qu’ici, tout le monde te regarde et tu ne peux pas faire ce que tu veux » [E 4]. Pour plusieurs de mes interlocuteurs qui ont connu la vie sur le « continent », le sentiment d’insécurité et de solitude dû à la faiblesse des liens sociaux s’est révélé très fort et assez pénible, et loin d’être compensé par une certaine liberté offerte par la ville. À Aix-en-Provence, raconte un ancien étudiant de l’université, « […] il y avait la filière “corse”. Quand un Corse partait, il était pris en main par la communauté corse de là-bas, comme font les étrangers. Le Corse reconstitue l’environnement, le village comme tout autour de lui… » [E 3].
Une modernisation inachevée et tardive ?
Si, économiquement parlant, la société corse n’est plus, pour l’essentiel, une société agricole et rurale, les relations et les représentations sociales, elles, n’ont pas eu le temps d’évoluer aussi vite, en raison de l’inertie qui les caractérise. Non seulement « le drame que vit la Corse est celui de toutes les régions pauvres et longtemps autarciques brusquement confrontées à un bouleversement de civilisation » [Paoli, 2005 : 61], mais encore et surtout ce brusque changement n’a pas mûri au sein de la société insulaire : il a été apporté de l’extérieur. Or, « quand la modernité porte la marque de “l’Autre”, il n’est pas surprenant de voir certaines personnes brandir les symboles de l’archaïsme pour affirmer leur différence… La modernisation devient suspecte dès lors qu’elle est perçue comme le cheval de Troie d’une culture étrangère dominatrice » [Maalouf, 1998 : 85-86]. Un certain ressentiment contre la modernisation hâtive et exogène apparaît d’une manière récurrente dans mes entretiens : « l’évolution se fait naturellement… Quand ça se fait un peu… forcé, c’est plus difficile à admettre » [E 4] ; « le fait d’imposer quelque chose à quelqu’un… Ça peut être qu’un refus » [E 9].
C’est ici, peut-être, que réside l’une des explications possibles du « fait corse » : il s’agit d’une société qui, depuis de longs siècles, n’a pas pu évoluer à son propre rythme, étant toujours entraînée dans l’orbite du système social et politique d’une puissance extérieure. La parenthèse éphémère de l’indépendance n’a pas suffi pour renverser cette tendance. La démocratie ne se décrète pas, elle exige une certaine maturité des relations sociales, notamment une libération de l’individu, qui va de pair avec sa responsabilisation. Ce constat permet de mettre en parallèle la Corse (une petite île de 250 000 habitants) et la Russie (l’État le plus grand au monde en superficie et avec une population 560 fois plus importante que celle de la Corse). Par plusieurs de leurs caractéristiques, les deux sociétés se ressemblent.
À commencer par un paternalisme propre au rapport de la population avec le pouvoir, à tous les niveaux. Un des cofondateurs du fnlc se justifie ainsi : « l’État français ne se comportait pas avec nous en bon père de famille, nous l’avons renié » [cité par Ceccaldi, Pesteil, 2003]. Le même discours qui accuse le gouvernement, et l’État en général, d’être « antipopulaire » est habituel pour la presse et les candidats de l’opposition « populaire » (en réalité plutôt populiste) en Russie. Tout comme en Corse, où « les autonomistes parlent de réparations historiques, les séparatistes de dédommagement colonial, les libéraux de retard historique, les communistes et les socialistes de déficit de solidarité nationale, etc. » – et tout cela transforme « les dons en dus » [Guidici, 1997], les militants nationalistes et les gouverneurs régionaux en Russie exigent du pouvoir central des réparations (à titre d’exemple, une réplique de l’ancien président de la république d’Ingouchie, Rousslan Auchev : « Vous nous avez conquis, c’est donc à vous de nous nourrir »). Tout comme en Corse, dans la montagneuse république d’Altaï, qui « économiquement a besoin du touriste mais ne l’aime pas vraiment », la « hantise de la souillure de notre terre par l’étranger est au cœur du pathos nationaliste » [Paoli, 2005 : 43, 74]. Tout comme la Corse, beaucoup des territoires « ethniques » de la Fédération de Russie vivent « largement au-dessus de leurs moyens grâce à la solidarité nationale » [ibid. : 59]. Le reproche de Paul Antonietti : « On ne peut pas d’un côté exiger que la France s’en aille et, de l’autre, demander toujours plus à l’État, colonial ou non. Il faut choisir… », pourrait être adressé en toute légitimité aux porte-parole nationalistes tatars, tchétchènes, yakoutes et autres. En revanche, il se trompe lorsqu’il dit : « la Corse est le seul pays où les clandestins de nuit sont, le jour, des salariés de l’État dont ils veulent se libérer » [Antonietti, 2005 : 83]. C’est bel et bien le cas des élites locales au Daguestan, dans une Tchétchénie de Ramzan Kadyrov et dans plusieurs autres territoires.
D’ailleurs, le but de tous ces nationalismes, comme celui du nationalisme corse, « […] n’est pas l’indépendance mais la constitution d’un pouvoir de pression permanent sur l’État… un mouvement d’interpellation du pouvoir étatique, luttant contre ses concurrents claniques pour l’obtention monopolistique des faveurs de la présence française » [Xavier Crettiez, cité par Paoli, 2005 : 20].
Un pouvoir étatique, à son tour, afin de s’affirmer sur les territoires périphériques, ne s’interdit pas de « pactiser avec les autorités claniques » auxquelles a été confiée « la prise en charge de la représentation politique » des populations locales. Cela permet d’organiser le vote « en fonction de critères clientélistes d’allégeance à la famille, au clan, aux alliés » [Dupoirier, 2001 : 5] et cela explique, dans le cas russe, le fait que les chefs des régions, nommés depuis 2004 par le président du pays et non plus élus au suffrage universel, ont tous gardé leur place, tout en étant réputés corrompus et malgré les épisodes des démarches séparatistes jalonnant leur passé récent.
La démocratie faisant défaut dans les deux sociétés, « les lois ne s’appliquent pas, les élections sont truquées, les revendications des masses ne sont pas écoutées » [ibid.], « la révolte, l’engagement politique progressiste ne sont pas un trait dominant » [Castellani, 1999 : 145]. Les loyautés locales priment sur le sentiment citoyen et les alliances politiques tendent souvent à se nouer par-dessus le clivage droite/gauche, classique pour les sociétés démocratiques. Ainsi, en Russie, les militants de l’Union des forces de droite participent systématiquement aux manifestations organisées par l’extrême gauche (les national-bolcheviks), en mettant ainsi dans l’embarras leurs électeurs potentiels. Tout cela justifie, me semble-t-il, le classement de nos deux sociétés dans la catégorie « état de guerre », ou « état de nature », qui s’oppose à « état de droit » [Guidici, 1997 : 14]. Or, l’état de droit est un des facteurs clefs d’un développement bien ordonné pour de petits territoires désireux de compter sur leurs propres forces : « Pour que les politiques puissent jouer leur rôle d’orientation et de canalisation des initiatives individuelles dans le sens du développement, pour que le peuple leur accorde sa confiance, il faut des règles respectables, donc conformes à l’intérêt général, et respectées » [Herland, 2006 : 15].
Quelques mots pour conclure : « une société en manque de liberté »
Malgré le discours libérateur mobilisant les souvenirs de tous les moments de révolte, de résistance, de soulèvement contre divers envahisseurs, « depuis les Romains jusqu’aux Français » [Ceccaldi, Pesteil, 2003 : 286], de la période courte de l’indépendance, la liberté, me semble-t-il, fait défaut dans la société corse ; et ce n’est pas de la faute de la France (au moins, pas de sa seule faute). Ce n’est pas un hasard si les Corses se reconnaissaient davantage dans l’Empire colonial français qu’ils ne le font dans la République française. Ce n’est pas un hasard non plus s’ils sont particulièrement attachés à la fonction publique et au service militaire, qui offrent une carrière garantie mais réduisent considérablement la liberté, tout en étant plutôt réticents quant à l’entreprise privée : « La fonction publique, tout ce qui était proposé, offert, par le biais de l’État central, on s’y est mis. À un moment donné, c’était les colonies. Ensuite, c’était les administrations ici, implantées sur le territoire français, donc corse. Je crois que ça a toujours été chez les Corses un réflexe. Rentrer dans l’administration, passer des concours… Il y a plus de jeunes Corses qui vont chercher à s’insérer dans l’administration pour avoir un travail et un salaire qu’avoir des idées pour créer une entreprise, développer une activité, quelque chose de plus incertain, aléatoire » [E 1].
Ce manque de liberté, me semble-t-il, entrave essentiellement le développement de la société corse. Depuis longtemps les gens les plus motivés, les plus énergiques choisissent le chemin de l’exil pour ne pas s’étouffer, pour se libérer des contraintes communautaires. Ceux qui restent vivent souvent (comme beaucoup de mes compatriotes en Russie) dans « l’atonie et dans le dégoût pour tout ce qui est politique, avec l’impression que, quoi que l’on puisse faire ou penser, rien ne pourra changer » [Antonietti, 2005 : 25]. Ce n’est pas facile de vivre en être libre dans un contexte qui n’y est pas favorable. Cependant, sans une vraie libération de l’individu, sans un changement profond de la nature d’un lien social et d’un engagement politique, force est de reconnaître que « rien ne pourra changer ». ?
J’exprime une reconnaissance toute particulière à M. le professeur Georges Ravis-Giordani dont la conférence passionnée et passionnante sur la société corse, donnée à Ajaccio en 2001 pour un groupe de chercheurs russes, est à l’origine de mon « enquête corse ».
Références bibliographiques
Antonietti Paul, 2005, iff, Ajaccio, Éditions dcl.
Castellani Michel, 1999, « Espace matériel et espace psychologique d’une communauté écartelée : “les” îles de Corse », in Joël Bonnemaison et al. (dir.), Les territoires de l’identité. Le territoire, lien ou frontière ?, tome 1, Paris, L’Harmattan.
Ceccaldi Francesca-Maria, Pesteil Philippe, 2003, « La création du Front de libération nationale corse et l’usage de la violence comme expression politique », in Gilles Ferréol et Adrian Niculau (dir.), Violenta, aspecte psihosociale, Iasi, Polirom, 273-290.
Dupoirier Elizabeth, 2001, « La question de l’identité et des partis régionalistes en Corse », Institut de Ciències Polítiques i Socialis. Barcelona. Working papers, 190 : 3-14.
Galibert Charlie, 2004, Guide non touristique d’un village corse. Sarrola Carcopino. Approche anthropologique, Ajaccio, Albiana.
Guidici Nicolas, 1997, Le crépuscule des Corses, Paris, Grasset.
Herland Michel, 2007, « Insularité, indépendance et développement », in Thierry Michalon (dir.), Entre assimilation et émancipation, l’Outre-Mer français dans l’impasse, Les Perséides.
Maalouf Amin, 1998, Les identités meurtrières, Paris, Grasset.
Paoli Paul-François, 2005, Je suis Corse et je n’en suis plus fier, Paris, Éditions Max Milo.
Pellegrinetti Jean-Paul, 2005, « Langue et identité : l’exemple du corse durant la troisième République », Cahiers de la Méditerranée, vol. 66, L’autre et l’image de soi, mis en ligne le 21 juillet 2005, url : http:/cdlm.revues.org/document.html?id=116&format=print
Pelletier Philippe, 1992, « Insularité et démographie dans la mer intérieur japonaise », Mape Monde, 4 : 29-32.
Pesteil Philippe, 2007, « Autour du riacquistu : questions culturelles et politiques en Corse », in Ronan Le Coadic (dir.), Identités et sociétés de Plougastel à Okinawa, Presses universitaires de Rennes : 161-185.
Ravis-Giordani Georges, 1989, « Attention : une nation peut en cacher une autre », Bulletin de l’adecem, 7 : 11-17.
– 1989 (2), « La Corse à la croisée des chemins. Un peuple sans identité ou une identité sans peuple », La Pensée, 268, mars-avril.
Rokkan Stein (dir.), 1973, Building States and Nations, Londres, Sage.
Notes
[1]
Les entretiens semi-directifs (notés en italiques et numérotés de E 1 à E 15 dans le texte) ont été menés en juin 2006 à Corte, Bastia et dans deux communes villageoises. L’échantillon de personnes interrogées a été élaboré de sorte que soient représentés les deux sexes, des classes d’âge et des catégories socioprofessionnelles différentes. Je tiens à remercier mes collègues corses Philippe Pesteil et Francesca-Maria Ceccaldi pour leur précieuse assistance dans l’organisation de cette enquête mais aussi pour les discussions que nous avons eues tout au long de mon séjour en Corse et pour les textes qu’ils ont mis à ma disposition, et qui ont pour beaucoup nourri mes réflexions.
[2]
La Corse rejoint le continent pour cette fête, mais on n’y entend pratiquement que de la musique corse.
[3]
Sources anthropologiques :
– Carnet de terrain, juin 2006, Corte, Bastia.
– E 1 – E 15, entretiens dans l’ordre d’enregistrement.
– Entretien avec Edmond Siméoni, enregistré le 23 juin 2006.
– Entretien avec Jean-Christophe Angélini, enregistré le 3 juillet 2006.
Résumé
L’article met en examen les concepts explicatifs de la particularité de la société corse (l’insularité, la méditerranéité, la corsité, la ruralité et l’archaïsme d’une structure sociale). Les « malheurs » que vit la Corse sont confrontés avec ceux que connaît la Russie, étant donné qu’un manque de liberté et de responsabilité personnelle est propre aux deux sociétés, largement paternalistes, les loyautés locales primant sur le sentiment citoyen, et les alliances politiques tentant souvent de se nouer au-dessus du clivage droite/gauche, classique pour les sociétés démocratiques.