LE GENERAL DE GAULLE ET LA RUSSIE - Par Hélène Carrère d'Encausse


Le Général De Gaulle et la Russie, essai par Hélène Carrère d'Encausse, de l'Académie française, édité chez Fayard,
 
https://www.fayard.fr/le-general-de-gaulle-et-la-russie-9782213705552
 
Nul autre homme d’État n’a été autant fasciné par l’Histoire que le général de Gaulle. Sa très sûre et immense connaissance du passé européen, de la culture de l’Europe et de ses mythes, et la relation intense entre la France et la Russie étaient chacune partie intégrante de son univers mental et de son imaginaire. Le général de Gaulle voyait la Russie comme cet «  allié de revers  » indispensable à sa sécurité, mais plus encore parce qu’elle participait à sa conception de l’équilibre de l’Europe et de la place de l’Europe dans le monde.
La politique franco-russe du Général s’est étendue sur trois décennies, marquées par des ruptures impressionnantes : la guerre, la guerre froide et les tentatives d’ouverture des blocs Est-Ouest. Nul autre homme d’État n’a eu une expérience aussi grande et diverse des dirigeants de l’URSS. Or, s’agissant d’un système politique totalement dominé par celui qui se trouvait au sommet, la familiarité du général de Gaulle avec Staline, Khrouchtchev et Brejnev est une donnée exceptionnelle de son action politique. C’est pourquoi son action et son expérience, considérées dans leur totalité, dans la durée et avec le recul du temps, constituent, au moment où la carte du monde se recompose et que le monde n’est plus exclusivement américain, un précieux apport à la réflexion géopolitique actuelle.
 
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https://www.franceculture.fr/oeuvre/le-general-de-gaulle-et-la-russie
 
L’Union soviétique, que le général de Gaulle préférait nommer Russie, est présente dans sa politique étrangère depuis la rupture du Pacte germano-soviétique en 1941. Sa vision de ce pays – un pays d’Europe, allié de revers de la France, continuateur de la Russie, malgré la rupture de 1917 – a été constante. Mais la politique russe du général de Gaulle a évolué en fonction de son propre statut – général rebelle, exilé en Angleterre puis en Afrique du Nord, puis chef d’un gouvernement provisoire, enfin président de la République française, élu au suffrage universel – et du statut de la France – pays vaincu et occupé, France combattante, France membre du groupe des vainqueurs en 1945. Cet ouvrage retrace les trois temps de la politique russe du général de Gaulle. Face à Staline, période où il mena une diplomatie parallèle, puis face à Khrouchtchev et à un monde transformé par la déstalinisation, la décolonisation et la coexistence pacifique, et enfin une politique visant à rapprocher l’Est et l’Ouest en misant sur la détente et la coopération entre les deux blocs.

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Historienne de la Russie, Hélène Carrère d’Encausse est membre de l’Académie française depuis 1991, où elle a été élue Secrétaire perpétuel en 1999. Hélène Carrère d’Encausse a reçu le prix Aujourd’hui pour L’Empire éclaté (Flammarion) en 1978, le prix Louise-Weiss en 1987, et le prix Comenius en 1992 pour l’ensemble de son oeuvre. Sa biographie de Nicolas II (Fayard 1996) a obtenu le prix des Ambassadeurs en 1997 [...]



 
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Pourquoi de Gaulle adorait la Russie

https://fr.sputniknews.com/analyse/201507181017070809/
 
« Il n'est pas un bon Français qui n'acclame la victoire de la Russie. »
On connaît la russophilie du Général de Gaulle. Mais rien ne vaut les discours du Grand Homme pour retrouver la lettre et l'esprit du combat russophile initié en France par les Lumières aux temps de la Grande Catherine, et poursuivi ensuite par un Chateaubriand aux temps des tsars Alexandre et Nicolas.
Le 20 janvier 1942, le Général prononce un magnifique discours guerrier à la radio londonienne pour rendre hommage à la victoire russe lors du terrible hiver 1941-42. Grand stratège, il comprend dès ce moment, et avant beaucoup de monde, que l'Allemagne nazie va perdre sa guerre contre la Russie:
« Pour l'Allemagne, la guerre à l'Est, ce n'est plus aujourd'hui que cimetières sous la neige, lamentables trains de blessés, mort subite de généraux. Certes, on ne saurait penser que c'en soit fini de la puissance militaire de l'ennemi. Mais celui-ci vient, sans aucun doute possible, d'essuyer l'un des plus grands échecs que l'Histoire ait enregistrés. »
Pour une Alliance cordiale entre Paris et Moscou !
Les mots suivants sont un hymne épique à la Grande Russie combattante :
« Tandis que chancellent la force et le prestige allemands, on voit monter au zénith l'astre de la puissance russe. Le monde constate que ce peuple de 175 millions d'hommes et digne d'être grand parce qu'il sait combattre, c'est-à-dire souffrir et frapper, qu'il s'est élevé, armé, organisé lui-même et que les pires épreuves n'ébranlent pas sa cohésion. C'est avec enthousiasme que le peuple français salue les succès et l'ascension du peuple russe. »
De Gaulle ensuite prévoit le grand rôle modérateur et équilibrant de la Russie sur la scène internationale. Il souligne au passage le rôle des forces obscures qui de manière récurrente s'opposent à l'alliance franco-russe :
« Dans l'ordre politique, l'apparition certaine de la Russie au premier rang des vainqueurs de demain apporte à l'Europe et au monde une garantie d'équilibre dont aucune Puissance n'a, autant que la France, de bonnes raisons de se féliciter. Pour le malheur général, trop souvent depuis des siècles l'alliance franco-russe fut empêchée ou contrecarrée par l'intrigue ou l'incompréhension. Elle n'en demeure pas moins une nécessité que l'on voit apparaître à chaque tournant de l'Histoire. »
Alain Peyrefitte a d'ailleurs rappelé pourquoi de Gaulle ne célébrait pas le débarquement anglo-saxon en France, débarquement qui annonçait une France inféodée et soumise à l'AMGOT:
« Le débarquement du 6 juin, cela a été l'affaire des Anglo-Saxons, d'où la France a été exclue. Ils étaient bien décidés à s'installer en France comme en territoire ennemi ! Comme ils venaient de le faire en Italie et comme ils s'apprêtaient à le faire en Allemagne ! Ils avaient préparé leur AMGOT qui devait gouverner souverainement la France à mesure de l'avance de leurs armées. Ils avaient imprimé leur fausse monnaie, qui aurait eu cours forcé. Ils se seraient conduits en pays conquis. »
Russie-France : Sortir de l’hypocrisie, du double standard et des incohérences
Personne ne se demande en effet depuis pourquoi la France Libre n'a pas eu le droit de débarquer ce fameux 6 juin ! On saura pourquoi maintenant ! De Gaulle rappelle à Alain Peyrefitte qu'il fut traité comme un domestique par Churchill. « La France fut traitée comme un paillasson ! ».
Mais restons avec la Russie et notre Général : le 30 juin 1966, le Général de Gaulle devenu président de la République est à Moscou et il célèbre la vieille et inaltérable amitié franco-russe à la radio et à la télévision :
« La visite que j'achève de faire à votre pays c'est une visite que la France de toujours rend à la Russie de toujours… Aussi, en venant vous voir, il m'a semblé que ma démarche et votre réception étaient inspirées par une considération et une cordialité réciproques, que n'ont brisées, depuis des siècles, ni certains combats d'autrefois, ni des différences de régime, ni des oppositions récemment suscitées par la division du monde. »
C'est que pour de Gaulle comme pour Dostoïevski les nations sont des entités vivantes plus résistantes et plus fortes que les systèmes qui pensent les dominer. Il souligne ensuite, en faisant une belle allusion à la conquête spatiale, les grandes réalisations du modèle soviétique, stupidement oublié ou diabolisé depuis :
«Après l'immense transformation déclenchée chez vous par votre révolution depuis près de cinquante ans, au prix de sacrifices et d'efforts gigantesques; puis après le drame terrible que fut pour vous la guerre gagnée il y a plus de vingt années et dont la part que vous y avez prise a porté l'Union Soviétique au plus haut degré de la puissance et de la gloire; enfin, après votre reconstruction succédant à tant de ravages, nous vous voyons vivants, pleins de ressort, progressant sur toute la ligne, au point que vous êtes tout près d'envoyer des vôtres dans la Lune. »
Enfin, il conclut magnifiquement sur l'unité du continent européen, de l'Atlantique à l'Oural, pour reprendre une formulation lyrique et célèbre :
« Il s'agit aussi de mettre en œuvre successivement : la détente, l'entente et la coopération dans notre Europe tout entière, afin qu'elle se donne à elle-même sa propre sécurité après tant de combats, de ruines et de déchirements. Il s'agit, par-là, de faire en sorte que notre Ancien Continent, uni et non plus divisé, reprenne le rôle capital qui lui revient, pour l'équilibre, le progrès et la paix de l'univers. »
Une conclusion ? Soumise au diktat de Washington et Berlin, la France politicienne ferait bien de prendre exemple sur son dernier grand homme.