LA POLITIQUE DE LA FRANCE À L’ÉGARD DE L’UKRAINE
https://books.openedition.org/psorbonne/53653
Mars 1917 - février 1918
https://books.openedition.org/psorbonne/53653
Mars 1917 - février 1918
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Volodymyr KOSYK
Biographie extraite du site https://prabook.com/web/wolodymyr.kosyk/291937
Né le 26 novembre 1924, à Zaluzhany, en Ukraine
Décédé le 12 juin 2017 à Paris.
Professeur d’histoire ukrainien. Chevalier décoré de l’Ordre des Arts et des Lettres par le Gouvernement Français 1998.
Docteur de l’Université libre ukrainienne de Munich (Allemagne), 1975.
Docteur de l'Université de la Sorbonne, Paris, 1979.
Rédacteur en chef L’Est Européen, Paris, 1962-1999.
Chargé de cours puis professeur à l’Université libre ukrainienne de Munich(1976-1984),
Professeur, Université nationale Ivan Franko, Lviv (Ukraine) depuis 1995.
Chargé de cours Institut national des langues et civilisations orientales, 1984-1989, Institut national des langues orientales Civilisations, Paris.
Président de l’Union des Ukrainiens en France, Paris, 1962-1999.
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Le parcours militant de Volodymyr KOSYK au sein de l'Organisation des nationalistes Ukrainiens (OUN) a fait l'objet de controverses nées du positionnement politique et militaire de cette organisation par rapport à l'Allemagne durant la période 39-45, et du comportement des "troupes" relevant de l'OUN à l'encontre de la population juive, mais ces problèmes n'entrent pas dans le cadre de notre analyse de l'ouvrage "La politique de la France à l'égard de l'Ukraine".
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Volodymyr Kosyk est l'auteur de nombreux ouvrages consacrés à l'Histoire de l'Ukraine et à la géopolitique européenne, dont : l'Allemagne national-socialiste et l'Ukraine (1986. Publications de l'Est européen).
Le Troisième Reich et l'Ukraine
https://books.google.ru/books/about/The_Third_Reich_and_Ukraine.html?id=F_1mAAAAMAAJ&redir_esc=y
P. Lang , 1993 - 669 pages
Le rôle de l'Ukraine dans la Seconde Guerre mondiale ne reçoit généralement qu'un traitement superficiel dans les livres d'histoire. S'appuyant sur 194 documents d'archives anglaises, françaises, allemandes, russes et ukrainiennes, Wolodymyr Kosyk offre un récit plus complet des événements qui se sont déroulés en Ukraine dans la première moitié de ce siècle. Il commence son étude avec un contexte historique de l'Ukraine et procède à l'examen des desseins d'Hitler pour l'Europe de l'Est. Kosyk souligne que l'Allemagne et ses alliés avaient besoin des ressources économiques de l'Ukraine pour assurer la victoire finale et analyse la lutte des forces nationalistes ukrainiennes contre la domination nazie.
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Retenons aussi une étude de V.Kosyk intitulée :
"Les Ukrainiens dans la résistance française"
Publications de l'Est Européen 1994.
http://ukraine.perso.libertysurf.fr/occupati.htm
Les Ukrainiens en France sous l'occupation allemande
par
Wolodymyr KOSYK
© 2000 W. Kosyk
Ce sujet a été très peu étudié en raison du manque de documents. Certes, il y a aussi des conditions spécifiques de la vie communautaire et associative ukrainienne sous l'occupation et dans les premières semaines qui ont suivi la libération. Pour ces raisons, l'esquisse que nous proposons n'épuise pas le sujet.
En 1939, avant la Seconde guerre mondiale, il y avait en France plus de 40 000 Ukrainiens. Outre un nombre relativement peu important d'anciens soldats de l'armée nationale et de personnalités de la République Démocratique Ukrainienne (UNR), la majorité était composée d'émigrés économiques venus d'Ukraine occidentale, plus exactement de Galicie, dans le but de gagner un peu d'argent et revenir au pays pour acheter un lopin de terre et y vivre mieux.
La vie sociale des Ukrainiens en France se concentrait autour de plusieurs organisations communautaires. Les émigrés de l'Est de l'Ukraine se regroupaient en majorité dans la Hromada Ukrainienne (Communauté Ukrainienne), dont faisaient partie quelques émigrés de l'Ouest de l'Ukraine, ainsi que dans l'Association des anciens combattants de l'armée de l'UNR. Depuis 1926 il existait également une Union des associations ukrainiennes émigrées en France. Par ailleurs, l'Association des anciens combattants de l'armée de l'UNR a créé en 1929 un centre culturel et scientifique très important: la Bibliothèque S. Petlura.
Les Ukrainiens d'Ukraine occidentale (mais aussi souvent d'Ukraine orientale) faisaient partie de l'Union Populaire Ukrainienne (UNS), créée en 1932. Il est à remarquer que parmi les fondateurs de l'UNS, il y avait surtout des membres des filiales de la Hromada Ukrainienne en France, particulièrement de la filiale de la petite ville d'Homécourt (Meurthe et Moselle), dont le président était P. Zavarnytskyi. L'assemblée fondatrice de l'UNS était présidée, entre autres, par P. Zavarnytskyi (d'Ukraine orientale) et L. Kysylytsia (de Bukovine)(1). A la veille de la guerre, l'UNS, qui avait près de 5000 membres en 1939, était entièrement contrôlée par les membres de l'Organisation des Nationalistes Ukrainiens (OUN). L'UNS ne faisait pas partie de l'Union des associations ukrainiennes émigrées.
En 1939 à Paris paraissaient deux grands hebdomadaires: Oukraïnské Slovo ("La Parole Ukrainienne"), organe officieux de l'Organisation des Nationalistes Ukrainiens (OUN), et Tryzoub ("Le Trident"), fondé par Symon Petlura, dont la publication fut assurée par le milieux de l'UNR. Paraissait aussi en langue française un bulletin hebdomadaire du Service d'informations ukrainiennes(2).
En France, pratiquement personne ne comprenait la question ukrainienne à la veille de la guerre. Elle était d'ailleurs impopulaire. La courte existence de l'Ukraine Carpatique autonome au sein de la Tchéco-Slovaquie (octobre 1938-mars 1939) fut utilisée dans la politique européenne pour affirmer que c'était Hitler qui était à l'origine de cette affaire et qu'il s'efforçait tout simplement de créer un Etat ukrainien pour l'utiliser contre les intérêts de la Pologne et de l'Union Soviétique.
Maurice Schuman, grand journaliste et plus tard homme politique gaulliste important, s'exprima très négativement sur la question ukrainienne. Dans l'Encyclopédie Ukrainienne (Tome 9, p. 3535) A. Joukovsky écrit qu'il "mettait en garde les Ukrainiens contre le danger allemand". En réalité, il mettait en garde l'Europe contre le danger ukrainien. Il considérait que la création d'une Ukraine indépendante ou autonome, même de taille réduite comme l'Ukraine Carpatique, aux frontières mêmes de la Galicie, serait une menace pour l'unité de la Pologne. Par conséquent il estimait que "la seule façon d'éviter que le drapeau de l'indépendance ukrainienne ne flotte sur la nouvelle Europe... était.. soit de partager l'Ukraine Carpatique entre la Pologne et la Hongrie, soit de la rattacher purement et simplement à la Hongrie »(3). Comme on le sait, Hitler attribua l'Ukraine Carpatique à la Hongrie.
La presse française dans son ensemble était favorable à la Pologne et à l'Union Soviétique, et non à l'Ukraine. La parution du livre de J. Benoist-Méchin sur l'Ukraine(4) en 1941, en pleine occupation, n'était pas à même de pouvoir changer quelque chose aux options politiques des Français.
Il faut cependant souligner que les Ukrainiens de France s'efforçaient d'informer les cercles politiques français sur la cause ukrainienne. Les personnalités politiques de l'UNR furent très actives dans ce domaine, comme en témoignent les rapports publiés dans le "Trident". De même, les cercles de l'OUN menaient une large activité d'information.
Dans la période d'avant la guerre, la vie religieuse s'était organisée progressivement aussi bien parmi les émigrés orthodoxes d'Ukraine centrale et orientale que parmi les gréco-catholiques (catholiques de rite byzantin) de Galicie. Du fait du nombre important de gréco-catholiques, grâce au soutien du cardinal E. Tisserant, secrétaire de la Congrégation pour les Eglises orientales au Vatican, une Mission pour les Ukrainiens fut créée à Paris, à la tête de laquelle fut placé le père J. Perridon, son adjoint était le père Ivan Leskowycz. En 1942, cette Mission a obtenu l'attribution à ses besoins de l'ancienne chapelle de la Charité, située dans le centre prestigieux de la capitale, à l'angle du boulevard Saint-Germain et de la rue des Saints Pères (la chapelle appartenait à l'Université de Paris qui accepta volontiers de la remettre à l'Eglise ukrainienne). Depuis, dans cet édifice se trouvent l'église ou plus exactement la cathédrale ukrainienne gréco-catholique Saint-Volodymyr le Grand et le siège de l'Exarchat apostolique ukrainien.
En envahissant la Pologne le 1er septembre 1939, l'Allemagne national-socialiste déclencha la Seconde guerre mondiale. Dans les milieux politiques ukrainiens en France deux camps se constituèrent immédiatement: le camp des partisans de l'UNR (l'Union des organisations ukrainiennes émigrées en France et l'Association des anciens combattants de l'UNR en France), et le camp des nationalistes. Les membres du premier camp étaient généralement qualifiés par les autres Ukrainiens de "polonophiles" en raison du fait que le groupe de l'UNR était plus ou moins financé et soutenu par la Pologne (S. Petlura, chef de l'Etat et des armées de l'UNR, était l'allié de la Pologne). Ce camp se déclara aussitôt aux côtés de l'Angleterre, de la France et de la Pologne. Le journal "Tryzoub" écrivait: "Notre posi tion dans cette grande guerre a été déjà clairement exprimée dans le dernier numéro paru le jour même du début des hostilités: Nous sommes aux côtés de ‘lAngleterre, de la France et de la Pologne"(5).
Le camp des nationalistes ne pouvait se joindre à cette position, l'OUN étant en lutte ouverte contre la Pologne, contre l'occupation polonaise des territoires de l'Ukraine occidentale. Mais l’OUN n'était pas pour autant favorable aux Allemands. Après l'affaire de l'Ukraine Carpatique attribuée par Hitler à la Hongrie, mais qui le même jour (le 14 mars 1939) avait proclamé son indépendance contre la volonté de Berlin, l’OUN critiquait avec insistance la politique hitlérienne de l'Allemagne. Dans la nouvelle situation internationale, l’OUN ne pouvait cependant soutenir ni la Pologne, ni l'URSS, deux pays qui occupaient la plus grande partie du territoire de l'Ukraine.
Toutefois les journaux nationalistes ukrainiens qui paraissaient sur le continent américain pouvaient exprimer librement leur position. Ils prirent aussitôt parti pour les alliés occidentaux. Toutefois après que les Allemands aient permis à Moscou d'occuper les territoires occidentaux ukrainiens (le protocole secret du traité Ribbentrop-Molotov du 23 août 1939 n'était pas connu) "La Parole ukrainienne" de Paris s'éleva vigoureusement contre la politique allemande à l'Est.
Les articles violemment anti-hitlériens de "La Parole ukrainienne", notamment ceux du 24 septembre, du 8 octobre, du 29 octobre, du 5 novembre, du 22 novembre 1939 et du 4 février 1940, furent traduits en allemand par le département des affaires étrangères du parti national socialiste allemand (APA) à Berlin . Ce département du parti nazi, au nom de ce parti, mettait constamment en garde les différentes instances du gouvernement allemand contre l'Organisation des Nationalistes Ukrainiens.
Au début de la guerre, l'ambassade de Pologne à Paris proclarna le recensement des citoyens polonais en France afin de les mobiliser dans l'armée polonaise. Les Ukrainiens de Galicie étaient citoyens de Pologne et soumis à la mobilisation. La direction de l'UNS appela les Ukrainiens à s'engager dans la Légion étrangère française plutôt que d'être mobilisés de force dans l'armée polonaise. Près de 6000 Ukrainiens s'engagèrent ainsi dans la Légion étrangère(7). Ce fait est mal connu et pratiquement peu étudié.
Les Allemands s'emparèrent rapidement de Varsovie, l'Etat polonais s'effondra et, dans la seconde moitié de septembre, l'Armée rouge envahit les territoires de l'Ukraine occidentale, conformément à l'accord secret passé entre Berlin et Moscou.
A l'époque se trouvaient à Varsovie le président de l'UNR en exil Andriï Livytskyi et le Centre gouvernemental. Après l'occupation de Varsovie par les troupes allemandes, le centre du gouvernement de FUNR cessa d'exister. L'hebdomadaire Tryzoub du 31 décembre 1939 publia un communiqué du bureau de presse ukrainien annonçant qu'Andriï Livytskyi étant "dans l'impossibilité d'assurer ses fonctions", conformément à la loi et à un accord passé antérieurement, la fonction de président de FUNR en exil passait à Paris. Viatcheslav Prokopovytch devenait donc le président de FUNR en exil, et Alexandre Choulguine (0. Choulhyne) fut nommé président du Conseil des ministres(8).
La propagande invitant les Ukrainiens à s'engager dans la Légion étrangère se poursuivait. De ce fait, le département étranger du parti national-sôcialiste allemand remarquait que dans la "Parole ukrainienne" du 24 mars 1940 (n°350) "le représentant de l'OUN à Paris, 0. Boïkiv" poursuivait une forte propagande en faveur de la Légion(9).
Les Allemands attaquèrent la France le 10 mai 1940 et le 14 juin ils occupèrent Paris. Avec l'occupation, toutes les organisations ukrainiennes émigrées en France cessèrent d'exister(10). La bibliothèque S. Petlura fut confisquée dans son intégralité par les Allemands et les fonds emmenés en Allemagne en un lieu inconnu. Après la guerre, les autorités allemandes furent incapables de trouver la trace des fonds de la Bibliothèque. Ce n'est qu'aujourd'hui que l'on apprend que les fonds de la Bibliothèque, déposés par les nazis en Allemagne orientale, sont tombés entre les mains de l'Armée rouge et ont été évacués à Moscou et partiellement à Kyïv(11).
Les deux hebdomadaires ukrainiens ainsi que le bulletin hebdomadaire ont cessé de paraître. A. Choulguine, homme politique ukrainien bien en vue, ancien ministre de l'Ukraine indépendante, fut arrêté par les Allemands. Il ne sera libéré qu'en 1941. Le centre gouvernemental de l'UNR de Paris devint également inactif(12) .
D'après les témoignages des Ukrainiens engagés dans la Légion étrangère, il ressort que relativement peu d'entre eux ont été au front, certains furent démobilisés avant l'arrivée des Allemands, tandis que les autres se retrouvèrent dans des camps de prisonniers de guerre d'où ils furent peu à peu libérés. Le département étranger du parti nazi à Berlin reçut un long rapport de 0. Boïkiv sur la participation des Ukrainiens dans la Légion étrangère (daté du 8 septembre 1940, donc déjà sous l'occupation) (13).
On ne trouve pratiquement rien dans les ouvrages ukrainiens sur les années de l'occupation. Nous pouvons néanmoins reconstituer partiellement la situation en consultant les archives (probablement partielles) et la correspondance de l'un des organisateurs de l'Union Populaire Ukrainienne (UNS), Ivan Stasiw. Bien que l'article sur l'Union Populaire Ukrainienne de l'Encyclopédie Ukrainienne, ne mentionne pas son nom, le fait est qu'il fut l'un des dirigeants de cette association. Dans son livre sur 0. Boïkiv, V. Marouniak confirme d'ailleurs que Ivan Stasiw était l'un des proches collaborateurs d'O. Boïkiv, président de l'association(14).
Qui était Ivan Stasiw? Ancien attaché diplomatique puis secrétaire de la mission diplomatique ukrainienne à Budapest, il arriva en France en 1924. Avant la guerre de 1939, il était, à côté d'O. Boïkiv, membre du bureau dirigeant de l'Union Populaire Ukrainienne (UNS). Sous l'occupation allemande, il devint président de l'Office des Emigrés Ukrainiens en France, autorisé par les Allemands.
On ne sait pas exactement quand les Allemands autorisèrent la création de cette institution ukrainienne sous l'occupation. Dans l'Encyclopédie Ukrainienne il y a deux dates: on parle de 1941 (Tome 8, p. 3035), et de 1942 (Tome 9, p. 3537). Dans cette Encyclopédie, on ne trouve d'ailleurs rien sur "L'Office des Emigrés Ukrainiens en France" (pourtant le tome 9 est paru en 1980, c'est-à-dire à l'époque où I. Stasiw était encore vivant).
Au début des années 1980, Ivan Stasiw, alors âgé de plus de 80 ans, prit contact avec l'auteur du présent article. Il était déjà malade, presque paralysé, ne pouvant écrire à la machine qu'avec un doigt de la main gauche, ou dictant ses lettres en français à son épouse, qui s'occupait admirablement de lui (catholique de rite romain, une vraie patriote ukrainienne) ou à une secrétaire française. Il ressentait douloureusement le fait que l'activité de l'Office des Emigrés Ukrainiens en France soit passée sous silence, ou bien qu'on en dise des contre-vérités. Par la suite, lors de nos rencontres chez lui, il transmit à l'auteur de ces lignes des photocopies d'une partie de ses archives qu'il avait pu sauver en 1944. Ces archives témoignent que l'Office qu'il dirigeait avait vraiment eu une activité remarquable et souvent d'une grande importance pour la communauté ukrainienne.
D'après les informations de I. Stasiw, l'Office des Emigrés Ukrainiens en France fut déclaré officiellement aux autorités françaises et son enregistrement fut publié dans le "Journal officiel" de l'Etat français. D'après le témoignage d'A. Choulguine du 12 février 1949, l'Office fut créé après sa libération de prison, c'est-à-dire en 1941(15) . Ivan Stasiw soulignait que l'Office obtint le droit d'établir des "certificats de nationalité et autres documents nécessaires aux émigrés". Le secrétaire de l'Office était K. Michenko. L'Office était une institution purement ukrainienne, mais autorisée par les Allemands. Voici ce qu'il écrivait à propos de l'activité de l'Office:
"Nous organisions les fêtes nationales ukrainiennes, la fête de T. Chevtchenko, le Noël pour les enfants, une colonie de vacances ... l’Office aidait les étudiants, il y avait une aide médicale associée à l’Office et dirigée par le docteur Choulguine, épouse de notre célèbre personnalité A. Choulguine, une aide juridique dirigée par l'avocat Sotchivko, un secteur féminin avec Mmes Verjbytska, Solonar et d'autres; ce département visitait nos malades dans les hôpitaux, apportait des aides en nourriture, et surtout une aide morale. Je recevais des appels de nos femmes intellectuelles que les Allemands avaient réquisitionnées pour travailler dans des hôpitaux militaires allemands. Souvent à l'Office venaient des jeunes Ukrainiens d'Ukraine centrale que les Allemands avaient pris pour travailler, et qui s'étaient enfuis. Nous enregistrions à l'Office les mauvais traitements infligés aux Ukrainiens par les Allemands, nous leurs établissions des papiers d'identité et leur payions l'hôtel. J'ai dans mes archives certains des programmes des fêtes, des lettres de nos femmes ...
"Nous prenions contact avec nos prisonniers se trouvant en France, nous les aidions dans les limites de nos possibilités. Nous cachions nos réfugiés, ceux qui ne voulaient pas retourner travailler pour les Allemands. Je m'adressais à l'Eglise catholique, à l'Eglise orthodoxe, à l'Association des anciens combattants en leur demandant d'effectuer un contrôle des activités de l’Office car je considérais que j'étais responsable devant la société ukrainienne de cette activité. J'ai le compte rendu d'un de ces contrôles. Il y avait auprès de l’Office un département d'aide géré par MM. Labouchniak et Dovjenko.
"L'ancien ambassadeur russe, Maklakov, m'envoyait souvent des gens pour que je les aide, car il n'avait pas confiance dans le dirigeant de l'Office des Emigrés Russes.
"J'ai envoyé des rapports sur mon activité dans l'Office aux fonctionnaires gouvernementaux français, particulièrement au chef de la Résistance au ministère des Affaires étrangères, A. Verdier. J'ai la confirmation de la réception de mes rapports et reconnaissance du bien fondé de nos activités.
"J'ai fait des démarches pour faire reconnaître officiellement l'émigration ukrainienne par le gouvernement français. J'ai la correspondance officielle (à ce sujet), les lettres des ministères et de la police.
"J'ai essayé d'organiser une maison de retraite pour les Ukrainiens ...
"... Les Allemands ont voulu m'emmener avec eux en Allemagne. Afin de ne pas tomber entre leurs mains je me suis caché chez des amis, chez la famille Leroux qui était propriétaire d'un hôtel rue Bergère" (16).
Les photocopies de documents officiels sur l'activité de l'Office permettent de suivre les efforts de I. Stasiw en vue de la reconnaissance par les autorités françaises de la nationalité ukrainienne pour les Ukrainiens résidant en France. Dans une lettre au préfet de police de Paris, datée du 7 janvier 1943, I. Stasiw écrivait que lors du renouvellement des papiers, on refusait aux Ukrainiens d'indiquer leur nationalité, mettant à la place "russe", "polonais" ou une autre nationalité. Il rappelait au préfet qu'en accord avec la circulaire du ministère de l'intérieur n° 289 du 29 avril 1942, la police devait indiquer dans les documents la vraie nationalité des Ukrainiens. Il poursuivait dans sa lettre au préfet:
"La non- reconnaissance de cette nationalité est blessante pour les ressortissants d'Ukraine. Sous cette nationalité, des milliers d'Ukrainiens se sont engagés dans l'Armée française, beaucoup sont tombés au champ d'honneur, d'autres sont prisonniers. Ils sont partis avec la foi que la France respecterait leur dignité nationale.
"Je suis certain que vous comprendrez et admettrez le droit à la vie d'un peuple de 45 millions d'habitants. Les Ukrainiens qui, pendant l'occupation de leur territoire, ont dû émigrer et séjournent en France, ont toujours été loyaux envers elle et reconnaissants pour son hospitalité, ainsi que pour la possibilité qui leur était donnée d'un développement culturel...
La lettre informait aussi que la Préfecture de Police ne reconnaissait pas toujours la nationalité ukrainienne attribuée par l'Office. I. Stasiw demandait de régler cette affaire. N'ayant pas de réponse I. Stasiw obtint d'être reçu à la préfecture, le 19 janvier 1943, par le sous-directeur pour les étrangers. Les efforts d'I. Stasiw se poursuivaient auprès de la police et du chef de l'Etat à Vichy. Enfin le 21 mai 1943 il reçut une lettre du secrétariat particulier du chef de l'Etat français, dans laquelle il était dit que les départements des affaires intérieures et extérieures se sont mis d'accord pour que dans les papiers des Ukrainiens originaires de Pologne, s'ils sont en possession d'une attestation du secteur de garantie des intérêts des apatrides et réfugiés (du ministère des Affaires Etrangères) ainsi que de l'Office des Emigrés Ukrainiens en France, on indique leur "origine ukrainienne" (17)
Les certificats de nationalité délivrés par l'Office des Emigrés Ukrainiens en France eurent force de loi auprès des organismes de police pour l'établissement des papiers pour les émigrés ukrainiens. Mais cette question ne se résolvait pas si facilement, car encore en juillet 1943, I. Stasiw écrivait au chef du département des étrangers du ministère des Affaires étrangères, que certaines autorités françaises continuaient à ignorer le droit des Ukrainiens d'avoir la mention de leur origine ukrainienne dans leurs pièces d'identité(18). La difficulté venait de ce que la décision d'avril 1943 sur "l'origine ukrainienne" des émigrés avait été prise par consensus entre les deux ministères et avec l'accord du chef de gouvernement et non par décret auquel l'Office aurait pu se référer (19).
Les autorités françaises consentaient à marquer l'origine ukrainienne pour les Ukrainiens ayant des passeports polonais, tandis que les anciens combattants de l'armée nationale ukrainienne et les personnalités de l'UNR avaient en majorité des passeports d'apatrides (dits passeports Nansen). Par ailleurs, la délivrance des certificats de nationalité pour les Ukrainiens ne concernait que la zone nord (occupée) de la France, en zone sud (libre) ces certificats ne pouvaient être délivrés que par le secteur des apatrides et des étrangers du ministère des Affaires étrangères (20).
Ivan Stasiw fit des démarches pour que le statut d'apatrides fut étendu à tous les Ukrainiens. La proposition fut rejetée. Le statut d'apatride ne pouvait être obtenu que par des Ukrainiens arrivés en France avant le 1er janvier 1933. Les personnes venues plus tard ne pouvaient obtenir ce statut que dans des cas particuliers sur décision du secrétariat d'Etat du ministère des Affaires Etrangères (21).
Mais le président de l'Office des Emigrés Ukrainiens s'efforçait d'obtenir que la date permettant d'acquérir le statut d'apatride soit le 21 juin 1941, c'est-à-dire la veille de l'agression, de l'Allemagne hitlérienne contre l'Union soviétique. Le département des étrangers auprès du ministère des Affaires étrangères n'accepta pas cette proposition (22).
Les documents dont nous disposons indiquent que la question du statut des apatrides, ou plus exactement le statut de "réfugié ukrainien", a progressé quelque peu, puisque dans la lettre du chef du département des étrangers auprès du ministère des Affaires étrangères, datée du 13 avril 1944, on peut lire: "Le ministère de l'intérieur est d'ores et déjà disposé à examiner avec bienveillance, en accord avec mon Département, toutes les demandes de reconnaissance de la qualité de réfugié ukrainien qui lui seront présentées. Jusqu'ici presque aucune démarche en ce sens n'a été tentée, pas même par l'élite de l'émigration ukrainienne. La procédure est cependant très simple lorsqu'il s'agit d'ex-réfugiés russes désireux de changer de catégorie, ce qui doit être le cas le plus fréquent... "(23).
Ce texte donne l'impression que certains des Ukrainiens possédant des papiers de "réfugié russe" n'étaient pas pressés de devenir des "réfugiés ukrainiens".
Durant les années 1943 et 1944, I. Stasiw fit des rapports sur l'activité de l'Office qu'il faisait parvenir au ministère des Affaires étrangères (département des étrangers), de même qu'à deux délégations régionales du département des apatrides (à Paris et à Marseille (24).
En février 1943, un département juridique fut créé à l'Office des Emigrés Ukrainiens, ce dont fut informé le ministère des Affaires étrangères. Dans la réponse du ministère, outre l'accord sur l'existence de ce département, il y a confirmation de la réception par le ministère du bulletin de l'Office des Emigrés Ukrainiens en France (25).
En septembre 1943, Ivan Stasiw demanda aux autorités françaises l'autorisation de créer "L'association des réfugiés ukrainiens, anciens légionnaires en France". Cette proposition fut rejetée par le département des étrangers du ministère des Affaires étrangères (26).
Il est à noter que des Ukrainiens déportés du travail en Allemagne en fuite s'adressaient souvent à l'Office des Emigrés Ukrainiens.
Les documents d'l. Stasiw font ressortir d'autres faits concernant les Ukrainiens en France. Comme on le sait, les Allemands occupaient également les îles anglo-normandes de Guernesey et Jersey, situées près des côtes normandes. Les archives de l'Office nous apprennent que les Allemands avaient envoyé sur l'île de Jersey des travailleurs ukrainiens déportés. Certains d'entre eux avaient pu s'échapper. L'Office enregistrait devant des témoins les récits de ces travailleurs forcés. Ces comptes rendus décrivent la vie effroyable de ces Ukrainiens sur l'île de Jersey.
Le premier compte-rendu dont nous disposons indique que le 30 octobre 1943 les Ukrainiens Vassyl Halaiko et Mykola Ojdybessiv, tous deux originaires de la région de Jytomyr se présentèrent à l'Office. Ils rapportèrent les faits suivants:
"A la fin de l'année 1941, les autorités allemandes d'occupation en Ukraine nous ont emmené pour travailler en Allemagne en tant que travailleurs libres, de là ils nous ont envoyé sur l'île de Jersey, où nous avons travaillé à la construction de fortifications. Dès le début nous avons eu la vie dure, nous étions insuffisamment nourris, on ne nous donnait ni vêtements, ni chaussures, nous étions maltraités et frappés. Souvent les travailleurs, et nous parmi eux, étaient obligés de chercher parmi les ordures, une pomme de terre pourrie, des épluchures de pommes de terre et autres déchets, afin d'apaiser notre faim.
"Il y a eu des cas où les chefs ont tué des travailleurs à coups de gourdins et les ont jeté à la mer. Avec le temps notre sort s'améliora en ce qui concernait la nourriture et l'attitude envers nous... " (27).
Les deux travailleurs s'étaient échappés d'un train qui les emmenait à Saint-Malo. N'ayant aucun papier, ils s'étaient présentés à l'Office des Emigrés. On dispose également sur le sort des travailleurs ukrainiens d’un autre témoignage, celui d'Ivan Meguera lui aussi originaire de la région de Jytomyr. Son témoignage est daté du 5 avril 1944:
" ... Voici des exemples du comportement inhumain des Allemands envers nous, les "Ost", comme on nous appelait*: Sur l'île de Jersey, notre colonne qui comprenait 300 personnes a travaillé durant 18 mois de 1942 à 1943. Outre des Ukrainiens, il y avait aussi des Russes** dans la colonne, des Polonais et d'autres. Les travaux de terrassement et de coulage du béton étaient très pénibles. Nous vivions dans des baraques sales, froides et avec des parasites. Le comportement envers nous, aussi bien dans les baraques qu'au travail, était incroyablement méprisant et grossier, comme avec du bétail.
"On refusait aux Ukrainiens leur nationalité, et lorsque les gardes et les chefs étaient de bonne humeur, ils affirmaient que les Ukrainiens et Russes c'est la même chose, ce sont tous des Russes. Le comportement envers les Polonais, les Français, les Espagnols et les autres qui faisaient partie de la colonne était sans comparaison meilleur. Ils n'étaient jamais frappés pour des motifs pour lesquels on frappait les Ukrainiens.
"On payait aux Ukrainiens 5 marks par mois. Les autres travailleurs étaient payés 100 -150 marks par mois pour le même travail. Aux travailleurs ukrainiens on donnait une miche de pain par jour pour quatre personnes. Aux travailleurs non ukrainiens on donnait une miche par jour pour trois personnes, complétant cela tous les deux jours par une miche de pain pour deux personnes. Nous ne recevions jamais ce complément. Aux Ukrainiens, on donnait 5 grammes de margarine et 5 grammes de saucisson par jour. Les autres recevaient beaucoup plus tous les jours.
"Les autres recevaient deux fois par jour une soupe de macaronis et de légumes, assez bonne. Aux Ukrainiens on donnait une soupe faite avec les déchets de légumes, à moitié pourris, des feuilles de choux noircies, les fanes de carottes, tout ce qu'on jetait à la cuisine. La soupe des Ukrainiens était cuite à part, dans des chaudrons différents de ceux des autres travailleurs, sans graisse ni viande.
Nous ne recevions rien d'autre que cette soupe. Les non Ukrainiens recevaient aussi de la viande, du poisson, du saucisson, des bonbons, etc ...
"Les Ukrainiens étaient obligés à travailler sans relâche, comme des machines. Quiconque s'étirait pour souffler ou bien détendait ses mains tétanisées était aussitôt frappé sur tout le corps par les gardiens allemands, avec ce qui leur tombait sous la main, les poings, un bâton, une pelle.
"Si la victime endurait les coups en silence cela s'arrêtait là, mais à la moindre protestation, les gardiens frappaient jusqu'à faire perdre connaissance à la victime, et quelquefois à mort.
"De cette manière, au cours des 18 mois, 53 Ukrainiens furent tués. Les morts étaient jetés dans le fossé le plus proche, recouverts d'un peu de terre ou de détritus et c'était tout. »
"Le chef du groupe où travaillait Meguera était un Allemand du nom d’Ellin. Bien qu'il battait les gens aussi, il ne tuait pas. Le vrai bourreau était Iup, le chef de la colonne. Lui aussi avait un groupe de 30 personnes. Dans son groupe il a frappé jusqu'à la mort 5 Ukrainiens au camp de Brinfor. Tous les autres tués le furent aussi dans ce même camp. A cinq kilomètres de Brinfor, il y avait un autre camp, "Chepki". Là-bas aussi on frappait, mais on ne tuait pas. Ces assassinats étaient connus non seulement des travailleurs de la colonne, puisque ceci se déroulait sous leurs yeux, mais aussi des fermiers voisins, en majorité Anglais, avec lesquels les Allemands se comportaient bien.
"Les travailleurs se plaignaient des coups et des meurtres au plus haut chef de la firme Klenko sur l'île. Mais celui-ci répondait qu'il ne pouvait rien faire car on était en temps de guerre. Cette firme (de construction de bâtiments et de voies ferrées) est toujours sur l'île, et deux autres firmes (de béton), Hay-Litman et West-Deutsch, qui connaissaient ces meurtres, ont maintenant quitté l'île... " (28) .
Nous avons intentionnellement cité ce long extrait de la déposition faite à l'Office, car il témoigne de l'effroyable tragédie des travailleurs ukrainiens, les "Ostarbeiter" (travailleurs de l'Est), comme on appelait ces gens déportés par les Allemands*** .
Le compte rendu parle ensuite des circonstances dans lesquelles un garde allemand a fusillé par plaisir un travailleur ukrainien nommé Stéfan, dont le corps a été abandonné près de la route.
Tout aussi intéressante est la lettre, datée du 5 juillet 1944, d'une des Ukrainiennes qui travaillaient dans un hôpital militaire allemand. Elle aussi soulignait les comportements discriminatoires envers les Ukrainiennes: "Cela fait très mal au coeur de voir qu'envers une Française le comportement est autre qu'envers nos Ukrainiennes. Ce n'est pas une nouveauté. J'ai déjà vu cette différence de comportement (envers nous) en Ukraine"(33).L'Office des Emigrés Ukrainiens en France souleva par ailleurs auprès du ministère des Affaires étrangères français la question de "l'arrestation massive des travailleurs agricoles ukrainiens" en zone nord (occupée) de la France. Le chef du département des étrangers du ministère répondit par lettre le 29 février 1944 que "... l'organisation (allemande) Todt réclamait toujours plus de travailleurs agricoles en accord avec l'institution du travail obligatoire (STO). Il n'était donc pas question d'en exempter les réfugiés d'origine ukrainienne (se trouvant en France)" (30).
Le département d'aide de l'Office avait à sa disposition certains fonds, il aidait différentes personnes, y compris des étudiants. Sur cette aide, on dispose d'un extrait de l'acte de contrôle d'activités du 13 février 1943 au 24 juin 1944, acte signé par des représentants des Eglises gréco-catholique et orthodoxe ukrainiennes. Les fonds de l'Office, selon ce document, s'élevaient à 148 968,90 francs, les dépenses à 119 081,20 francs. L'aide se réalisait sous deux formes: en nature et en argent. Différents objets furent envoyés à Lviv, à un des camps (de prisonniers sans doute), ou transmis aux malades d'un hôpital. L'aide en argent à diverses personnes atteignit la somme de 12 212,50 francs(31).
En mars 1944, Ivan Stasiw informa le département des étrangers au ministère des Affaires étrangères de son intention de créer à Paris un asile pour des personnes en difficulté. Mais du fait que cette proposition ressemblait à la création d'un véritable centre ukrainien ("Maison Ukrainienne"), le chef du département des étrangers refusa l'autorisation, déclarant qu'il n'était pas compétent dans cette affaire (32).
Comme on le voit, l'activité de l'Office des Emigrés Ukrainiens en France était très importante et surtout nécessaire. Alors pourquoi a-t-elle été ignorée après la guerre ?
Après la fin de la guerre, O. Boïkiv et ses sympathisants (membres de l’OUN de Melnyk) ont mené une campagne de propagande contre I. Stasiw, déclarant que ce dernier avait collaboré avec les Allemands en tant que président de l'Office. En fait, la principale raison de cette campagne étaient les mésententes antérieures entre O. Boïkiv et I. Stasiw, qui s'étaient aggravées sous l'occupation, lorsque I. Stasiw devint président de l'Office des Emigrés.
Dans une de ses lettres à l'auteur de cette étude, Ivan Stasiw donna les informations suivantes sur ses mésententes avec O. Boïkiw: "Lorsque la France fut occupée, remplissant les fonctions de président de l'Office des Emigrés Ukrainiens, j'eus des divergences avec Boïkiv. Je considérais que la France survivrait à l'occupation, il me semble que je vous ai déjà parlé de ces événements. Par son action politique, Boïkiv laissait entendre que les Allemands nous étaient favorables, mais moi, je comprenais que l'occupation de la France serait courte et que l'attitude de la France envers l'émigration ukrainienne correspondra à ce que nous, l'émigration, respections le droit d'asile. Tous les événements indiquaient que nous aussi nous étions occupés par les Allemands ... Boïkiv était très ambitieux et ne tolérait aucune critique, il me considérait comme son adversaire(33).
Contrarié par le fait que Boïkiv et ses collaborateurs de Oukraïkié Slovo (La Parole Ukrainienne) diffusaient des contre-vérités sur lui, I. Stasiw écrivit le 28 octobre 1948 une longue et assez rude lettre à O. Boïkiv. Dans ce courrier, entre autre, on peut lire: "A la déclaration deguerre, la situation politique nous dictait de prendre le parti des alliés et de tourner toute notre attention vers eux~Mais vous n'avez pas voulu comprendre cela et vous avez gêné ceux qui ne partageaient pas vos idées. Alors queParis allait être occupé, n'avions- nous pas décidé, tous les deux, de rejoindre les alliés ?! Je fus le seul à partir, vous attendant au lieu convenu, et vous êtes resté à Paris, pourprendre aussitôt contact avec l'occupant allemand! Je suisrevenu d'exode moralement et physiquement détruit, pourne trouver chez vous qu'ironie et moquerie ...(34).
I. Stasiw soulignait plus loin que c'est justement lui, O. Boïkiv, qui avait le premier lié des contacts avec les Allemands, qu'il les a conduits à la filiale de l'UNS à Chalette, qu'il les a renseignés sur "Choulguine, Chapoval, Borschak, Paneïko, Studdynskyi, le père Bryndzan, Kossenko, Rudytchev et autres", qu'il a négocié avec eux sur la création en France d'une légion Ukrainienne (35), et à l'automne 1940 "il a envoyé des convois entiers de nos travailleurs en Allemagne ... "(36) Et I. Stasiw d'ajouter plus loin: "De qui, sinon de vous, se sont plaint à moi les fonctionnaires officiels français.... de ce que vous collaboriez ouvertement avec l'occupant allemand, envoyant des convois de travailleurs ukrainiens vers l'Allemagne... ?(37).
Au milieu de l'année 1941, O. Boïkiv fit un voyage à Lviv. Un tel voyage sans autorisation des autorités d'occupation allemandes était impossible. Dans le livre consacré à O. Boïkiv et contenant également ses mémoires, on ne dit rien sur ce voyage à Lviv. En 1945, après la libération de la France, O. Boïkiv fut arrêté deux fois par la police française: le 28 avril et le 19 juillet 1945, il est resté une première fois 38 jours en prison, et la seconde fois trois mois. Il fut libéré le 18 octobre 1945. Toutefois, la procédure judiciaire se poursuivait. Le tribunal militaire n'arrêta cette procédure contre lui qu'en mars 1950, tandis que la décision de son expulsion de France ne fut annulée qu'en avril 1960(38).
V. Marouniak publie outre un bref mémorandum de l'avocat dans l'affaire de l'incarcération injuste d'O. Boïkiv du 29 août 1945, un autre document pour la défense d'O. Boikiv: le témoignage de Taras Boulba-Borovets du 5 mai 1948, qui dit notamment: "Moi, ancien Commandant en chef de l'Armée Insurrectionnelle Ukrainienne pendant les années 1941-1943, je témoigne du fait que monsieur Oleksandr Boïkiv, rédacteur, fut appelé en été 1941 de Paris à Lviv où il a prit part à des réunions secrètes concernant l'organisation du mouvement de résistance contre l'occupant allemand en Ukraine »(39). Cependant, on sait qu'en 1941 il n'existait aucune Armée Insurrectionnelle Ukrainienne en tant qu'armée de résistance aux Allemands. Par contre, de septembre à novembre 1941 existait la "Sitch de Poléssie", l’unité paramilitaire de T. Boulba-Borovets qui collaborait avec les Allemands(40). On sait aussi que T. Boulba-Borovets a été pour la première fois - et probablement la seule - à Lviv où il a effectivement rencontré les dirigeants de l’OUN de Melnyk en août 1941 mais à notre connaissance aucun article ou document ne mentionne la présence d'O. Boïkiv à cette rencontre.
Dans sa lettre à O. Boïkiv, I. Stasiw écrit que c'est lui, O. Boïkiv, qui avait négocié avec les Allemands la création de l'Office des Emigrés, proposant ou espérant que cette charge sera confiée à l'Union Populaire Ukrainienne (UNS). Au début, sur sa proposition, le siège de cet office se trouvait effectivement dans les locaux de l'UNS. C'est lui aussi qui avait choisi les cadres pour l'Office des Emigrés.
C’est lui aussi qui avait mené des discussions au sujet savoir qui sera le président de l'Office. Il ne souhaitait pas prendre la présidence, pensant qu'on lui proposerait un autre poste. C'est donc lui qui a présenté I. Stasiw aux Allemands à l'hôtel "Majestic".
I. Stasiw accepta le poste de président de l'Office des Emigrés sur l'incitation d'O. Boïkiv. Toutefois, toujours selon la lettre d'l. Stasiw, même lorsqu'il fut déjà le président de l'Office des Emigrés, les Allemands continuaient à s'adresser à O. Boïkiv pour toutes les affaires importantes (41).
L'Office des Emigrés fut donc autorisé par les Allemands à émettre des certificats de nationalité (et des certificats d"'origine aryenne"), ainsi que des attestations nécessaires pour obtenir une autorisation de résidence en France.
I. Stasiw dit qu'en octobre 1942 il comprit où on l'avait "fourvoyé" et voulut quitter le poste de président de l'Office des Emigrés, "mais c'était trop tard. Trop tard, car j'avais, depuis, émis beaucoup d'attestations illégales afin de sauver nos gens. Je savais qui si je me retirais je ne serais pas seul, moi et ma famille, à en souffrir, mais aussi des centaines de gens qui avaient été envoyés en Allemagne, et à l'occasion d'une permission n'avaient pas voulu y retourner et qu'il fallait aider.
"Je savais qu'en souffriraient des centaines de nos réfugiés d'Ukraine que, grâce à l'aide des Français, je cachais illégalement, je savais qu'en souffriraient ces Juifs à qui j'avais fourni des attestations des "origines aryennes" (42)
"Je savais tout cela, et c'est pour cela que je suis resté à mon poste, afin d'aider et sauver tous ceux qui attendaient de l'aide d'un des leurs ... " Ce travail, comme il le dit lui même, "était compris de tous (Sozontiv, Chapoval, Borschak) sauf par vous, car vous m'aviez placé à ce poste afin de m'enliser et pour justifier ainsi vos erreurs personnelles et politiques" (43).
Dans le livre sur O. Boïkiv, la question de la création de l'Office des Emigrés est présentée différemment: "Dans les années 1941-1944 d'autres problèmes surgirent devant l'UNS (l'Union populaire ukrainienne), moins grands par leur ampleur, mais plus risqués par leur sens. L'un d'eux fut la création de l'Office des Emigrés Ukrainiens à Paris dans sa conception allemande et sa réalisation pratique en tant qu'intermédiaire entre la communauté ukrainienne et les autorités allemandes ... Avant la création de cet office il y eut accord entre l'éventuel dirigeant de l'Office et les dirigeants de l'UNS sur le fait que l’Office agirait en collaboration étroite avec le secteur communautaire ukrainien. Cependant, comme il arrive souvent en pareil cas, l'ambition humaine de personnes occupant une position semi-gouvernementale, ignore le facteur social et communautaire, ce qui conduit à de lourds conflits. Il en fut ainsi à Paris, ce qui compliqua davantage les relations internes ukrainiennes avec beaucoup de dommages pour la communauté, et d'avantages pour l'autorité allemande d'occupation. L'Office mena une campagne contre l'UNS, et au début de juillet 1943, la Gestapo interdit toute activité à l'Union Populaire Ukrainienne "(44).
De ce qu'il est dit plus haut, on peut comprendre qu'l. Stasiw en tant que président de l'Office des Emigrés Ukrainiens avait décidé d'agir seul, prenant toute la responsabilité sur lui, ce qui fut la cause du conflit entre les deux personnalités, conflit qui se poursuivit après la guerre. Sur ce sujet, I. Stasiw dans sa lettre, déjà citée, à O. Boïkiv écrivait: "Vous avez été et êtes toujours conduit uniquement par votre seule ambition illimitée, votre manie de la grandeur, votre attirance pour le despotisme !... " (45).
Dans les documents dont nous disposons nous n'avons trouvé aucune trace des activités d'I. Stasiw dirigées contre l'Union Populaire Ukrainienne (UNS), ou contre O. Boïkiv personnellement, durant les années 1942-1944.
O. Boïkiv était le principal dirigeant et le représentant de l'Organisation des nationalistes ukrainiens (OUN) en France. Mais depuis la scission de l'OUN survenue le 10 février 1940, il existait deux organisations portant le même nom, l'une était dirigeée par Stepan Bandera, ancien chef de l'Exécutif de l'Ukraine occidentale qui, soutenu par les dirigeants du réseau en Ukraine soviétique ou récemment arrivés de ce territoire à Cracovie occupée, est devenu une figure-clé du mouvement nationaliste révolutionnaire,- et l'auyre était dirigée par Andri Melnyk qui présidait la Direction des nationalistes ukrainiens (OUN). Cette scission du mouvement en deux organisations distinctes n'a pas touché la France, de sorte que O. Boïkiv et l'OUN en France reconnaissaient toujours comme dirigeant Andri Melnyk.
L'OUN de Bandera fut combattue par les Allemands dès le début de l'occupation de l'Ukraine. Ce mouvement avait surpris les Allemands en proclamant, le 30 juin 1941, la restauration d'un Etat ukrainien indépendant, contrariant ainsi les plans secrets allemands à l'égard des territoires ukrainiens. S. Bandera fut arrêté à Cracovie et déporté à Berlin le 5 juin 1941. D'autres arrestations de bandéristes**** suivirent. Elles furent particulièrement nombreuses le 15 septembre 1941, tant en Ukraine que dans les autres territoires occupés, en Allemagne, en Autriche, etc. En novembre 1941, ayant appris que le mouvement de Bandera était en train de préparer un soulèvement de la population, les Allemands émirent l'ordre d'arrêter ei d'exécuter sans jugement tous les membres connus ou démasqués de l'OUN de Bandera. Le texte de cet ordre se trouve parmi les pièces d'accusation du procès des criminels nazis à Nuremberg(46).
A partir de janvier 1942, ceux des membres de l’OUN de Melnyk qui s'occupaient éventuellement des activités clandestines, furent également arrêtés. Quant aux membres de la direction de cette organisation, ils furent arrêtés principalement en janvier-février 1944. A. Melnyk a été arrêté le 28 février 1944 à Berlin, où il séjournait légalement. A cette époque O. Boïkiv se trouvait à Berlin. Arrêté avec les autres dirigeants melnykistes, il resta en prison à Berlin jusqu'en octobre 1944. Après la fin de la guerre il revint à Paris où il fut arrêté à deux reprises, comme on l'a vu précédemment.
Quant à I. Stasiw, il dit lui-même qu'il a été arrêté deux fois non par la sécurité française mais "par les communistes ukrainiens (Keissa et les autres) " (47), qui à l'époque, avec les communistes français, tenaient le haut du pavé. Ils disaient qu'ils allaient l'emmener à Moscou pour le juger. A cette époque, on lui confisqua une grande partie de ses archives. Mais les autorités françaises le firent aussitôt libérer. Elles ne voyaient pas de motif pour l'incarcérer, particulièrement lorsqu'il s'avera qu'l. Stasiw informait régulièrement de l'activité de l'Office des Emigrés le chef du département des étrangers au ministère des affaires étrangères, l'ambassadeur Abel Verdier, qui était un membre éminent de la Résistance, et dont il exécutait souvent les ordres (48).
Une correspondance de 1943 explique parfaitement l'atmosphère dans laquelle vivait la communauté ukrainienne en France. En juillet 1943, l'Office des Emigrés Ukrainiens reçut une lettre d'un Ukrainien de province, lettre de plaintes et de critiques. La réponse d’I. Stasiw mérite d'être citée:
"De même que vous, nous souffrons du malheur que vit notre Pays, nous voyons cette injustice, ces souffrances de notre peuple, nous voyons et nous comprenons que ceux qui arrivent en Ukraine, y vont par intérêt particulier, car l'Ukraine attire tout le monde par ses richesses, celui qui y va désire la terre ukrainienne et non pas aider le peuple ukrainien. Nous ne devons compter ni espérer sur aucune aide étrangère mais croire seulement en nos propres forces, et notre libération viendra lorsque le peuple ukrainien sera assez fort pour être maître chez lui et chasser tous les envahisseurs. ( ... )
En parlant toujours de l'Ukraine, la lettre poursuit: "...Notre libération viendra, et tout le monde le reconnaît si nous travaillerons dans l'unité. Nous devrons avaler encore plus d'une coupe amère. Nous savons que nous avons des ennemis nombreux et puissants, mais cela ne doit pas nous effrayer.
"L'Office sait tout cela. Il n'a pour souci que les intérêts nationaux, et nous ne croyons qu'en nos propres forces, nos propres acquis. Nous savons que personne ne nous aidera, et c'est pour cela que nous faisons tout pour améliorer notre situation. Peut être aurez-vous l'occasion de venir à Paris et de rendre visite à l'Office, alors nous vous montrerons des documents prouvant que nous avons fait tout ce qui nous était possible. Nous avons utilisé toutes les possibilités, mais il y avait et il y a beaucoup d'obstacles.
"Nous savons que nous sommes responsables devant nos gens (compatriotes), que nous existons pour protéger
nos affaires nationales, mais nous attendons aussi de notre communauté de la compréhension, de la critique objective et du travail créatif, et non pas seulement des réclamations et des plaintes infondées. Car c'est une chose de critiquer en se tenant à l'écart, sans connaître la situation, c'en est une autre de faire un travail responsable dans le contexte actuel.
"Vous nous écrivez que nos gens ne veulent même plus parler ukrainien, et ce sont ceux qui ne risquent rien. Donc, comprenez combien il est difficile de travailler alors que nous nous renions nous mêmes. Nous ressentons cruellement cette tragédie.
"Par les pleurs nous n'obtiendrons rien, mais uniquement par le travail, la ténacité et la foi dans notre victoire finale. Chacun de nous, qu'il soit travailleur physique ou intellectuel, doit défendre nos intérêts, ne pas chercher la faute chez les autres, mais chez soi-même, se demander avant tout à soimême: qu'ai-je réalisé, moi ? Chercher une issue à la situation difficile, par le raisonnement et non par les sentiments et les insinuations mal intentionnées de nos ennemis qui souhaitent que nous nous disputions et nous désunions. La voix du travailleur ukrainien nous importe toujours, nous sommes aussi des fils de notre Patrie, nés sous un toit paysan et nourris de pain noir ...
"Vous écrivez que nos gens ont perdu confiance. Pour nous cela n'est pas nouveau. C'est parce que bien vite et souvent sans raison nous perdons confiance en nos propres forces que nous sommes aujourd'hui un peuple captif, mais, par chance, il y en a parmi nous qui ont affronté la mort dans la lutte contre l'ennemi, bien que sachant qu'ils ne le vaincraient pas, mais simplement pour sauvegarder la dignité nationale par leur sacrifice. Il en a été ainsi à Krouty*****, à Bazar****** et en Ukraine carpatique. Personne,autant que nous ne souffre de toutes nos misères nationales.
"Nous, malheureusement, nous voyons et entendons plus que vous là où vous êtes, et pour cela nous le ressentons plus, mais nous ne désespérons pas. Nous, à l'Office, nous sommes conscients d'être exposés à la critique de tout un chacun, àdes accusations infondées d'actes que nous n'avons pas commis, ni même entendu parler ...
"Dans votre région, il y a beaucoup de gens d'origine ukrainienne. Mais combien sont organisés et sont soustraits à une influence étrangère ? A qui en est la faute ? Pas à ceux qui sont à Paris, mais à ceux qui résident près d'eux, qui les côtoient chaque jour ...
"Vous écrivez qu'au lieu simplement d'inciter il faut ordonner, mais y en a-t-il beaucoup chez vous qui exécuteraient des ordres ukrainiens ?
"Nous avons un lourd devoir à accomplir, nous, à l'Office, nous nous sommes consacrés entièrement à la défense des intérêts nationaux et sociaux, nous avons accepté ce poste non pas pour des avantages matériels ou autres, mais pour le bien ukrainien en général. Chacun de nous expose sa personne, sa famille, à des coups inconnus et peut être cruels, à des persécutions. Cela ne nous a pas effrayé, car nous sommes conscients que nous servons le peuple ukrainien. Mais que ceux qui sont dispensés de ces soucis, qui restent bien au chaud chez eux, ne s'en prennent pas à leurs représentants. Nous ne craignons pas la critique, mais qu'elle soit constructive, dirigée vers l'amélioration et pas vers la destruction.
"Nous ne répondons pas à tous par une aussi longue lettre, comme nous l'avons fait pour vous, car nous travaillons pour des milliers de nos émigrés, et ne pouvons donner à tous une telle réponse... Nous sommes toujours prêts à-échanger des idées, car nous voulons être l'expression exacte des idées et de l'attitude de notre communauté.
"Recevez nos sincères salutations ukrainiennes. Vive l'Ukraine !
Le dirigeant de l'Office des Emigrés. I. Stasiw. "(49)
Il n'y a certainement pas beaucoup de personnalités ukrainiennes en France qui aient exprimé aussi ouvertement leurs convictions, condamnant les visées des pays étrangers sur la terre ukrainienne et appelant les Ukrainiens à ne compter que sur leurs propres forces.
La lettre citée complète nos connaissances sur l'émigration ukrainienne en France pendant l'occupation. Même si les documents dont nous disposons ne sont pas nombreux, ils aident néanmoins à saisir les conditions dans lesquelles vivait cette émigration sous l'occupation allemande.
© 1999 Wolodymyr KOSYK
Paris 20 février-2 mars 1999En 1939, avant la Seconde guerre mondiale, il y avait en France plus de 40 000 Ukrainiens. Outre un nombre relativement peu important d'anciens soldats de l'armée nationale et de personnalités de la République Démocratique Ukrainienne (UNR), la majorité était composée d'émigrés économiques venus d'Ukraine occidentale, plus exactement de Galicie, dans le but de gagner un peu d'argent et revenir au pays pour acheter un lopin de terre et y vivre mieux.
La vie sociale des Ukrainiens en France se concentrait autour de plusieurs organisations communautaires. Les émigrés de l'Est de l'Ukraine se regroupaient en majorité dans la Hromada Ukrainienne (Communauté Ukrainienne), dont faisaient partie quelques émigrés de l'Ouest de l'Ukraine, ainsi que dans l'Association des anciens combattants de l'armée de l'UNR. Depuis 1926 il existait également une Union des associations ukrainiennes émigrées en France. Par ailleurs, l'Association des anciens combattants de l'armée de l'UNR a créé en 1929 un centre culturel et scientifique très important: la Bibliothèque S. Petlura.
Les Ukrainiens d'Ukraine occidentale (mais aussi souvent d'Ukraine orientale) faisaient partie de l'Union Populaire Ukrainienne (UNS), créée en 1932. Il est à remarquer que parmi les fondateurs de l'UNS, il y avait surtout des membres des filiales de la Hromada Ukrainienne en France, particulièrement de la filiale de la petite ville d'Homécourt (Meurthe et Moselle), dont le président était P. Zavarnytskyi. L'assemblée fondatrice de l'UNS était présidée, entre autres, par P. Zavarnytskyi (d'Ukraine orientale) et L. Kysylytsia (de Bukovine)(1). A la veille de la guerre, l'UNS, qui avait près de 5000 membres en 1939, était entièrement contrôlée par les membres de l'Organisation des Nationalistes Ukrainiens (OUN). L'UNS ne faisait pas partie de l'Union des associations ukrainiennes émigrées.
En 1939 à Paris paraissaient deux grands hebdomadaires: Oukraïnské Slovo ("La Parole Ukrainienne"), organe officieux de l'Organisation des Nationalistes Ukrainiens (OUN), et Tryzoub ("Le Trident"), fondé par Symon Petlura, dont la publication fut assurée par le milieux de l'UNR. Paraissait aussi en langue française un bulletin hebdomadaire du Service d'informations ukrainiennes(2).
En France, pratiquement personne ne comprenait la question ukrainienne à la veille de la guerre. Elle était d'ailleurs impopulaire. La courte existence de l'Ukraine Carpatique autonome au sein de la Tchéco-Slovaquie (octobre 1938-mars 1939) fut utilisée dans la politique européenne pour affirmer que c'était Hitler qui était à l'origine de cette affaire et qu'il s'efforçait tout simplement de créer un Etat ukrainien pour l'utiliser contre les intérêts de la Pologne et de l'Union Soviétique.
Maurice Schuman, grand journaliste et plus tard homme politique gaulliste important, s'exprima très négativement sur la question ukrainienne. Dans l'Encyclopédie Ukrainienne (Tome 9, p. 3535) A. Joukovsky écrit qu'il "mettait en garde les Ukrainiens contre le danger allemand". En réalité, il mettait en garde l'Europe contre le danger ukrainien. Il considérait que la création d'une Ukraine indépendante ou autonome, même de taille réduite comme l'Ukraine Carpatique, aux frontières mêmes de la Galicie, serait une menace pour l'unité de la Pologne. Par conséquent il estimait que "la seule façon d'éviter que le drapeau de l'indépendance ukrainienne ne flotte sur la nouvelle Europe... était.. soit de partager l'Ukraine Carpatique entre la Pologne et la Hongrie, soit de la rattacher purement et simplement à la Hongrie »(3). Comme on le sait, Hitler attribua l'Ukraine Carpatique à la Hongrie.
La presse française dans son ensemble était favorable à la Pologne et à l'Union Soviétique, et non à l'Ukraine. La parution du livre de J. Benoist-Méchin sur l'Ukraine(4) en 1941, en pleine occupation, n'était pas à même de pouvoir changer quelque chose aux options politiques des Français.
Il faut cependant souligner que les Ukrainiens de France s'efforçaient d'informer les cercles politiques français sur la cause ukrainienne. Les personnalités politiques de l'UNR furent très actives dans ce domaine, comme en témoignent les rapports publiés dans le "Trident". De même, les cercles de l'OUN menaient une large activité d'information.
Dans la période d'avant la guerre, la vie religieuse s'était organisée progressivement aussi bien parmi les émigrés orthodoxes d'Ukraine centrale et orientale que parmi les gréco-catholiques (catholiques de rite byzantin) de Galicie. Du fait du nombre important de gréco-catholiques, grâce au soutien du cardinal E. Tisserant, secrétaire de la Congrégation pour les Eglises orientales au Vatican, une Mission pour les Ukrainiens fut créée à Paris, à la tête de laquelle fut placé le père J. Perridon, son adjoint était le père Ivan Leskowycz. En 1942, cette Mission a obtenu l'attribution à ses besoins de l'ancienne chapelle de la Charité, située dans le centre prestigieux de la capitale, à l'angle du boulevard Saint-Germain et de la rue des Saints Pères (la chapelle appartenait à l'Université de Paris qui accepta volontiers de la remettre à l'Eglise ukrainienne). Depuis, dans cet édifice se trouvent l'église ou plus exactement la cathédrale ukrainienne gréco-catholique Saint-Volodymyr le Grand et le siège de l'Exarchat apostolique ukrainien.
En envahissant la Pologne le 1er septembre 1939, l'Allemagne national-socialiste déclencha la Seconde guerre mondiale. Dans les milieux politiques ukrainiens en France deux camps se constituèrent immédiatement: le camp des partisans de l'UNR (l'Union des organisations ukrainiennes émigrées en France et l'Association des anciens combattants de l'UNR en France), et le camp des nationalistes. Les membres du premier camp étaient généralement qualifiés par les autres Ukrainiens de "polonophiles" en raison du fait que le groupe de l'UNR était plus ou moins financé et soutenu par la Pologne (S. Petlura, chef de l'Etat et des armées de l'UNR, était l'allié de la Pologne). Ce camp se déclara aussitôt aux côtés de l'Angleterre, de la France et de la Pologne. Le journal "Tryzoub" écrivait: "Notre posi tion dans cette grande guerre a été déjà clairement exprimée dans le dernier numéro paru le jour même du début des hostilités: Nous sommes aux côtés de ‘lAngleterre, de la France et de la Pologne"(5).
Le camp des nationalistes ne pouvait se joindre à cette position, l'OUN étant en lutte ouverte contre la Pologne, contre l'occupation polonaise des territoires de l'Ukraine occidentale. Mais l’OUN n'était pas pour autant favorable aux Allemands. Après l'affaire de l'Ukraine Carpatique attribuée par Hitler à la Hongrie, mais qui le même jour (le 14 mars 1939) avait proclamé son indépendance contre la volonté de Berlin, l’OUN critiquait avec insistance la politique hitlérienne de l'Allemagne. Dans la nouvelle situation internationale, l’OUN ne pouvait cependant soutenir ni la Pologne, ni l'URSS, deux pays qui occupaient la plus grande partie du territoire de l'Ukraine.
Toutefois les journaux nationalistes ukrainiens qui paraissaient sur le continent américain pouvaient exprimer librement leur position. Ils prirent aussitôt parti pour les alliés occidentaux. Toutefois après que les Allemands aient permis à Moscou d'occuper les territoires occidentaux ukrainiens (le protocole secret du traité Ribbentrop-Molotov du 23 août 1939 n'était pas connu) "La Parole ukrainienne" de Paris s'éleva vigoureusement contre la politique allemande à l'Est.
Les articles violemment anti-hitlériens de "La Parole ukrainienne", notamment ceux du 24 septembre, du 8 octobre, du 29 octobre, du 5 novembre, du 22 novembre 1939 et du 4 février 1940, furent traduits en allemand par le département des affaires étrangères du parti national socialiste allemand (APA) à Berlin . Ce département du parti nazi, au nom de ce parti, mettait constamment en garde les différentes instances du gouvernement allemand contre l'Organisation des Nationalistes Ukrainiens.
Au début de la guerre, l'ambassade de Pologne à Paris proclarna le recensement des citoyens polonais en France afin de les mobiliser dans l'armée polonaise. Les Ukrainiens de Galicie étaient citoyens de Pologne et soumis à la mobilisation. La direction de l'UNS appela les Ukrainiens à s'engager dans la Légion étrangère française plutôt que d'être mobilisés de force dans l'armée polonaise. Près de 6000 Ukrainiens s'engagèrent ainsi dans la Légion étrangère(7). Ce fait est mal connu et pratiquement peu étudié.
Les Allemands s'emparèrent rapidement de Varsovie, l'Etat polonais s'effondra et, dans la seconde moitié de septembre, l'Armée rouge envahit les territoires de l'Ukraine occidentale, conformément à l'accord secret passé entre Berlin et Moscou.
A l'époque se trouvaient à Varsovie le président de l'UNR en exil Andriï Livytskyi et le Centre gouvernemental. Après l'occupation de Varsovie par les troupes allemandes, le centre du gouvernement de FUNR cessa d'exister. L'hebdomadaire Tryzoub du 31 décembre 1939 publia un communiqué du bureau de presse ukrainien annonçant qu'Andriï Livytskyi étant "dans l'impossibilité d'assurer ses fonctions", conformément à la loi et à un accord passé antérieurement, la fonction de président de FUNR en exil passait à Paris. Viatcheslav Prokopovytch devenait donc le président de FUNR en exil, et Alexandre Choulguine (0. Choulhyne) fut nommé président du Conseil des ministres(8).
La propagande invitant les Ukrainiens à s'engager dans la Légion étrangère se poursuivait. De ce fait, le département étranger du parti national-sôcialiste allemand remarquait que dans la "Parole ukrainienne" du 24 mars 1940 (n°350) "le représentant de l'OUN à Paris, 0. Boïkiv" poursuivait une forte propagande en faveur de la Légion(9).
Les Allemands attaquèrent la France le 10 mai 1940 et le 14 juin ils occupèrent Paris. Avec l'occupation, toutes les organisations ukrainiennes émigrées en France cessèrent d'exister(10). La bibliothèque S. Petlura fut confisquée dans son intégralité par les Allemands et les fonds emmenés en Allemagne en un lieu inconnu. Après la guerre, les autorités allemandes furent incapables de trouver la trace des fonds de la Bibliothèque. Ce n'est qu'aujourd'hui que l'on apprend que les fonds de la Bibliothèque, déposés par les nazis en Allemagne orientale, sont tombés entre les mains de l'Armée rouge et ont été évacués à Moscou et partiellement à Kyïv(11).
Les deux hebdomadaires ukrainiens ainsi que le bulletin hebdomadaire ont cessé de paraître. A. Choulguine, homme politique ukrainien bien en vue, ancien ministre de l'Ukraine indépendante, fut arrêté par les Allemands. Il ne sera libéré qu'en 1941. Le centre gouvernemental de l'UNR de Paris devint également inactif(12) .
D'après les témoignages des Ukrainiens engagés dans la Légion étrangère, il ressort que relativement peu d'entre eux ont été au front, certains furent démobilisés avant l'arrivée des Allemands, tandis que les autres se retrouvèrent dans des camps de prisonniers de guerre d'où ils furent peu à peu libérés. Le département étranger du parti nazi à Berlin reçut un long rapport de 0. Boïkiv sur la participation des Ukrainiens dans la Légion étrangère (daté du 8 septembre 1940, donc déjà sous l'occupation) (13).
On ne trouve pratiquement rien dans les ouvrages ukrainiens sur les années de l'occupation. Nous pouvons néanmoins reconstituer partiellement la situation en consultant les archives (probablement partielles) et la correspondance de l'un des organisateurs de l'Union Populaire Ukrainienne (UNS), Ivan Stasiw. Bien que l'article sur l'Union Populaire Ukrainienne de l'Encyclopédie Ukrainienne, ne mentionne pas son nom, le fait est qu'il fut l'un des dirigeants de cette association. Dans son livre sur 0. Boïkiv, V. Marouniak confirme d'ailleurs que Ivan Stasiw était l'un des proches collaborateurs d'O. Boïkiv, président de l'association(14).
Qui était Ivan Stasiw? Ancien attaché diplomatique puis secrétaire de la mission diplomatique ukrainienne à Budapest, il arriva en France en 1924. Avant la guerre de 1939, il était, à côté d'O. Boïkiv, membre du bureau dirigeant de l'Union Populaire Ukrainienne (UNS). Sous l'occupation allemande, il devint président de l'Office des Emigrés Ukrainiens en France, autorisé par les Allemands.
On ne sait pas exactement quand les Allemands autorisèrent la création de cette institution ukrainienne sous l'occupation. Dans l'Encyclopédie Ukrainienne il y a deux dates: on parle de 1941 (Tome 8, p. 3035), et de 1942 (Tome 9, p. 3537). Dans cette Encyclopédie, on ne trouve d'ailleurs rien sur "L'Office des Emigrés Ukrainiens en France" (pourtant le tome 9 est paru en 1980, c'est-à-dire à l'époque où I. Stasiw était encore vivant).
Au début des années 1980, Ivan Stasiw, alors âgé de plus de 80 ans, prit contact avec l'auteur du présent article. Il était déjà malade, presque paralysé, ne pouvant écrire à la machine qu'avec un doigt de la main gauche, ou dictant ses lettres en français à son épouse, qui s'occupait admirablement de lui (catholique de rite romain, une vraie patriote ukrainienne) ou à une secrétaire française. Il ressentait douloureusement le fait que l'activité de l'Office des Emigrés Ukrainiens en France soit passée sous silence, ou bien qu'on en dise des contre-vérités. Par la suite, lors de nos rencontres chez lui, il transmit à l'auteur de ces lignes des photocopies d'une partie de ses archives qu'il avait pu sauver en 1944. Ces archives témoignent que l'Office qu'il dirigeait avait vraiment eu une activité remarquable et souvent d'une grande importance pour la communauté ukrainienne.
D'après les informations de I. Stasiw, l'Office des Emigrés Ukrainiens en France fut déclaré officiellement aux autorités françaises et son enregistrement fut publié dans le "Journal officiel" de l'Etat français. D'après le témoignage d'A. Choulguine du 12 février 1949, l'Office fut créé après sa libération de prison, c'est-à-dire en 1941(15) . Ivan Stasiw soulignait que l'Office obtint le droit d'établir des "certificats de nationalité et autres documents nécessaires aux émigrés". Le secrétaire de l'Office était K. Michenko. L'Office était une institution purement ukrainienne, mais autorisée par les Allemands. Voici ce qu'il écrivait à propos de l'activité de l'Office:
"Nous organisions les fêtes nationales ukrainiennes, la fête de T. Chevtchenko, le Noël pour les enfants, une colonie de vacances ... l’Office aidait les étudiants, il y avait une aide médicale associée à l’Office et dirigée par le docteur Choulguine, épouse de notre célèbre personnalité A. Choulguine, une aide juridique dirigée par l'avocat Sotchivko, un secteur féminin avec Mmes Verjbytska, Solonar et d'autres; ce département visitait nos malades dans les hôpitaux, apportait des aides en nourriture, et surtout une aide morale. Je recevais des appels de nos femmes intellectuelles que les Allemands avaient réquisitionnées pour travailler dans des hôpitaux militaires allemands. Souvent à l'Office venaient des jeunes Ukrainiens d'Ukraine centrale que les Allemands avaient pris pour travailler, et qui s'étaient enfuis. Nous enregistrions à l'Office les mauvais traitements infligés aux Ukrainiens par les Allemands, nous leurs établissions des papiers d'identité et leur payions l'hôtel. J'ai dans mes archives certains des programmes des fêtes, des lettres de nos femmes ...
"Nous prenions contact avec nos prisonniers se trouvant en France, nous les aidions dans les limites de nos possibilités. Nous cachions nos réfugiés, ceux qui ne voulaient pas retourner travailler pour les Allemands. Je m'adressais à l'Eglise catholique, à l'Eglise orthodoxe, à l'Association des anciens combattants en leur demandant d'effectuer un contrôle des activités de l’Office car je considérais que j'étais responsable devant la société ukrainienne de cette activité. J'ai le compte rendu d'un de ces contrôles. Il y avait auprès de l’Office un département d'aide géré par MM. Labouchniak et Dovjenko.
"L'ancien ambassadeur russe, Maklakov, m'envoyait souvent des gens pour que je les aide, car il n'avait pas confiance dans le dirigeant de l'Office des Emigrés Russes.
"J'ai envoyé des rapports sur mon activité dans l'Office aux fonctionnaires gouvernementaux français, particulièrement au chef de la Résistance au ministère des Affaires étrangères, A. Verdier. J'ai la confirmation de la réception de mes rapports et reconnaissance du bien fondé de nos activités.
"J'ai fait des démarches pour faire reconnaître officiellement l'émigration ukrainienne par le gouvernement français. J'ai la correspondance officielle (à ce sujet), les lettres des ministères et de la police.
"J'ai essayé d'organiser une maison de retraite pour les Ukrainiens ...
"... Les Allemands ont voulu m'emmener avec eux en Allemagne. Afin de ne pas tomber entre leurs mains je me suis caché chez des amis, chez la famille Leroux qui était propriétaire d'un hôtel rue Bergère" (16).
Les photocopies de documents officiels sur l'activité de l'Office permettent de suivre les efforts de I. Stasiw en vue de la reconnaissance par les autorités françaises de la nationalité ukrainienne pour les Ukrainiens résidant en France. Dans une lettre au préfet de police de Paris, datée du 7 janvier 1943, I. Stasiw écrivait que lors du renouvellement des papiers, on refusait aux Ukrainiens d'indiquer leur nationalité, mettant à la place "russe", "polonais" ou une autre nationalité. Il rappelait au préfet qu'en accord avec la circulaire du ministère de l'intérieur n° 289 du 29 avril 1942, la police devait indiquer dans les documents la vraie nationalité des Ukrainiens. Il poursuivait dans sa lettre au préfet:
"La non- reconnaissance de cette nationalité est blessante pour les ressortissants d'Ukraine. Sous cette nationalité, des milliers d'Ukrainiens se sont engagés dans l'Armée française, beaucoup sont tombés au champ d'honneur, d'autres sont prisonniers. Ils sont partis avec la foi que la France respecterait leur dignité nationale.
"Je suis certain que vous comprendrez et admettrez le droit à la vie d'un peuple de 45 millions d'habitants. Les Ukrainiens qui, pendant l'occupation de leur territoire, ont dû émigrer et séjournent en France, ont toujours été loyaux envers elle et reconnaissants pour son hospitalité, ainsi que pour la possibilité qui leur était donnée d'un développement culturel...
La lettre informait aussi que la Préfecture de Police ne reconnaissait pas toujours la nationalité ukrainienne attribuée par l'Office. I. Stasiw demandait de régler cette affaire. N'ayant pas de réponse I. Stasiw obtint d'être reçu à la préfecture, le 19 janvier 1943, par le sous-directeur pour les étrangers. Les efforts d'I. Stasiw se poursuivaient auprès de la police et du chef de l'Etat à Vichy. Enfin le 21 mai 1943 il reçut une lettre du secrétariat particulier du chef de l'Etat français, dans laquelle il était dit que les départements des affaires intérieures et extérieures se sont mis d'accord pour que dans les papiers des Ukrainiens originaires de Pologne, s'ils sont en possession d'une attestation du secteur de garantie des intérêts des apatrides et réfugiés (du ministère des Affaires Etrangères) ainsi que de l'Office des Emigrés Ukrainiens en France, on indique leur "origine ukrainienne" (17)
Les certificats de nationalité délivrés par l'Office des Emigrés Ukrainiens en France eurent force de loi auprès des organismes de police pour l'établissement des papiers pour les émigrés ukrainiens. Mais cette question ne se résolvait pas si facilement, car encore en juillet 1943, I. Stasiw écrivait au chef du département des étrangers du ministère des Affaires étrangères, que certaines autorités françaises continuaient à ignorer le droit des Ukrainiens d'avoir la mention de leur origine ukrainienne dans leurs pièces d'identité(18). La difficulté venait de ce que la décision d'avril 1943 sur "l'origine ukrainienne" des émigrés avait été prise par consensus entre les deux ministères et avec l'accord du chef de gouvernement et non par décret auquel l'Office aurait pu se référer (19).
Les autorités françaises consentaient à marquer l'origine ukrainienne pour les Ukrainiens ayant des passeports polonais, tandis que les anciens combattants de l'armée nationale ukrainienne et les personnalités de l'UNR avaient en majorité des passeports d'apatrides (dits passeports Nansen). Par ailleurs, la délivrance des certificats de nationalité pour les Ukrainiens ne concernait que la zone nord (occupée) de la France, en zone sud (libre) ces certificats ne pouvaient être délivrés que par le secteur des apatrides et des étrangers du ministère des Affaires étrangères (20).
Ivan Stasiw fit des démarches pour que le statut d'apatrides fut étendu à tous les Ukrainiens. La proposition fut rejetée. Le statut d'apatride ne pouvait être obtenu que par des Ukrainiens arrivés en France avant le 1er janvier 1933. Les personnes venues plus tard ne pouvaient obtenir ce statut que dans des cas particuliers sur décision du secrétariat d'Etat du ministère des Affaires Etrangères (21).
Mais le président de l'Office des Emigrés Ukrainiens s'efforçait d'obtenir que la date permettant d'acquérir le statut d'apatride soit le 21 juin 1941, c'est-à-dire la veille de l'agression, de l'Allemagne hitlérienne contre l'Union soviétique. Le département des étrangers auprès du ministère des Affaires étrangères n'accepta pas cette proposition (22).
Les documents dont nous disposons indiquent que la question du statut des apatrides, ou plus exactement le statut de "réfugié ukrainien", a progressé quelque peu, puisque dans la lettre du chef du département des étrangers auprès du ministère des Affaires étrangères, datée du 13 avril 1944, on peut lire: "Le ministère de l'intérieur est d'ores et déjà disposé à examiner avec bienveillance, en accord avec mon Département, toutes les demandes de reconnaissance de la qualité de réfugié ukrainien qui lui seront présentées. Jusqu'ici presque aucune démarche en ce sens n'a été tentée, pas même par l'élite de l'émigration ukrainienne. La procédure est cependant très simple lorsqu'il s'agit d'ex-réfugiés russes désireux de changer de catégorie, ce qui doit être le cas le plus fréquent... "(23).
Ce texte donne l'impression que certains des Ukrainiens possédant des papiers de "réfugié russe" n'étaient pas pressés de devenir des "réfugiés ukrainiens".
Durant les années 1943 et 1944, I. Stasiw fit des rapports sur l'activité de l'Office qu'il faisait parvenir au ministère des Affaires étrangères (département des étrangers), de même qu'à deux délégations régionales du département des apatrides (à Paris et à Marseille (24).
En février 1943, un département juridique fut créé à l'Office des Emigrés Ukrainiens, ce dont fut informé le ministère des Affaires étrangères. Dans la réponse du ministère, outre l'accord sur l'existence de ce département, il y a confirmation de la réception par le ministère du bulletin de l'Office des Emigrés Ukrainiens en France (25).
En septembre 1943, Ivan Stasiw demanda aux autorités françaises l'autorisation de créer "L'association des réfugiés ukrainiens, anciens légionnaires en France". Cette proposition fut rejetée par le département des étrangers du ministère des Affaires étrangères (26).
Il est à noter que des Ukrainiens déportés du travail en Allemagne en fuite s'adressaient souvent à l'Office des Emigrés Ukrainiens.
Les documents d'l. Stasiw font ressortir d'autres faits concernant les Ukrainiens en France. Comme on le sait, les Allemands occupaient également les îles anglo-normandes de Guernesey et Jersey, situées près des côtes normandes. Les archives de l'Office nous apprennent que les Allemands avaient envoyé sur l'île de Jersey des travailleurs ukrainiens déportés. Certains d'entre eux avaient pu s'échapper. L'Office enregistrait devant des témoins les récits de ces travailleurs forcés. Ces comptes rendus décrivent la vie effroyable de ces Ukrainiens sur l'île de Jersey.
Le premier compte-rendu dont nous disposons indique que le 30 octobre 1943 les Ukrainiens Vassyl Halaiko et Mykola Ojdybessiv, tous deux originaires de la région de Jytomyr se présentèrent à l'Office. Ils rapportèrent les faits suivants:
"A la fin de l'année 1941, les autorités allemandes d'occupation en Ukraine nous ont emmené pour travailler en Allemagne en tant que travailleurs libres, de là ils nous ont envoyé sur l'île de Jersey, où nous avons travaillé à la construction de fortifications. Dès le début nous avons eu la vie dure, nous étions insuffisamment nourris, on ne nous donnait ni vêtements, ni chaussures, nous étions maltraités et frappés. Souvent les travailleurs, et nous parmi eux, étaient obligés de chercher parmi les ordures, une pomme de terre pourrie, des épluchures de pommes de terre et autres déchets, afin d'apaiser notre faim.
"Il y a eu des cas où les chefs ont tué des travailleurs à coups de gourdins et les ont jeté à la mer. Avec le temps notre sort s'améliora en ce qui concernait la nourriture et l'attitude envers nous... " (27).
Les deux travailleurs s'étaient échappés d'un train qui les emmenait à Saint-Malo. N'ayant aucun papier, ils s'étaient présentés à l'Office des Emigrés. On dispose également sur le sort des travailleurs ukrainiens d’un autre témoignage, celui d'Ivan Meguera lui aussi originaire de la région de Jytomyr. Son témoignage est daté du 5 avril 1944:
" ... Voici des exemples du comportement inhumain des Allemands envers nous, les "Ost", comme on nous appelait*: Sur l'île de Jersey, notre colonne qui comprenait 300 personnes a travaillé durant 18 mois de 1942 à 1943. Outre des Ukrainiens, il y avait aussi des Russes** dans la colonne, des Polonais et d'autres. Les travaux de terrassement et de coulage du béton étaient très pénibles. Nous vivions dans des baraques sales, froides et avec des parasites. Le comportement envers nous, aussi bien dans les baraques qu'au travail, était incroyablement méprisant et grossier, comme avec du bétail.
"On refusait aux Ukrainiens leur nationalité, et lorsque les gardes et les chefs étaient de bonne humeur, ils affirmaient que les Ukrainiens et Russes c'est la même chose, ce sont tous des Russes. Le comportement envers les Polonais, les Français, les Espagnols et les autres qui faisaient partie de la colonne était sans comparaison meilleur. Ils n'étaient jamais frappés pour des motifs pour lesquels on frappait les Ukrainiens.
"On payait aux Ukrainiens 5 marks par mois. Les autres travailleurs étaient payés 100 -150 marks par mois pour le même travail. Aux travailleurs ukrainiens on donnait une miche de pain par jour pour quatre personnes. Aux travailleurs non ukrainiens on donnait une miche par jour pour trois personnes, complétant cela tous les deux jours par une miche de pain pour deux personnes. Nous ne recevions jamais ce complément. Aux Ukrainiens, on donnait 5 grammes de margarine et 5 grammes de saucisson par jour. Les autres recevaient beaucoup plus tous les jours.
"Les autres recevaient deux fois par jour une soupe de macaronis et de légumes, assez bonne. Aux Ukrainiens on donnait une soupe faite avec les déchets de légumes, à moitié pourris, des feuilles de choux noircies, les fanes de carottes, tout ce qu'on jetait à la cuisine. La soupe des Ukrainiens était cuite à part, dans des chaudrons différents de ceux des autres travailleurs, sans graisse ni viande.
Nous ne recevions rien d'autre que cette soupe. Les non Ukrainiens recevaient aussi de la viande, du poisson, du saucisson, des bonbons, etc ...
"Les Ukrainiens étaient obligés à travailler sans relâche, comme des machines. Quiconque s'étirait pour souffler ou bien détendait ses mains tétanisées était aussitôt frappé sur tout le corps par les gardiens allemands, avec ce qui leur tombait sous la main, les poings, un bâton, une pelle.
"Si la victime endurait les coups en silence cela s'arrêtait là, mais à la moindre protestation, les gardiens frappaient jusqu'à faire perdre connaissance à la victime, et quelquefois à mort.
"De cette manière, au cours des 18 mois, 53 Ukrainiens furent tués. Les morts étaient jetés dans le fossé le plus proche, recouverts d'un peu de terre ou de détritus et c'était tout. »
"Le chef du groupe où travaillait Meguera était un Allemand du nom d’Ellin. Bien qu'il battait les gens aussi, il ne tuait pas. Le vrai bourreau était Iup, le chef de la colonne. Lui aussi avait un groupe de 30 personnes. Dans son groupe il a frappé jusqu'à la mort 5 Ukrainiens au camp de Brinfor. Tous les autres tués le furent aussi dans ce même camp. A cinq kilomètres de Brinfor, il y avait un autre camp, "Chepki". Là-bas aussi on frappait, mais on ne tuait pas. Ces assassinats étaient connus non seulement des travailleurs de la colonne, puisque ceci se déroulait sous leurs yeux, mais aussi des fermiers voisins, en majorité Anglais, avec lesquels les Allemands se comportaient bien.
"Les travailleurs se plaignaient des coups et des meurtres au plus haut chef de la firme Klenko sur l'île. Mais celui-ci répondait qu'il ne pouvait rien faire car on était en temps de guerre. Cette firme (de construction de bâtiments et de voies ferrées) est toujours sur l'île, et deux autres firmes (de béton), Hay-Litman et West-Deutsch, qui connaissaient ces meurtres, ont maintenant quitté l'île... " (28) .
Nous avons intentionnellement cité ce long extrait de la déposition faite à l'Office, car il témoigne de l'effroyable tragédie des travailleurs ukrainiens, les "Ostarbeiter" (travailleurs de l'Est), comme on appelait ces gens déportés par les Allemands*** .
Le compte rendu parle ensuite des circonstances dans lesquelles un garde allemand a fusillé par plaisir un travailleur ukrainien nommé Stéfan, dont le corps a été abandonné près de la route.
Tout aussi intéressante est la lettre, datée du 5 juillet 1944, d'une des Ukrainiennes qui travaillaient dans un hôpital militaire allemand. Elle aussi soulignait les comportements discriminatoires envers les Ukrainiennes: "Cela fait très mal au coeur de voir qu'envers une Française le comportement est autre qu'envers nos Ukrainiennes. Ce n'est pas une nouveauté. J'ai déjà vu cette différence de comportement (envers nous) en Ukraine"(33).L'Office des Emigrés Ukrainiens en France souleva par ailleurs auprès du ministère des Affaires étrangères français la question de "l'arrestation massive des travailleurs agricoles ukrainiens" en zone nord (occupée) de la France. Le chef du département des étrangers du ministère répondit par lettre le 29 février 1944 que "... l'organisation (allemande) Todt réclamait toujours plus de travailleurs agricoles en accord avec l'institution du travail obligatoire (STO). Il n'était donc pas question d'en exempter les réfugiés d'origine ukrainienne (se trouvant en France)" (30).
Le département d'aide de l'Office avait à sa disposition certains fonds, il aidait différentes personnes, y compris des étudiants. Sur cette aide, on dispose d'un extrait de l'acte de contrôle d'activités du 13 février 1943 au 24 juin 1944, acte signé par des représentants des Eglises gréco-catholique et orthodoxe ukrainiennes. Les fonds de l'Office, selon ce document, s'élevaient à 148 968,90 francs, les dépenses à 119 081,20 francs. L'aide se réalisait sous deux formes: en nature et en argent. Différents objets furent envoyés à Lviv, à un des camps (de prisonniers sans doute), ou transmis aux malades d'un hôpital. L'aide en argent à diverses personnes atteignit la somme de 12 212,50 francs(31).
En mars 1944, Ivan Stasiw informa le département des étrangers au ministère des Affaires étrangères de son intention de créer à Paris un asile pour des personnes en difficulté. Mais du fait que cette proposition ressemblait à la création d'un véritable centre ukrainien ("Maison Ukrainienne"), le chef du département des étrangers refusa l'autorisation, déclarant qu'il n'était pas compétent dans cette affaire (32).
Comme on le voit, l'activité de l'Office des Emigrés Ukrainiens en France était très importante et surtout nécessaire. Alors pourquoi a-t-elle été ignorée après la guerre ?
Après la fin de la guerre, O. Boïkiv et ses sympathisants (membres de l’OUN de Melnyk) ont mené une campagne de propagande contre I. Stasiw, déclarant que ce dernier avait collaboré avec les Allemands en tant que président de l'Office. En fait, la principale raison de cette campagne étaient les mésententes antérieures entre O. Boïkiv et I. Stasiw, qui s'étaient aggravées sous l'occupation, lorsque I. Stasiw devint président de l'Office des Emigrés.
Dans une de ses lettres à l'auteur de cette étude, Ivan Stasiw donna les informations suivantes sur ses mésententes avec O. Boïkiw: "Lorsque la France fut occupée, remplissant les fonctions de président de l'Office des Emigrés Ukrainiens, j'eus des divergences avec Boïkiv. Je considérais que la France survivrait à l'occupation, il me semble que je vous ai déjà parlé de ces événements. Par son action politique, Boïkiv laissait entendre que les Allemands nous étaient favorables, mais moi, je comprenais que l'occupation de la France serait courte et que l'attitude de la France envers l'émigration ukrainienne correspondra à ce que nous, l'émigration, respections le droit d'asile. Tous les événements indiquaient que nous aussi nous étions occupés par les Allemands ... Boïkiv était très ambitieux et ne tolérait aucune critique, il me considérait comme son adversaire(33).
Contrarié par le fait que Boïkiv et ses collaborateurs de Oukraïkié Slovo (La Parole Ukrainienne) diffusaient des contre-vérités sur lui, I. Stasiw écrivit le 28 octobre 1948 une longue et assez rude lettre à O. Boïkiv. Dans ce courrier, entre autre, on peut lire: "A la déclaration deguerre, la situation politique nous dictait de prendre le parti des alliés et de tourner toute notre attention vers eux~Mais vous n'avez pas voulu comprendre cela et vous avez gêné ceux qui ne partageaient pas vos idées. Alors queParis allait être occupé, n'avions- nous pas décidé, tous les deux, de rejoindre les alliés ?! Je fus le seul à partir, vous attendant au lieu convenu, et vous êtes resté à Paris, pourprendre aussitôt contact avec l'occupant allemand! Je suisrevenu d'exode moralement et physiquement détruit, pourne trouver chez vous qu'ironie et moquerie ...(34).
I. Stasiw soulignait plus loin que c'est justement lui, O. Boïkiv, qui avait le premier lié des contacts avec les Allemands, qu'il les a conduits à la filiale de l'UNS à Chalette, qu'il les a renseignés sur "Choulguine, Chapoval, Borschak, Paneïko, Studdynskyi, le père Bryndzan, Kossenko, Rudytchev et autres", qu'il a négocié avec eux sur la création en France d'une légion Ukrainienne (35), et à l'automne 1940 "il a envoyé des convois entiers de nos travailleurs en Allemagne ... "(36) Et I. Stasiw d'ajouter plus loin: "De qui, sinon de vous, se sont plaint à moi les fonctionnaires officiels français.... de ce que vous collaboriez ouvertement avec l'occupant allemand, envoyant des convois de travailleurs ukrainiens vers l'Allemagne... ?(37).
Au milieu de l'année 1941, O. Boïkiv fit un voyage à Lviv. Un tel voyage sans autorisation des autorités d'occupation allemandes était impossible. Dans le livre consacré à O. Boïkiv et contenant également ses mémoires, on ne dit rien sur ce voyage à Lviv. En 1945, après la libération de la France, O. Boïkiv fut arrêté deux fois par la police française: le 28 avril et le 19 juillet 1945, il est resté une première fois 38 jours en prison, et la seconde fois trois mois. Il fut libéré le 18 octobre 1945. Toutefois, la procédure judiciaire se poursuivait. Le tribunal militaire n'arrêta cette procédure contre lui qu'en mars 1950, tandis que la décision de son expulsion de France ne fut annulée qu'en avril 1960(38).
V. Marouniak publie outre un bref mémorandum de l'avocat dans l'affaire de l'incarcération injuste d'O. Boïkiv du 29 août 1945, un autre document pour la défense d'O. Boikiv: le témoignage de Taras Boulba-Borovets du 5 mai 1948, qui dit notamment: "Moi, ancien Commandant en chef de l'Armée Insurrectionnelle Ukrainienne pendant les années 1941-1943, je témoigne du fait que monsieur Oleksandr Boïkiv, rédacteur, fut appelé en été 1941 de Paris à Lviv où il a prit part à des réunions secrètes concernant l'organisation du mouvement de résistance contre l'occupant allemand en Ukraine »(39). Cependant, on sait qu'en 1941 il n'existait aucune Armée Insurrectionnelle Ukrainienne en tant qu'armée de résistance aux Allemands. Par contre, de septembre à novembre 1941 existait la "Sitch de Poléssie", l’unité paramilitaire de T. Boulba-Borovets qui collaborait avec les Allemands(40). On sait aussi que T. Boulba-Borovets a été pour la première fois - et probablement la seule - à Lviv où il a effectivement rencontré les dirigeants de l’OUN de Melnyk en août 1941 mais à notre connaissance aucun article ou document ne mentionne la présence d'O. Boïkiv à cette rencontre.
Dans sa lettre à O. Boïkiv, I. Stasiw écrit que c'est lui, O. Boïkiv, qui avait négocié avec les Allemands la création de l'Office des Emigrés, proposant ou espérant que cette charge sera confiée à l'Union Populaire Ukrainienne (UNS). Au début, sur sa proposition, le siège de cet office se trouvait effectivement dans les locaux de l'UNS. C'est lui aussi qui avait choisi les cadres pour l'Office des Emigrés.
C’est lui aussi qui avait mené des discussions au sujet savoir qui sera le président de l'Office. Il ne souhaitait pas prendre la présidence, pensant qu'on lui proposerait un autre poste. C'est donc lui qui a présenté I. Stasiw aux Allemands à l'hôtel "Majestic".
I. Stasiw accepta le poste de président de l'Office des Emigrés sur l'incitation d'O. Boïkiv. Toutefois, toujours selon la lettre d'l. Stasiw, même lorsqu'il fut déjà le président de l'Office des Emigrés, les Allemands continuaient à s'adresser à O. Boïkiv pour toutes les affaires importantes (41).
L'Office des Emigrés fut donc autorisé par les Allemands à émettre des certificats de nationalité (et des certificats d"'origine aryenne"), ainsi que des attestations nécessaires pour obtenir une autorisation de résidence en France.
I. Stasiw dit qu'en octobre 1942 il comprit où on l'avait "fourvoyé" et voulut quitter le poste de président de l'Office des Emigrés, "mais c'était trop tard. Trop tard, car j'avais, depuis, émis beaucoup d'attestations illégales afin de sauver nos gens. Je savais qui si je me retirais je ne serais pas seul, moi et ma famille, à en souffrir, mais aussi des centaines de gens qui avaient été envoyés en Allemagne, et à l'occasion d'une permission n'avaient pas voulu y retourner et qu'il fallait aider.
"Je savais qu'en souffriraient des centaines de nos réfugiés d'Ukraine que, grâce à l'aide des Français, je cachais illégalement, je savais qu'en souffriraient ces Juifs à qui j'avais fourni des attestations des "origines aryennes" (42)
"Je savais tout cela, et c'est pour cela que je suis resté à mon poste, afin d'aider et sauver tous ceux qui attendaient de l'aide d'un des leurs ... " Ce travail, comme il le dit lui même, "était compris de tous (Sozontiv, Chapoval, Borschak) sauf par vous, car vous m'aviez placé à ce poste afin de m'enliser et pour justifier ainsi vos erreurs personnelles et politiques" (43).
Dans le livre sur O. Boïkiv, la question de la création de l'Office des Emigrés est présentée différemment: "Dans les années 1941-1944 d'autres problèmes surgirent devant l'UNS (l'Union populaire ukrainienne), moins grands par leur ampleur, mais plus risqués par leur sens. L'un d'eux fut la création de l'Office des Emigrés Ukrainiens à Paris dans sa conception allemande et sa réalisation pratique en tant qu'intermédiaire entre la communauté ukrainienne et les autorités allemandes ... Avant la création de cet office il y eut accord entre l'éventuel dirigeant de l'Office et les dirigeants de l'UNS sur le fait que l’Office agirait en collaboration étroite avec le secteur communautaire ukrainien. Cependant, comme il arrive souvent en pareil cas, l'ambition humaine de personnes occupant une position semi-gouvernementale, ignore le facteur social et communautaire, ce qui conduit à de lourds conflits. Il en fut ainsi à Paris, ce qui compliqua davantage les relations internes ukrainiennes avec beaucoup de dommages pour la communauté, et d'avantages pour l'autorité allemande d'occupation. L'Office mena une campagne contre l'UNS, et au début de juillet 1943, la Gestapo interdit toute activité à l'Union Populaire Ukrainienne "(44).
De ce qu'il est dit plus haut, on peut comprendre qu'l. Stasiw en tant que président de l'Office des Emigrés Ukrainiens avait décidé d'agir seul, prenant toute la responsabilité sur lui, ce qui fut la cause du conflit entre les deux personnalités, conflit qui se poursuivit après la guerre. Sur ce sujet, I. Stasiw dans sa lettre, déjà citée, à O. Boïkiv écrivait: "Vous avez été et êtes toujours conduit uniquement par votre seule ambition illimitée, votre manie de la grandeur, votre attirance pour le despotisme !... " (45).
Dans les documents dont nous disposons nous n'avons trouvé aucune trace des activités d'I. Stasiw dirigées contre l'Union Populaire Ukrainienne (UNS), ou contre O. Boïkiv personnellement, durant les années 1942-1944.
O. Boïkiv était le principal dirigeant et le représentant de l'Organisation des nationalistes ukrainiens (OUN) en France. Mais depuis la scission de l'OUN survenue le 10 février 1940, il existait deux organisations portant le même nom, l'une était dirigeée par Stepan Bandera, ancien chef de l'Exécutif de l'Ukraine occidentale qui, soutenu par les dirigeants du réseau en Ukraine soviétique ou récemment arrivés de ce territoire à Cracovie occupée, est devenu une figure-clé du mouvement nationaliste révolutionnaire,- et l'auyre était dirigée par Andri Melnyk qui présidait la Direction des nationalistes ukrainiens (OUN). Cette scission du mouvement en deux organisations distinctes n'a pas touché la France, de sorte que O. Boïkiv et l'OUN en France reconnaissaient toujours comme dirigeant Andri Melnyk.
L'OUN de Bandera fut combattue par les Allemands dès le début de l'occupation de l'Ukraine. Ce mouvement avait surpris les Allemands en proclamant, le 30 juin 1941, la restauration d'un Etat ukrainien indépendant, contrariant ainsi les plans secrets allemands à l'égard des territoires ukrainiens. S. Bandera fut arrêté à Cracovie et déporté à Berlin le 5 juin 1941. D'autres arrestations de bandéristes**** suivirent. Elles furent particulièrement nombreuses le 15 septembre 1941, tant en Ukraine que dans les autres territoires occupés, en Allemagne, en Autriche, etc. En novembre 1941, ayant appris que le mouvement de Bandera était en train de préparer un soulèvement de la population, les Allemands émirent l'ordre d'arrêter ei d'exécuter sans jugement tous les membres connus ou démasqués de l'OUN de Bandera. Le texte de cet ordre se trouve parmi les pièces d'accusation du procès des criminels nazis à Nuremberg(46).
A partir de janvier 1942, ceux des membres de l’OUN de Melnyk qui s'occupaient éventuellement des activités clandestines, furent également arrêtés. Quant aux membres de la direction de cette organisation, ils furent arrêtés principalement en janvier-février 1944. A. Melnyk a été arrêté le 28 février 1944 à Berlin, où il séjournait légalement. A cette époque O. Boïkiv se trouvait à Berlin. Arrêté avec les autres dirigeants melnykistes, il resta en prison à Berlin jusqu'en octobre 1944. Après la fin de la guerre il revint à Paris où il fut arrêté à deux reprises, comme on l'a vu précédemment.
Quant à I. Stasiw, il dit lui-même qu'il a été arrêté deux fois non par la sécurité française mais "par les communistes ukrainiens (Keissa et les autres) " (47), qui à l'époque, avec les communistes français, tenaient le haut du pavé. Ils disaient qu'ils allaient l'emmener à Moscou pour le juger. A cette époque, on lui confisqua une grande partie de ses archives. Mais les autorités françaises le firent aussitôt libérer. Elles ne voyaient pas de motif pour l'incarcérer, particulièrement lorsqu'il s'avera qu'l. Stasiw informait régulièrement de l'activité de l'Office des Emigrés le chef du département des étrangers au ministère des affaires étrangères, l'ambassadeur Abel Verdier, qui était un membre éminent de la Résistance, et dont il exécutait souvent les ordres (48).
Une correspondance de 1943 explique parfaitement l'atmosphère dans laquelle vivait la communauté ukrainienne en France. En juillet 1943, l'Office des Emigrés Ukrainiens reçut une lettre d'un Ukrainien de province, lettre de plaintes et de critiques. La réponse d’I. Stasiw mérite d'être citée:
"De même que vous, nous souffrons du malheur que vit notre Pays, nous voyons cette injustice, ces souffrances de notre peuple, nous voyons et nous comprenons que ceux qui arrivent en Ukraine, y vont par intérêt particulier, car l'Ukraine attire tout le monde par ses richesses, celui qui y va désire la terre ukrainienne et non pas aider le peuple ukrainien. Nous ne devons compter ni espérer sur aucune aide étrangère mais croire seulement en nos propres forces, et notre libération viendra lorsque le peuple ukrainien sera assez fort pour être maître chez lui et chasser tous les envahisseurs. ( ... )
En parlant toujours de l'Ukraine, la lettre poursuit: "...Notre libération viendra, et tout le monde le reconnaît si nous travaillerons dans l'unité. Nous devrons avaler encore plus d'une coupe amère. Nous savons que nous avons des ennemis nombreux et puissants, mais cela ne doit pas nous effrayer.
"L'Office sait tout cela. Il n'a pour souci que les intérêts nationaux, et nous ne croyons qu'en nos propres forces, nos propres acquis. Nous savons que personne ne nous aidera, et c'est pour cela que nous faisons tout pour améliorer notre situation. Peut être aurez-vous l'occasion de venir à Paris et de rendre visite à l'Office, alors nous vous montrerons des documents prouvant que nous avons fait tout ce qui nous était possible. Nous avons utilisé toutes les possibilités, mais il y avait et il y a beaucoup d'obstacles.
"Nous savons que nous sommes responsables devant nos gens (compatriotes), que nous existons pour protéger
nos affaires nationales, mais nous attendons aussi de notre communauté de la compréhension, de la critique objective et du travail créatif, et non pas seulement des réclamations et des plaintes infondées. Car c'est une chose de critiquer en se tenant à l'écart, sans connaître la situation, c'en est une autre de faire un travail responsable dans le contexte actuel.
"Vous nous écrivez que nos gens ne veulent même plus parler ukrainien, et ce sont ceux qui ne risquent rien. Donc, comprenez combien il est difficile de travailler alors que nous nous renions nous mêmes. Nous ressentons cruellement cette tragédie.
"Par les pleurs nous n'obtiendrons rien, mais uniquement par le travail, la ténacité et la foi dans notre victoire finale. Chacun de nous, qu'il soit travailleur physique ou intellectuel, doit défendre nos intérêts, ne pas chercher la faute chez les autres, mais chez soi-même, se demander avant tout à soimême: qu'ai-je réalisé, moi ? Chercher une issue à la situation difficile, par le raisonnement et non par les sentiments et les insinuations mal intentionnées de nos ennemis qui souhaitent que nous nous disputions et nous désunions. La voix du travailleur ukrainien nous importe toujours, nous sommes aussi des fils de notre Patrie, nés sous un toit paysan et nourris de pain noir ...
"Vous écrivez que nos gens ont perdu confiance. Pour nous cela n'est pas nouveau. C'est parce que bien vite et souvent sans raison nous perdons confiance en nos propres forces que nous sommes aujourd'hui un peuple captif, mais, par chance, il y en a parmi nous qui ont affronté la mort dans la lutte contre l'ennemi, bien que sachant qu'ils ne le vaincraient pas, mais simplement pour sauvegarder la dignité nationale par leur sacrifice. Il en a été ainsi à Krouty*****, à Bazar****** et en Ukraine carpatique. Personne,autant que nous ne souffre de toutes nos misères nationales.
"Nous, malheureusement, nous voyons et entendons plus que vous là où vous êtes, et pour cela nous le ressentons plus, mais nous ne désespérons pas. Nous, à l'Office, nous sommes conscients d'être exposés à la critique de tout un chacun, àdes accusations infondées d'actes que nous n'avons pas commis, ni même entendu parler ...
"Dans votre région, il y a beaucoup de gens d'origine ukrainienne. Mais combien sont organisés et sont soustraits à une influence étrangère ? A qui en est la faute ? Pas à ceux qui sont à Paris, mais à ceux qui résident près d'eux, qui les côtoient chaque jour ...
"Vous écrivez qu'au lieu simplement d'inciter il faut ordonner, mais y en a-t-il beaucoup chez vous qui exécuteraient des ordres ukrainiens ?
"Nous avons un lourd devoir à accomplir, nous, à l'Office, nous nous sommes consacrés entièrement à la défense des intérêts nationaux et sociaux, nous avons accepté ce poste non pas pour des avantages matériels ou autres, mais pour le bien ukrainien en général. Chacun de nous expose sa personne, sa famille, à des coups inconnus et peut être cruels, à des persécutions. Cela ne nous a pas effrayé, car nous sommes conscients que nous servons le peuple ukrainien. Mais que ceux qui sont dispensés de ces soucis, qui restent bien au chaud chez eux, ne s'en prennent pas à leurs représentants. Nous ne craignons pas la critique, mais qu'elle soit constructive, dirigée vers l'amélioration et pas vers la destruction.
"Nous ne répondons pas à tous par une aussi longue lettre, comme nous l'avons fait pour vous, car nous travaillons pour des milliers de nos émigrés, et ne pouvons donner à tous une telle réponse... Nous sommes toujours prêts à-échanger des idées, car nous voulons être l'expression exacte des idées et de l'attitude de notre communauté.
"Recevez nos sincères salutations ukrainiennes. Vive l'Ukraine !
Le dirigeant de l'Office des Emigrés. I. Stasiw. "(49)
Il n'y a certainement pas beaucoup de personnalités ukrainiennes en France qui aient exprimé aussi ouvertement leurs convictions, condamnant les visées des pays étrangers sur la terre ukrainienne et appelant les Ukrainiens à ne compter que sur leurs propres forces.
La lettre citée complète nos connaissances sur l'émigration ukrainienne en France pendant l'occupation. Même si les documents dont nous disposons ne sont pas nombreux, ils aident néanmoins à saisir les conditions dans lesquelles vivait cette émigration sous l'occupation allemande.
© 1999 Wolodymyr KOSYK
Notes
1- D'après les informations de I. Stasiw, archives personnelles de l'auteur doc. 55, p.4
2-Le N° 35 du bulletin daté du 4 février 1940 se trouve dans les archives allemandes, Bundesarchiv (BA) NS 43/41 f.27-29. Le rédacteur du bulletin était L. Verjbytska.
3 André Sidobre, Les problèmes ukrainiens et la paix européenne, Paris 1939, pp. 6, 9, 12, 14, 21.
4- Benoist-Méchin, L'Ukraine des origines à Staline, Albin Michel, Paris, 1941.
5- Tryzoub, 10 septembre 1939, p. 1.
6- BA NS 43/42 f.341, f.29-35; NS 43/41 f.82; NS 43/43 f.46.
7- Il existe à ce sujet certainement des archives françaises, mais elles n'ont pas été étudiées.
8-Tryzoub, n' 40-41 (690-691), 31 décembre 1939, p. 24.
9-BA NS 43/41 f. 39.
10- Dans le livre de V. Marouniak Oleksander Boïkiv, organisateur de la vie ukrainienne en France (en ukrainien), Paris, 1986, il est dit que l'UNS (Union Populaire Ukrainienne) a existé jusqu'en janvier 1944, ce qui n'est pas compatible avec la politique menée par les Allemands. Les Allemands ne toléraient l'existence d'aucune organisation étrangère, à l'exception des offices de confiance. Ou alors il faut comprendre que les Allemands auraient toléré l'UNS pour des raisons relevant des intérêts allemands.
11-Cette information est postérieure à la rédaction de notre article. Mme Jaroslava Josypyszyn, présidente de la Bibliothèque, a reçu la confirmation à ce sujet dans les courriers du ministère des Affaires étrangères des 9 juillet et 17 août 1999.
*-V. Prokopovytch est décédé en 1942.
12- Ibid. NS 43/42 f. 847101
13- Volodymyr Marouniak, Aleksander Boïkiv..., op.cit., p. 45.
14- Archives de l'auteur, doc. 41, p. 1.
15-Lettre d'l. Stasiw à l'auteur datée du 17 juin 1982, archives de l'auteur doc. 55, p. 1.
16- Archives de l'auteur, doc. 1 du 7 mai 1943.
17-Idem, doc. 6 du 21 mai 1943.
18-Idem, doc. 10 du 22 juillet 1943.
19-Idem, doc. 12 du 27 juillet 1943.
20-Idem., lettre du secrétariat du chef du gouvernement, datée du 6 septembre 1943, doc.17
21-Idem, doc. 19 du 27 septembre 1943.
22-Idem, doc. 21.
23-Idem, doc. 29.
24-Idem, doc. 9 et 30.
25-Idem, doc. 4 du 8 mars 1943
26-Idem, doc. 18.
27-Idem, doc. 22.
**- Ost - travailleurs de l'Est.
***-Dans le texte original "Moskal" (Moscoviens, habitants de la Moscovie, premier nom de la Russie), terme utilisé couramment en Ukraine pour désigner les Russes.
28-Idem, doc. 28.
****Une question vient à l'esprit: Est ce qu’actuellement, les familles de ces Ukrainiens ont été dédommagées ? Est ce que l'Etat Ukrainien s'en occupe ? -
29-Idem, doc. 34.
30-Idem, doc. 24.
31-Idem, doc. 32.
32-Idem, doc. 27.
33-Lettre d'l. Stasiw à l'auteur, doc. 54.
34-Lettre d'l. Stasiw à 0. Mikiv du 28 octobre 1948, archives de l'auteur, doc. 39, pp. 1-2.
35-O.Boïkiv donne une autre version de l'affaire de la légion Ukrainienne en France. Il dit que lorsqu'il était en Ukraine (en été 1941), "quelqu'un parmi nos compatriotes a rapporté à la Gestapo
qu’ au titre de représentant du président de l'UNS en France, j'ai envoyé au début de 1940 le père Perridon à Londres afin d'obtenir du gouvernement anglais l'autorisation de former une Légion Ukrainienne en France. La Gestapo a convoqué le père Perridon, le menaçant d'emprisonnement, mais après un long interrogatoire il fut libéré" (V. Marouniak, Oleksander Boikiv.... op. cit. p. 71). Cette affirmation, publiée après la mort de Mgr Perridon, n'a pas pu être vérifiée.
36-Lettre d'l. Stasiw, déjà citée, p. 2.
37-Idem, p. 3.
38-Volodymyr Marouniak, o.c., p. 109, 115-117.
39-Idem, p. 115.
40-Voir V. Kosyk. L'Ukraine dans la Seconde guerre mondiale dans les documents (en ukrainien), tome 2, Lviv, 1998, p. 195 - 202. Il s'agit d'un recueil de documents originaux allemands et de leur traduction en ukrainien.
41-Lettre d'l. Stasiw, déjà cité, pp. 2-3.
42-De nombreux Juifs ont été sauvés grâce aux attestations de l'Office des Emigrés Ukrainiens en France. Parmi eux, Léon Zitrone. Dans une de ses lettres I. Stasiw affirmait que "sous l'influence de Boïkiv, un citoyen allemand de Bukovine, Krystiuk, écrivit à la Gestapo pour dire que je donnais des certificats d'aryanité aux Juifs".
43-Lettre d'l. Stasiw, déjà cité, p. 3.
44-Volodymyr Marouniak, Oleksander Boïkiv ..., déjà cité, p. 60.
45-Lettre d'l. Stasiw, déjà cité, p. 6.
**** Partisans de Bandera.
46- IMT XXXIX, pp. 269-270, doc. 014-USSR (N° 7).
47 -Elie Borschak, qui ensuite changea d'attitude, faisait partie de ces communistes.
48-Après la libération de la France, Abel Verdier fut décoré officier de la Légion d'honneur pour services militaires extraordinaires et décoré de la croix de guerre 1939-1945 avec palmes et médaille de la résistance avec rosette. Lettres d'Abel Verdier, archives de l'auteur, doc. 42 et 43.
*****Nom d'une gare sur la ligne de chemin de fer menant du nord, de la Russie, vers Kyïv, où un bataillon composé de d'étudiants ukrainiens et une unité de haïdamaks (en tout quelques 600 hommes) ont opposé une résistance aux troupes russes soviétiques fortes de 4000 hommes, le 29 janvier 1918, pendant la première invasion russe contre l'Ukraine.
******Localité où les Russes ont fusillé, le 21 novembre 1921, 359 soldats de l'armée nationale ukrainienne opérant pendant un raid en Ukraine soviétique et qui ont refusé de passer du côté du pouvoir soviétique.
49-Archive de l'auteur, doc. 8, pp. 1-3.
2-Le N° 35 du bulletin daté du 4 février 1940 se trouve dans les archives allemandes, Bundesarchiv (BA) NS 43/41 f.27-29. Le rédacteur du bulletin était L. Verjbytska.
3 André Sidobre, Les problèmes ukrainiens et la paix européenne, Paris 1939, pp. 6, 9, 12, 14, 21.
4- Benoist-Méchin, L'Ukraine des origines à Staline, Albin Michel, Paris, 1941.
5- Tryzoub, 10 septembre 1939, p. 1.
6- BA NS 43/42 f.341, f.29-35; NS 43/41 f.82; NS 43/43 f.46.
7- Il existe à ce sujet certainement des archives françaises, mais elles n'ont pas été étudiées.
8-Tryzoub, n' 40-41 (690-691), 31 décembre 1939, p. 24.
9-BA NS 43/41 f. 39.
10- Dans le livre de V. Marouniak Oleksander Boïkiv, organisateur de la vie ukrainienne en France (en ukrainien), Paris, 1986, il est dit que l'UNS (Union Populaire Ukrainienne) a existé jusqu'en janvier 1944, ce qui n'est pas compatible avec la politique menée par les Allemands. Les Allemands ne toléraient l'existence d'aucune organisation étrangère, à l'exception des offices de confiance. Ou alors il faut comprendre que les Allemands auraient toléré l'UNS pour des raisons relevant des intérêts allemands.
11-Cette information est postérieure à la rédaction de notre article. Mme Jaroslava Josypyszyn, présidente de la Bibliothèque, a reçu la confirmation à ce sujet dans les courriers du ministère des Affaires étrangères des 9 juillet et 17 août 1999.
*-V. Prokopovytch est décédé en 1942.
12- Ibid. NS 43/42 f. 847101
13- Volodymyr Marouniak, Aleksander Boïkiv..., op.cit., p. 45.
14- Archives de l'auteur, doc. 41, p. 1.
15-Lettre d'l. Stasiw à l'auteur datée du 17 juin 1982, archives de l'auteur doc. 55, p. 1.
16- Archives de l'auteur, doc. 1 du 7 mai 1943.
17-Idem, doc. 6 du 21 mai 1943.
18-Idem, doc. 10 du 22 juillet 1943.
19-Idem, doc. 12 du 27 juillet 1943.
20-Idem., lettre du secrétariat du chef du gouvernement, datée du 6 septembre 1943, doc.17
21-Idem, doc. 19 du 27 septembre 1943.
22-Idem, doc. 21.
23-Idem, doc. 29.
24-Idem, doc. 9 et 30.
25-Idem, doc. 4 du 8 mars 1943
26-Idem, doc. 18.
27-Idem, doc. 22.
**- Ost - travailleurs de l'Est.
***-Dans le texte original "Moskal" (Moscoviens, habitants de la Moscovie, premier nom de la Russie), terme utilisé couramment en Ukraine pour désigner les Russes.
28-Idem, doc. 28.
****Une question vient à l'esprit: Est ce qu’actuellement, les familles de ces Ukrainiens ont été dédommagées ? Est ce que l'Etat Ukrainien s'en occupe ? -
29-Idem, doc. 34.
30-Idem, doc. 24.
31-Idem, doc. 32.
32-Idem, doc. 27.
33-Lettre d'l. Stasiw à l'auteur, doc. 54.
34-Lettre d'l. Stasiw à 0. Mikiv du 28 octobre 1948, archives de l'auteur, doc. 39, pp. 1-2.
35-O.Boïkiv donne une autre version de l'affaire de la légion Ukrainienne en France. Il dit que lorsqu'il était en Ukraine (en été 1941), "quelqu'un parmi nos compatriotes a rapporté à la Gestapo
qu’ au titre de représentant du président de l'UNS en France, j'ai envoyé au début de 1940 le père Perridon à Londres afin d'obtenir du gouvernement anglais l'autorisation de former une Légion Ukrainienne en France. La Gestapo a convoqué le père Perridon, le menaçant d'emprisonnement, mais après un long interrogatoire il fut libéré" (V. Marouniak, Oleksander Boikiv.... op. cit. p. 71). Cette affirmation, publiée après la mort de Mgr Perridon, n'a pas pu être vérifiée.
36-Lettre d'l. Stasiw, déjà citée, p. 2.
37-Idem, p. 3.
38-Volodymyr Marouniak, o.c., p. 109, 115-117.
39-Idem, p. 115.
40-Voir V. Kosyk. L'Ukraine dans la Seconde guerre mondiale dans les documents (en ukrainien), tome 2, Lviv, 1998, p. 195 - 202. Il s'agit d'un recueil de documents originaux allemands et de leur traduction en ukrainien.
41-Lettre d'l. Stasiw, déjà cité, pp. 2-3.
42-De nombreux Juifs ont été sauvés grâce aux attestations de l'Office des Emigrés Ukrainiens en France. Parmi eux, Léon Zitrone. Dans une de ses lettres I. Stasiw affirmait que "sous l'influence de Boïkiv, un citoyen allemand de Bukovine, Krystiuk, écrivit à la Gestapo pour dire que je donnais des certificats d'aryanité aux Juifs".
43-Lettre d'l. Stasiw, déjà cité, p. 3.
44-Volodymyr Marouniak, Oleksander Boïkiv ..., déjà cité, p. 60.
45-Lettre d'l. Stasiw, déjà cité, p. 6.
**** Partisans de Bandera.
46- IMT XXXIX, pp. 269-270, doc. 014-USSR (N° 7).
47 -Elie Borschak, qui ensuite changea d'attitude, faisait partie de ces communistes.
48-Après la libération de la France, Abel Verdier fut décoré officier de la Légion d'honneur pour services militaires extraordinaires et décoré de la croix de guerre 1939-1945 avec palmes et médaille de la résistance avec rosette. Lettres d'Abel Verdier, archives de l'auteur, doc. 42 et 43.
*****Nom d'une gare sur la ligne de chemin de fer menant du nord, de la Russie, vers Kyïv, où un bataillon composé de d'étudiants ukrainiens et une unité de haïdamaks (en tout quelques 600 hommes) ont opposé une résistance aux troupes russes soviétiques fortes de 4000 hommes, le 29 janvier 1918, pendant la première invasion russe contre l'Ukraine.
******Localité où les Russes ont fusillé, le 21 novembre 1921, 359 soldats de l'armée nationale ukrainienne opérant pendant un raid en Ukraine soviétique et qui ont refusé de passer du côté du pouvoir soviétique.
49-Archive de l'auteur, doc. 8, pp. 1-3.