De nombreux Moldaves travaillent ou résident en Corse. Certains nous honorent de leur collaboration et de leur amitié.
Cela justifie que l'on évoque leur Histoire et leur culture.
Lire à ce propos dans la rubrique MOLDAVIE, l'article intitulé : HISTOIRE DE LA MOLDAVIE.
Cf. également l'article "Bessarabie. déportations de 1940". Rubrique MOLDAVIE.
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Cf. également l'article "Bessarabie. déportations de 1940". Rubrique MOLDAVIE.
Quant à l'Ukraine, nul ne s'étonnera que notre site lui accorde un intérêt particulier. Il nous a donc paru opportun de reproduire cet article tiré de :
https://journals.openedition.org/cybergeo/3230
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LA FRONTIERE ROUMANO-UKRAINIENNE ET LE POIDS REEL DE LA MINORITE
Frédéric Beaumont
Résumé
Le tracé de la frontière qui sépare actuellement Roumanie et Ukraine remonte à la décision par les soviétiques d’annexer en 1940 Bucovine du Nord et Bessarabie. Aux lendemains de l’effondrement de l’Union soviétique les dirigeants roumains tenteront de faire valoir leurs droits sur des territoires dont ils se considéraient spoliés.
La question des minorités demeure au centre du débat même si, semble-t-il, le véritable enjeu des régulières négociations roumano-ukrainiennes est en fait l’Ile des Serpents, banc de sable inhabité au large du delta du Danube, situé au voisinage direct d’importantes ressources pétrolières.
La question des minorités demeure au centre du débat même si, semble-t-il, le véritable enjeu des régulières négociations roumano-ukrainiennes est en fait l’Ile des Serpents, banc de sable inhabité au large du delta du Danube, situé au voisinage direct d’importantes ressources pétrolières.
Plan
Limites ethniques et étatiques
Un paysage ethnique transformé.
Une frontière historique ?
La place des minorités dans les Traités bilatéraux
2007 : La frontière après la frontière
La place des symboles nationaux
Des raisons stratégiques et économiques avant tout
Texte intégral
Limites ethniques et étatiques
Un paysage ethnique transformé.
Une frontière historique ?
La place des minorités dans les Traités bilatéraux
2007 : La frontière après la frontière
La place des symboles nationaux
Des raisons stratégiques et économiques avant tout
Texte intégral
1 A l’issue de la Première Guerre Mondiale, la Roumanie se trouve considérablement agrandie. Cette extension territoriale se fait en plusieurs étapes de 1917 à 1919. Dans le même temps naissent dans le contexte de la guerre civile russe et de la démission de l’Etat austro-hongrois plusieurs Etats ukrainiens. Ces Etats ne parviendront pas à s’imposer, victimes de dissensions internes mais surtout de leur situation géographique défavorable. L’Ukraine, d’abord occupée par les Empire centraux, qui parviennent à y instaurer une forme de protectorat appelé Hetmanat leur permettant d’exploiter les richesses agricoles du pays, sombre dans le chaos lorsqu’au début de l’année 1918 les troupes allemandes et autrichiennes se retirent du pays. Une République Socialiste Soviétique d’Ukraine proclamée depuis peu à Kharkov et ayant pour point d’appui la partie la plus russisée du pays, l’Est, et en particulier le Donbass, passe à l’attaque et s’empare de Kiev, siège du gouvernement de la République Démocratique Ukrainienne. Réfugié à Jitomir celui-ci proclame l’indépendance de l’Ukraine le 22 janvier 1918.
Figure 1 : Ukraine et Roumanie en Janvier 1918
2 Dans les mois qui suivent l’effondrement de la monarchie austro-hongroise est proclamée à Lviv la République Démocratique d’Ukraine Occidentale qui réunit les Ruthènes, c’est à dire les populations ukrainiennes, de l’ex-Empire austro-hongrois. Ce second Etat ukrainien dont l’indépendance est proclamée le 1er novembre 1918 est bientôt victime d’une agression polonaise tandis qu’au Sud, en Ruthénie Subcarpatique, ancienne province hongroise du Marmarosz, les communautés s’opposent au cours d’émeutes sanglantes : Juifs, Ukrainiens et Roumains dans les campagnes, Ukrainiens et Hongrois dans les villes d’Oujgorod ou Munkatchevo.
Figure 2 : La situation de l’Ukraine et de la Roumanie en Janvier 1919
3 Le processus de construction nationale ukrainien semble considérablement remis en cause alors que la Galicie orientale passe totalement sous contrôle polonais en mai 1919, et que la Ruthénie Subcarpatique choisit de s’unir au nouvel Etat tchécoslovaque qui lui garantit une autonomie assez large. L’Ukraine de l’Ouest qui jouait jusque là le rôle d’Etat tampon disparaît et la situation devient dès lors intenable pour les partisans de l’indépendance confrontés aux Bolcheviques à l’Est, aux armées blanches au Sud et désormais aux Polonais à l’Ouest.
4 La Roumanie de son côté, vaincue militairement par les Empire centraux en Décembre 1917 parvient à profiter en Avril 1918 de la situation régnant en Ukraine pour annexer la Bessarabie, rattachée administrativement, à l’époque tsariste, à l’Ukraine du Sud. La défaite des Empire centraux lui permet de faire valoir ses droits sur les provinces roumaines de l’ancien Empire austro-hongrois en les occupant dès novembre 1918.
5 Par la suite, les traités de Trianon et Saint Germain, entérineront l’annexion de la Transylvanie, du Banat et du Maramureş aux dépends de la Hongrie, de la Bucovine pour l’Autriche. La Roumanie hérite donc officiellement des territoires peuplés de Roumains de l’ancienne double Monarchie tandis que l’annexion de la Bessarabie, partie orientale de la Moldavie arrachée à celle-ci en 1812 dans le contexte de l’antagonisme russo-turc se voit toujours contestée par l’Union soviétique qui crée en 1924 une république autonome de Moldavie sur la rive orientale du Dniestr pour asseoir ses revendications sur la province.
Figure 3 : Ukraine et Roumanie en Octobre 1924
6 Fruit de l’union des deux principautés roumaines de Moldavie et de Valachie, le Royaume de Roumanie, grâce à ces modifications de frontières, a vu doubler sa superficie et sa population, et le rapport entre roumanophones et minorités s’en est trouvé radicalement changé. Ces minorités, pratiquement absentes statistiquement du Vieux-Royaume, atteignent, en 1930, 30 % de la population.
7 Avec 1 425 000 Hongrois en Transylvanie, 745 000 Allemands en Transylvanie, Banat et Bucovine, 991 000 Ukrainiens et Russes en Bessarabie et Bucovine, 728 000 Juifs, la Roumanie se trouve alors brutalement confrontée, en même temps qu’au problème du maintien et de la justification de ses nouvelles frontières, à la question de ses minorités, représentant toutes l’ancien élément ethnique impérial. Les Allemands et les Juifs [1], populations germanophones représentent pour les autorités roumaines un vestige de la présence Habsbourg au même titre que les Hongrois. Ukrainiens et Russes sont, quant à eux, considérés dans leur ensemble comme des colons de l’Empire russe. Seule exception : les Ukrainiens dits « Ruthènes » de Bucovine, constituant dans la province le premier groupe ethnique en importance numérique et dont l’implantation relativement récente dans la plupart des cas avait été encouragée par l’administration autrichienne. Notons aussi l’existence des populations turques et tatares de Dobroudja [2] ,, témoins d’une longue présence ottomane sur les rives de la Mer noire (Fig. 4).
Sources : Spatiul istoric si etnic românesc, editura militara, Bucarest, 1993.
Atlas ethnographique de la Roumanie, Institutul de arte grafice, Bucarest, 1938.
Figure 4 : Le paysage ethnique de la Roumanie dans l’Entre-deux-guerres.
8 Dès lors, durant toute l’entre-deux-guerres se posera la question des irrédentismes réels ou perçus comme tels dans un pays connaissant tout à coup une inversion de valeurs. De peuple colonisé aspirant à l’unité nationale, l’élément roumain devient tout à coup impérial, toutes ses frontières, à l’exception des rives du Danube, faisant subitement l’objet de contestations de la part de ses voisins, au nom du même droit des peuples à disposer d’eux-mêmes qui avait provoqué son entrée en guerre en 1916 contre les Empires centraux aux côtés de l’Empire russe, avec qui le jeune Etat balkanique avait déjà un différend au sujet de sa frontière orientale. Dans ce contexte, la Roumanie adapte sa politique selon les régions et les groupes ethniques.
9 Aux Allemands, Saxons de Transylvanie et Souabes du Banat et de Bucovine, elle garantit une autonomie relativement large.
10 Aux Hongrois, très hostiles dans l’entre-deux-guerres à l’Etat roumain et ouvertement irrédentistes avec l’appui de la Hongrie, elle tente d’imposer des mesures qui visent officiellement à re-roumaniser la Transylvanie.
11 Ces mesures reviennent en réalité à démagyariser cette région, fief de la couronne de Saint Etienne depuis neuf siècles [3]. On exige dès lors, pratiquement du jour au lendemain, des fonctionnaires magyars, une connaissance approfondie du roumain ce qui équivaut à purger l’administration de ses cadres hongrois pour les remplacer par des roumains. Dans un même temps le nombre de groupes d’enseignement scolaire en langue hongroise, langue officielle de la Transleithanie [4] jusqu’à son morcellement en 1918, est considérablement réduit et dès 1923 est introduit le numerus clausus [5] dans les Universités.
12 En Bucovine et en Bessarabie, les Ukrainiens, appelés aussi Ruthènes, et les Russes subissent la même politique d’assimilation, mais en l’absence d’une véritable élite structurée (c’est le cas surtout chez les Ukrainiens) et de sentiments nationaux exacerbés - l’Ukraine et la Russie étant devenues soviétiques - ces populations se plient tant bien que mal aux nouvelles contraintes qui leur sont imposées dans le cadre de l’Etat national roumain.
13 Les Bulgares, quant à eux, présents surtout en Dobroudja du Sud surnommée « le quadrilatère », mais aussi en Bessarabie du Sud, très massivement ruraux et ne possédant que peu d’intellectuels dans leurs rangs, subissent l’expérience d’une assimilation par le biais du système scolaire, expérience qui tournera court puisque interrompue par les bouleversements de l’année 1940.
14 La frontière roumano-ukrainienne actuelle est précisément un héritage de cette année 1940 où, suite au pacte Ribbentrop – Molotov, la Roumanie subira une série de modifications de frontières au bénéfice de ses voisins alliés à l’Allemagne nazie, et cela bien qu’elle même ait choisi de se ranger aux côtés du Reich.
15 Le 26 juin 1940, l’URSS donne un ultimatum à la Roumanie. Les troupes et l’administration doivent évacuer la Bucovine du Nord et la Bessarabie sous 48 heures.
16 Le 28 juin 1940, l’Armée rouge franchit le Dniestr. Les positions soviétiques en Bucovine et Bessarabie du Nord si elles ne correspondent pas à une logique ethnique, permettent en revanche de contrôler des vallées correspondant à des axes stratégiques pour une attaque éventuelle de la Roumanie.
17 Cinq jours auparavant, le 23 juin 1940, Molotov informait Berlin de la volonté de l’URSS de s’emparer de la Bessarabie (comme prévu par le Pacte Molotov-Ribbentrop ) mais aussi de la Bucovine toute entière. L’Allemagne protesta, rappelant que la Bucovine n’avait jamais été ni russe ni ukrainienne mais autrichienne de 1775 à 1918, qu’une importante minorité germanophone y habitait [6], et que les Ukrainiens n’y étaient pas majoritaires [7]. Molotov recula, se contentant du Nord pour contrôler la ligne ferroviaire Chisinau-Cernauti-Lvov [8], mais aussi pour contrecarrer le projet allemand de création d’un Etat fantoche « ruthène carpatique », formé d’une partie de la Bucovine [9]. Staline ne pouvait, en effet, tolérer la constitution d’un Etat ukrainien en dehors des frontières soviétiques. Il réclamera donc la Bucovine, dont seule la partie nord lui sera accordée. Désormais les Soviétiques n’invoqueront plus dans leurs communiqués le droit à recouvrer des territoires « historiquement russes », mais celui d’unifier l’Ukraine.
Figure 5 : Une toponymie marquée par les modifications territoriales
18 Le 30 août 1940, par l’arbitrage de Vienne, Hitler et Mussolini attribuent à la Hongrie le Nord-Ouest de la Transylvanie.
19 Le 7 septembre 1940, par le traité de Craiova, la Bulgarie obtient le Sud de la Dobroudja.
20 Dès novembre 1940, Staline charge le chef de la diplomatie soviétique, Molotov, de faire valoir de nouvelles revendications sur le Sud de la Bucovine, demeurée roumaine, et, pour se faire, de convaincre Hitler de laisser son allié roumain être dépouillé une seconde fois en échange d’une alliance militaire totale. Devant le refus allemand, motivé par la nécessité de ménager un allié roumain lui fournissant une grande part de son pétrole [10], le Maréchal Timochenko et le général Joukov sont chargés de mettre au point un plan d’invasion prévu pour le 6 juillet 1941 [11], attaque finalement devancée par l’opération Barbarossa le 21 juin 1941.
Figure 6 : Ukraine et Roumanie en 1940
21 A la veille de son entrée en guerre aux côtés de l’Allemagne nazie le territoire de la Roumanie se trouve considérablement réduit. L’opération Barbarossa lui permettra de trouver quelques compensations à son alliance désastreuse avec les forces de l’Axe. Quelques jours seulement après son engagement aux côtés des troupes allemandes dans le plan d’invasion de l’Union soviétique, le 26 juillet 1941, la Roumanie retrouve ses frontières orientales d’avant 1940 sur le Ceremus et le Dniestr, récupérant ainsi la Bucovine et la Bessarabie dans leur intégralité. Quelques semaines plus tard la Roumanie occupe la zone comprise entre le Dniestr et le Bug jusqu’à Odessa, qu’elle baptise Transnistrie [12].
22 Le reflux des armées allemandes et roumaines en Ukraine se soldera toutefois par la prise le 30 mars 1944 de Czernowitz [13], d’Odessa le 10 avril, de Chisinau le 24 août.
23 Le brutal changement de camp de la Roumanie et la signature d’un armistice roumano-soviétique à Moscou le 12 septembre 1944 entérinera le retour aux frontières telles qu’énoncées dans l’ultimatum de 1940 en y incluant quelques modifications au profit de l’URSS.
Limites ethniques et étatiques
24 La place de la question du peuplement ethnique fut en apparence primordiale dans les modifications de frontières de 1918 à 1945.
25 L’annexion du Sud du Maramures, de la Bucovine et de la Bessarabie se fit au nom du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, dans l’idée de réunir dans un même Etat une nation auparavant dispersée.
26 Tout aurait été pour le mieux si certaines ambiguïtés n’étaient demeurées après la constitution de la Grande Roumanie.
27 Tout d’abord le peuplement roumain dans les régions nouvellement acquises au Nord et à l’Est du pays n’était pas uniforme. Des zones entières sur la frontière étaient peuplées majoritairement de Slaves et auraient du, en suivant la même logique que celle qui avait aboutie à attribuer ces régions à l’Etat roumain, faire l’objet d’un re-découpage qui n’était pas impossible puisqu’il avait eu lieu dans le cas du Maramures.
28 Apparut donc le concept d’aire de « peuplement historique », qui seul permettait de justifier pleinement l’occupation de la totalité de la Bucovine, possession moldave jusqu’en 1775, mais qui depuis, en raison d’une intense politique coloniale des Habsbourg, avait vu le rapport de forces avec les autres groupes ethniques tourner en défaveur de l’élément roumain [14].
29 En 1910, les Roumains ne représentaient plus que 38 % de la population de la province contre 42 % de Ruthènes massivement présents au Nord.
30 On le voit ici, si l’idée de « continuité du peuplement » avait primé, seul le sud de la province, majoritairement roumain, aurait été rattaché à la Roumanie. Au pire, considérant que les Ukrainiens constituaient [15] depuis 1880 le groupe ethnique le plus important numériquement, la province entière aurait pu basculer dans l’orbite de la faible République Démocratique d’Ukraine bientôt phagocytée par la République Socialiste Soviétique d’Ukraine.
31 L’absence d’une élite ruthène-ukrainienne conséquente, crédible sur la scène internationale, et influente pour la masse rurale des ruthènes explique que - malgré une tentative pour mettre la main sur la province au nom de la république ukrainienne [16] - les revendications roumaines aient été privilégiées. En outre, les exigences d’un rempart contre le bolchevisme, dont la Roumanie devait constituer un maillon essentiel dans un contexte de totale déliquescence de la République démocratique ukrainienne, expliquent que les arguments des représentants roumains à Saint Germain, dont celui du peuplement historique, aient été retenus pour légitimer leur présence en Bucovine.
32 La plupart des groupes ethniques acceptèrent plutôt bien l’occupation roumaine d’autant plus que le parti roumain avait toujours dominé la vie politique de la diète locale [17].
33 En Bessarabie du Nord se posa aussi le problème de la continuité du peuplement. Le rattachement de la province, majoritairement peuplée d’Ukrainiens et de Russes, fut justifié par le fait que la Bessarabie était une ancienne province moldave annexée arbitrairement à l’Empire russe en 1812.
34 Considérant la légitimité historique de l’Etat moldave sur cette région, mais aussi le fait qu’à l’échelle de toute la Bessarabie l‘élément roumain demeurait majoritaire, le département de Hotin fut incorporé à la Grande Roumanie.
35 En Bessarabie du sud, le rapport entre l’élément roumain et les autres groupes ethniques, (Bulgares, Gagaouzes, Allemands, Russes, Ukrainiens) lui était peu favorable, les Roumains ne constituant pas un peuplement homogène sur l’ensemble du territoire de la région. La présence d’une forteresse, construite par les Moldaves à Cetatea Alba à la fin du XVème siècle, occupée puis reconstruite par les Génois, les Lithuaniens, les Tatars, les Turcs et les Russes, constitua longtemps, pour ceux qui cherchaient à la justifier, la seule preuve tangible de la légitimité roumaine dans cette zone [18] …
Un paysage ethnique transformé.
36 Aujourd’hui, suite aux nombreux déplacements de populations [19] ,et aux politiques d’assimilation mises en place à l’issue de la seconde guerre mondiale – dont la plus célèbre est la politique de « systématisat,ion des différences nationales » ordonnée par Ceausescu à partir de 1974 - le paysage ethnique a radicalement changé…
37 Leur efficacité semble démontrée par les résultats des recensements :71, 9 % de Roumains en Roumanie en 1930, 73, 1 % en 1940, 85,7 % en 1956, 88,1 % en 1977, 89,4 % en 1992, 89,5 % en Roumanie en 2002…
Sources : Recensements roumains 1930 – 2002.
Figure 7 : Une prépondérance de l’élément roumain qui s’affirme.
38 Tout comme en Roumanie, l’assimilation des éléments allogènes en Ukraine fut intense dans l’immédiat après-guerre. Elle s’explique par la brutalité des méthodes employées : déportations (en Sibérie pour la plupart, mais aussi en Asie centrale), élimination physique de l’intelligentsia, substitution à cette intelligentsia allogène de cadres russophones ou ukrainophones, implantation massive de personnes déplacées originaires de Russie ou d’autres régions d’Ukraine dévastées par le conflit. Cette politique intense de réduction des minorités menée ouvertement jusqu’en 1953 devint, à partir de la mort de Staline, une politique d’assimilation culturelle ou linguistique, visant surtout les générations n’ayant pas connu la guerre. Les moyens considérables mis à la disposition des objectifs éducatifs de l’Union soviétique expliquent grandement le succès rencontré par la politique d’assimilation, qui ne se limita pas aux seules populations minoritaires, puisqu’elle toucha aussi une grande partie de la population ukrainienne.
39 La fonte des éléments allogènes et leur fusion dans l’élément ukrainien ou russe s’est considérablement ralentie dès le début des années 90 et l’obtention de l’indépendance pour l’Ukraine, le réveil identitaire ukrainien ayant aussi provoqué celui des minorités du nouvel Etat voire la réapparition d’une forme de régionalisme exacerbée chez certaines populations de l’ethnos ukrainien [20]. Cependant, le processus continue de façon presque naturelle, avec un facteur nouveau : le renforcement de l’élément ukrainien aux dépends des populations russes ou russisées : 73,6 % d’Ukrainiens et 21,1 % de Russes en 1992, 77,8 % d’Ukrainiens et 17, 3 % de Russes en 2001.
Sources : Recensements soviétiques, 1939 - 1979, Recensements ukrainiens 1992, 2001.
Figure 8 : Une population ukrainienne qui s’impose tardivement
aux dépends de l’élément russe.
Une frontière historique ?
40 La frontière actuelle, héritée de la seconde guerre mondiale, séparant les Etats ukrainien et roumain ne correspond ni à une ligne de démarcation ethnique, ni à un antique découpage territorial.
41 La frontière sépare d’Ouest en Est, des provinces historiques comme le Marmarosz, partagée désormais entre Transcarpathie (Ukraine) et Maramures (Roumanie) ou la Bucovine partagée entre Oblast’ de Tchernivtsy (Ukraine) et Judet de Suceava (Roumanie). La Bessarabie du Nord et le District de Herta, quant à eux, ont été ajoutés à la nouvelle entité territoriale, reprenant pour l’essentiel le tracé de la Bucovine du Nord (Oblast’ de Tchernivtsy). La Bessarabie du Sud appelée aussi Boudjak fut partagée entre la République moldave, constituée en partie par la récente république autonome des Gagaouzes, et l’Ukraine, où elle fut rattachée à l’Oblast’ d’Odessa.
42 On le constate aisément, la frontière produite par les évènements de 1940, par le rattachement des territoires acquis sur la Roumanie, puis par l’indépendance de l’Ukraine, ont produit une frontière qui ne reflète aucune ancienne construction étatique ou régionale.
Sources : Ioan Nistor, Comuna si Judetul, evolutia istorica, Bucarest, Dacia, 2000, Atlas pentru istoria româniei, Bucarest, Editura Didactica, 1983.
Figure 9 : Découpage administratif et régions historiques en 1939.
43 Le Marmarosz, dépendant tout au long de son histoire de la couronne de Saint Etienne, est aujourd’hui partagé entre Ukraine et Roumanie sans que les deux régions issues de son découpage revendiquent réellement une histoire commune.
44 La Transcarpathie s’achemine de plus en plus vers l’autonomie d’un espace que beaucoup, à Oujgorod, Hust, ou Munkatchevo souhaiteraient voir rebaptiser Ruthénie subcarpatique. Le Maramures, quant à lui, continue de s’identifier de plus en plus comme le conservatoire des traditions populaires et de l’esprit roumain carpatique.
45 La Bucovine, résultat de l’annexion du cœur historique de l’Etat moldave par les Autrichiens en 1775, et demeurée province autonome jusqu’en 1918, reste encore très présente comme référent territorial dans l’esprit de ses habitants de part et d’autre de la frontière. Le découpage actuel de la région de Tchernivtsy, ainsi que celui du département de Suceava, ne correspondent pas tout à fait aux limites de l’ancienne province autrichienne. A la Bucovine du Nord ont été rattachés le district de Herta, dépendant jusqu’en 1940 du département de Dorohoi, et la Bessarabie du Nord, alors « département de Hotin » dans le découpage administratif roumain, et auparavant extrémité nord de la province de Bessarabie sous domination russe.
46 A la Bucovine du Sud, les autorités roumaines ajoutèrent un district entier, constitué par l’ancien département de Baia et le nord du département de Neamt, représentant pratiquement un tiers de la superficie de l’ensemble. Dans l’immédiat après-guerre, dans le cadre de la réorganisation du pays, devenu Démocratie Populaire, le département de Suceava [21] comprenait même l’actuel département de Botosani, ce qui lui faisait épouser presque parfaitement les contours de la région de Tchernivtsy. Cette réorganisation laisse à penser que les Roumains souhaitaient créer un contrepoids à la nouvelle construction territoriale bâtie au Nord, issue du démembrement de la Bucovine historique.
47 La partie de la Bessarabie du Sud rattachée à l’Ukraine (d’Ismail à Belgorod), où l’élément ukrainien est nettement prépondérant depuis que la minorité allemande a été dispersée, constitue désormais la partie occidentale de la région d’Odessa.
Sources : Ioan Nistor, Comuna si Judetul, evolutia istorica, Bucarest, Dacia, 2000, Atlas pentru istoria româniei, Bucarest, Editura Didactica, 1983.
Figure 10 : Anciens et nouveaux territoires sur la frontière roumano-ukrainienne.
48 La frontière roumano-ukrainienne, héritage des visées expansionnistes soviétiques staliniennes, coupe donc trois régions dites historiques d’Ouest en Est : Le Marmarosz, la Bessarabie, La Bucovine, aboutissant ainsi à la reconstitution de nouvelles entités régionales qui possèdent maintenant, pour certaines, des identités fortes.
La place des minorités dans les Traités bilatéraux
49 De part et d’autre, la question des minorités est avancée comme étant le problème central des relations roumano-ukrainiennes. L’évolution positive de la situation d’une population roumaine s’élevant à 410 000 individus selon le recensement ukrainien de 2001, tient à cœur à beaucoup de citoyens roumains, solidaires avec une population qu’ils considèrent comme opprimée et qui leur rappelle la grandeur passée et pas si lointaine de leur Nation.
50 Près de 61 000 Ukrainiens vivent en Roumanie [22], pour leur grande majorité sur la frontière même qui sépare les deux Etats depuis 1940. L’essentiel de la minorité roumaine en Ukraine vit dans des zones de peuplement compact, elles aussi situées sur l’actuelle frontière.
51 On peut s’étonner alors, en se penchant sur l’histoire de cette frontière et des relations bilatérales entre Union soviétique – puis Ukraine - et Roumanie, de voir la question des minorités soulevée, d’une part pour défendre le tracé actuel, d’autre part pour le contester.
52 C’est en effet au nom de la réunion de tous les Ukrainiens dans un même Etat, alors la République socialiste soviétique d’Ukraine, que Staline envahit, suite à un ultimatum le Nord du Royaume de Roumanie le 28 juin 1940.
53 Les objectifs réels de Staline restent aujourd’hui encore obscurs, mais il semble que les conquêtes de la Bessarabie et de la Bucovine du Nord s’inséraient dans un plan global pour l’Europe du Sud-Est, plan préfigurant peut-être le futur rideau de fer. La première étape de ce plan avait été l’invasion [23] puis l’annexion le 29 septembre 1939 de l’Est de la Pologne, la seconde devait débuter en juin 1940.
54 L’arrivée de l’Union soviétique dans le camp des alliés lui permit de faire valider successivement auprès des Britanniques, puis des Américains, la situation héritée de l’ultimatum du 26 juin 1940 adressé au gouvernement roumain. Les revendications soviétiques sur la frontière roumano-ukrainienne acquièrent alors une certaine légitimité.
55 Légitimité validée par le Traité Anglo-soviétique du 26 mai 1942 contenant une clause secrète abandonnant la Bucovine du Nord et la Bessarabie à l’URSS. Cette clause acceptée par les Américains lors des rencontres des 12-19 mars 1943 entre Anthony Eden, chef du Foreign Office, le secrétaire d’Etat Cordell Hull et le Président Roosevelt, le fut de manière officielle lors de la conférence des ministres des affaires étrangères des trois grands à Moscou du 18-30 octobre 1943 [24] .
56 Enfin, le 10 février 1947 fut signé à Paris, en présence de tous les belligérants, un Traité de paix entre la Roumanie et ses alliés, qui lui rendait le contrôle total de la Transylvanie mais confirmait de manière définitive l’annexion soviétique de la Bucovine du Nord et de la Bessarabie.
57 Le 4 février 1948, le Traité sera complété par le protocole dit « de Moscou », qui cède à l’URSS l’île des serpents, îlot inhabité qui fut russe de 1829 à 1856, ainsi que le déplacement de la frontière Roumano-ukrainienne vers le Sud, le long du bras Chilia du Danube jusqu’à son embouchure.
58 On suppose, au regard de sa politique dans l’immédiat après-guerre, que Staline ambitionnait, probablement avant l’opération Barbarossa, la création d’un Etat fantoche moldave recouvrant les limites de l’ancienne principauté moldave, voire son annexion totale. On peut également supposer que Staline ait souhaité annexer la Bulgarie et qu’il ait eu besoin pour cela d’arracher la Dobroudja, unique accès à la mer de la Roumanie, à son voisin latin.
59 Finalement le placement de la Roumanie dans l’orbite soviétique mettra fin à une série de projets déjà évoqués sous le règne de l’Impératrice Catherine II, et Staline se contentera de miettes : quelques ramifications d’un bras du Danube et l’Île des serpents en guise de compensation pour l’agression roumaine de juillet 1941.
60 L’histoire reprendra son cours en 1990 lors des bouleversements géopolitiques que l’on connaît.
61 Après quelques années d’incertitudes, qui atteignirent leur paroxysme avec une amorce de guerre civile en république moldave (qui s’apprêtait, semble t’il, à s’engager sur la voie d’un rattachement à la Roumanie), suivie d’une démonstration de force, brutale, du grand frère russe, qui finalement ramena à la réalité d’un rapport de force toujours défavorable la diplomatie roumaine (en fait pragmatique et privilégiant avant tout une politique de stabilité des frontières), la Roumanie et l’Ukraine signeront le 2 juin 1997 un Traité d’amitié.
62 Traité d’amitié de 10 ans dans lequel la Roumanie abandonne ses revendications sur le Nord de la Bucovine, le District de Herta, les Bessarabie du Nord et du Sud.
63 Cette recherche de normalisation des relations avec l’Ukraine avait surtout pour but d’accélérer le processus d’adhésion à l’OTAN de la Roumanie. Le Sommet de Madrid, la même année, repoussera finalement l’adhésion de la Roumanie jusqu’en 2002. Mais ce traité révèle surtout que le véritable enjeu des relations roumano-ukrainienne est le contrôle de l’Île des Serpents, île inhabitée, sans sources d’eau potable, mais permettant à l’Etat possesseur de l’île de revendiquer une part d’un vaste gisement de pétrole situé dans son voisinage direct.
Figure 11 : Ukraine et Roumanie en 2005 : une frontière sous tension.
64 Ce traité résout les principaux problèmes concernant la minorité roumanophone d’Ukraine et réaffirme ses droits primordiaux. Mais cet aspect n’a pas été médiatisé en Roumanie, ce qui permet à certains politiques, particulièrement les élus du puissant PRM, le Parti de la Grande Roumanie, de continuer à alimenter la polémique autour de la situation des populations roumanophones d’ex-Union Soviétique. De l’autre côté de la frontière l’existence d’une minorité ukrainienne en Roumanie est très largement méconnue contrairement à celles qui vivent en Pologne et Slovaquie, connues, parfois, sous l’appellation de Ruthènes, ou, encore, des populations des régions de Gomel, en Biélorussie, Koursk, Belgorod voire Rostov-sur-le-Don en Fédération de Russie, sans parler de l’influente communauté Ukraino-Canadienne massivement présente au Manitoba et Saskatchewan depuis la fin du XIXème siècle.
65 Le fait que la minorité ukrainienne de Roumanie soit peu connue en Ukraine s’explique avant tout par son manque de dynamisme. Entre 1992 et 2002, dates des deux derniers recensements roumains leur nombre est passé de 66 000 à 60 000, chiffres qui ne reflètent pas l’état réel de délitement d’une communauté qui rejette l’identité et la langue ukrainienne. C’est particulièrement vrai dans le Delta du Danube où vivent des descendants des Cosaques Zaporogues réfugiés sur le bras Saint Georges du fleuve suite à la destruction de la Sitch cosaque en 1775. Mais aussi, à moindre échelle, dans les Carpates où se développe l’identité régionale ruthène aux dépends de l’identité nationale ukrainienne.
66 Le contraste s’avère saisissant lorsque l’on compare la situation des Roumains d’Ukraine à celle des Ukrainiens vivant sur le territoire de la Roumanie. Après 1991 les Roumanophones d’Ukraine ont rapidement reconstitué leurs associations culturelles et pu bénéficier de la politique des nationalités en vigueur, jadis, en Union soviétique, principalement d’un point de vue scolaire, avec l’ouverture d’écoles, lycées et chaires de roumain à l’Université. L’exemple le plus frappant, car le plus complet, d’un réseau d’enseignement en langue roumaine se trouve en Bucovine du Nord où, de l’école primaire à l’Université, l’élève puis l’étudiant peut suivre un enseignement bilingue.
67 Dès lors on peut se poser la question suivante : si les revendications politiques des Roumains d’Ukraine ont été muselées depuis plus de 10 ans, comment seront elles entendues dans les années à venir alors qu’est formée une nouvelle génération d’intellectuels roumanophones qui se tourne avec envie vers une « mère patrie » qui devrait l’intégrer l’Union Européenne en 2007 ?
68 Cette question reste en suspend même si on peut supposer que cette intelligentsia roumaine se cantonnera dans des revendications d’ordre culturel, et que les gouvernements à venir à la tête de la Roumanie ne risquent pas de les inciter à l’irrédentisme, adhésion à l’Union européenne oblige…
69 En fait, si l’on a vu récemment les diplomaties roumaine et ukrainienne s’agiter autour de la situation de leurs minorités nationales dans chacun de ces pays c’est que cette question joue, avant toute chose, le rôle d’un épouvantail.
70 Le véritable enjeu du ballet diplomatique roumano-ukrainien est, d’abord, le contrôle de l’Île des Serpents et de ses richesses pétrolières. Enjeu devenu primordial dans un contexte de difficultés économiques chroniques.
71 Ces difficultés économiques soulignent la double problématique Carpatique et Danubo-Pontique de la frontière roumano-ukrainienne.
72 Pour résumer la situation, la frontière carpatique des deux Etats est celle qui a le caractère arbitraire le plus avéré. Elle ne constitue ni un tracé linéaire s’appuyant sur une configuration physique particulière, ni une limite culturelle, linguistique, ethnique ou même historique. A priori elle représente une source de discorde intarissable entre les deux pays. Pourtant au delà des discours le véritable enjeu de la frontière roumano-ukrainienne se trouve bien plus au Sud sur les limites occidentales du Boudjak.
73 Car le Boudjak cristallise à lui seul la plupart des conflits d’intérêts entre Roumanie, Ukraine et Moldavie. Autour de Reni, d’abord, les tensions sont nombreuses entre République Moldave et Ukraine. Suite à la cession par le gouvernement moldave de quelques kilomètres de la route reliant la ville ukrainienne de Reni, sur le Danube, au chef lieu de la région, Odessa [25], la frontière moldave traversant près de trois fois sur 7, 7 kilomètres la route en question, les deux gouvernements, se sont entendus une première fois le 17 août 1999 sur la rectification de la frontière. Mais cette cession a fait l’objet de manifestations de nationalistes moldaves, qui occupèrent sporadiquement les 7,7 kilomètres en question.
74 Tout près de Reni, encore, au sud du village de Giurgiulesti, les 300 mètres de rivage danubien appartenant à la Moldavie qui lui permettent d’avoir un accès à la Mer noire ont fait l’objet de conflits d’intérêts entre Ukraine et Moldavie. Rétrocédés par l’Ukraine à la Roumanie en 1993, ils ont été en partie occupés en mars 1998 par un détachement de l’armée ukrainienne. Cette occupation visait à empêcher la poursuite des travaux d’aménagement d’un terminal pétrolier à Giurgiulesti, projet, qui, si il était mené à bien, nuirait fortement au port de Reni où existe déjà ce type d’installation. La tension semble aujourd’hui retombée même si la République moldave n’a pas renoncé à son projet, ayant fait appel à une société azerbaïdjanaise, Azpetrol, pour achever en 2005 le terminal pétrolier en question mais aussi un port de fret et de passagers. Dans cette optique a été ouvert dès 1999 un poste frontière pour faciliter le passage entre le port roumain de Galati et la République moldave.
75 Toujours au niveau de Reni, devenue, depuis 2000, zone de libre-échange, l’inauguration du canal de Bystroe, le 26 août 2004, a provoqué l’indignation des autorités roumaines. Ce canal, rénové, devrait être ouvert à la circulation de navires de gros tonnage, leur permettant de rejoindre l’Ukraine sans s’acquitter des taxes roumaines dès 2005.
76 Les représentants roumains auprès du conseil de l’Europe et de l’Union Européenne ont demandé leur soutien pour que le projet ukrainien n’aboutisse pas, et cela au nom de « l’équilibre de l ‘écosystème du Delta du Danube »…
2007 : La frontière après la frontière
77 On l’a vu, un nombre considérable de questions restent posées au sujet de l’avenir de cette frontière. En raison d’un certain nombre de problèmes de voisinages, le tracé de la frontière roumano-ukrainienne demeure une zone de tension internationale et cela malgré de multiples rencontres bilatérales entre diplomates roumains et ukrainiens.
78 Mais qu’adviendra-t-il de ces tensions après l’adhésion de la Roumanie à l’Union Européenne ? A deux ans de son entrée dans l’UE, la limite entre les deux Etats est interprétée par certains comme une ligne de fracture entre deux mondes, presque un remake de la guerre froide : d’un côté la prospère confédération européenne, démocrate, parlementaire et policée, de l’autre, encore le monde russe, c’est tout dire.... Cet axiome simpliste pourrait résumer un mythe ancien, celui du modèle européen, c’est à dire, déjà bien avant l’UE, d’un espace politique et civilisationnel développé qui doit se défendre et établir des frontières solides et viables avec ses voisins, c ‘était le cas entre 1918 et 1939, ce fut encore le cas encore entre 1945 et 1989. Pour nombre d’analystes, la frontière orientale de l’Union Européenne en 2007 constituera un nouveau rideau de fer. Cette formule choc est malheureuse car elle se base sur des considérations socio-économiques, notamment l’afflux de migrants originaire d’Europe de l’Est vers l’Ouest, mais méprise de manière intrinsèque la capacité des peuples situés à l’Est de ce tracé à développer leur propre modèle démocratique. La révolution orange en Ukraine, qui a abouti à la tenue d’un nouveau scrutin présidentiel en Ukraine et finalement à l’élection de Viktor Iouchtchenko - sur le modèle des évènements qui ont aboutis à l’arrivée au pouvoir de Mikhaïl Saakachvili en Géorgie - démontre, au contraire, l’émergence d’un modèle démocratique abouti soutenu par les masses populaires à l’est de l’Union Européenne.
Figure 12 : Entre Roumanie et Ukraine : la République moldave en 2005, un Etat à l’avenir incertain.
79 A partir de 2007, donc, la frontière roumano-ukrainienne prendra une autre portée. De frontière entre deux pays ayant un lourd contentieux, elle deviendra tout à coup la frontière orientale de l’Europe unifiée [26] , ce qui permettra sans doute de désamorcer nombre de crises. Ce sera en tout cas dans l’intérêt de l’Ukraine d’assouplir sa politique étrangère à l’égard de ses voisins moldave et roumain si elle veut rejoindre cette Europe. Ce sera aussi dans celui de la Roumanie si elle veut parvenir à la résolution de la question moldave.
80 Car, paradoxalement, l’entrée de la Roumanie dans l’Union Européenne risque de rendre toute son acuité au problème moldave. Après pratiquement dix années durant lesquelles la Roumanie s’est abstenue d’intervenir directement dans les affaires moldaves, et plus particulièrement sur la question transnistrienne, 2007 risque de marquer son retour dans le ballet diplomatique dont elle était absente.
81 En effet, depuis 1992 - année durant laquelle les sécessionnistes russophones de la rive orientale du Dniestr proclamèrent l’indépendance de la République de Transnistrie et parvinrent à défaire les troupes gouvernementales de Chisinau grâce à l’appui d’un contingent russe présent dans la région, contrecarrant ainsi le projet de réunification de la « Bessarabie » à la Roumanie - les gouvernements successifs à la tête de l’Etat roumain se sont tenus à l’écart de la question.
Figure 1 : Ukraine et Roumanie en Janvier 1918
2 Dans les mois qui suivent l’effondrement de la monarchie austro-hongroise est proclamée à Lviv la République Démocratique d’Ukraine Occidentale qui réunit les Ruthènes, c’est à dire les populations ukrainiennes, de l’ex-Empire austro-hongrois. Ce second Etat ukrainien dont l’indépendance est proclamée le 1er novembre 1918 est bientôt victime d’une agression polonaise tandis qu’au Sud, en Ruthénie Subcarpatique, ancienne province hongroise du Marmarosz, les communautés s’opposent au cours d’émeutes sanglantes : Juifs, Ukrainiens et Roumains dans les campagnes, Ukrainiens et Hongrois dans les villes d’Oujgorod ou Munkatchevo.
Figure 2 : La situation de l’Ukraine et de la Roumanie en Janvier 1919
3 Le processus de construction nationale ukrainien semble considérablement remis en cause alors que la Galicie orientale passe totalement sous contrôle polonais en mai 1919, et que la Ruthénie Subcarpatique choisit de s’unir au nouvel Etat tchécoslovaque qui lui garantit une autonomie assez large. L’Ukraine de l’Ouest qui jouait jusque là le rôle d’Etat tampon disparaît et la situation devient dès lors intenable pour les partisans de l’indépendance confrontés aux Bolcheviques à l’Est, aux armées blanches au Sud et désormais aux Polonais à l’Ouest.
4 La Roumanie de son côté, vaincue militairement par les Empire centraux en Décembre 1917 parvient à profiter en Avril 1918 de la situation régnant en Ukraine pour annexer la Bessarabie, rattachée administrativement, à l’époque tsariste, à l’Ukraine du Sud. La défaite des Empire centraux lui permet de faire valoir ses droits sur les provinces roumaines de l’ancien Empire austro-hongrois en les occupant dès novembre 1918.
5 Par la suite, les traités de Trianon et Saint Germain, entérineront l’annexion de la Transylvanie, du Banat et du Maramureş aux dépends de la Hongrie, de la Bucovine pour l’Autriche. La Roumanie hérite donc officiellement des territoires peuplés de Roumains de l’ancienne double Monarchie tandis que l’annexion de la Bessarabie, partie orientale de la Moldavie arrachée à celle-ci en 1812 dans le contexte de l’antagonisme russo-turc se voit toujours contestée par l’Union soviétique qui crée en 1924 une république autonome de Moldavie sur la rive orientale du Dniestr pour asseoir ses revendications sur la province.
Figure 3 : Ukraine et Roumanie en Octobre 1924
6 Fruit de l’union des deux principautés roumaines de Moldavie et de Valachie, le Royaume de Roumanie, grâce à ces modifications de frontières, a vu doubler sa superficie et sa population, et le rapport entre roumanophones et minorités s’en est trouvé radicalement changé. Ces minorités, pratiquement absentes statistiquement du Vieux-Royaume, atteignent, en 1930, 30 % de la population.
7 Avec 1 425 000 Hongrois en Transylvanie, 745 000 Allemands en Transylvanie, Banat et Bucovine, 991 000 Ukrainiens et Russes en Bessarabie et Bucovine, 728 000 Juifs, la Roumanie se trouve alors brutalement confrontée, en même temps qu’au problème du maintien et de la justification de ses nouvelles frontières, à la question de ses minorités, représentant toutes l’ancien élément ethnique impérial. Les Allemands et les Juifs [1], populations germanophones représentent pour les autorités roumaines un vestige de la présence Habsbourg au même titre que les Hongrois. Ukrainiens et Russes sont, quant à eux, considérés dans leur ensemble comme des colons de l’Empire russe. Seule exception : les Ukrainiens dits « Ruthènes » de Bucovine, constituant dans la province le premier groupe ethnique en importance numérique et dont l’implantation relativement récente dans la plupart des cas avait été encouragée par l’administration autrichienne. Notons aussi l’existence des populations turques et tatares de Dobroudja [2] ,, témoins d’une longue présence ottomane sur les rives de la Mer noire (Fig. 4).
Sources : Spatiul istoric si etnic românesc, editura militara, Bucarest, 1993.
Atlas ethnographique de la Roumanie, Institutul de arte grafice, Bucarest, 1938.
Figure 4 : Le paysage ethnique de la Roumanie dans l’Entre-deux-guerres.
8 Dès lors, durant toute l’entre-deux-guerres se posera la question des irrédentismes réels ou perçus comme tels dans un pays connaissant tout à coup une inversion de valeurs. De peuple colonisé aspirant à l’unité nationale, l’élément roumain devient tout à coup impérial, toutes ses frontières, à l’exception des rives du Danube, faisant subitement l’objet de contestations de la part de ses voisins, au nom du même droit des peuples à disposer d’eux-mêmes qui avait provoqué son entrée en guerre en 1916 contre les Empires centraux aux côtés de l’Empire russe, avec qui le jeune Etat balkanique avait déjà un différend au sujet de sa frontière orientale. Dans ce contexte, la Roumanie adapte sa politique selon les régions et les groupes ethniques.
9 Aux Allemands, Saxons de Transylvanie et Souabes du Banat et de Bucovine, elle garantit une autonomie relativement large.
10 Aux Hongrois, très hostiles dans l’entre-deux-guerres à l’Etat roumain et ouvertement irrédentistes avec l’appui de la Hongrie, elle tente d’imposer des mesures qui visent officiellement à re-roumaniser la Transylvanie.
11 Ces mesures reviennent en réalité à démagyariser cette région, fief de la couronne de Saint Etienne depuis neuf siècles [3]. On exige dès lors, pratiquement du jour au lendemain, des fonctionnaires magyars, une connaissance approfondie du roumain ce qui équivaut à purger l’administration de ses cadres hongrois pour les remplacer par des roumains. Dans un même temps le nombre de groupes d’enseignement scolaire en langue hongroise, langue officielle de la Transleithanie [4] jusqu’à son morcellement en 1918, est considérablement réduit et dès 1923 est introduit le numerus clausus [5] dans les Universités.
12 En Bucovine et en Bessarabie, les Ukrainiens, appelés aussi Ruthènes, et les Russes subissent la même politique d’assimilation, mais en l’absence d’une véritable élite structurée (c’est le cas surtout chez les Ukrainiens) et de sentiments nationaux exacerbés - l’Ukraine et la Russie étant devenues soviétiques - ces populations se plient tant bien que mal aux nouvelles contraintes qui leur sont imposées dans le cadre de l’Etat national roumain.
13 Les Bulgares, quant à eux, présents surtout en Dobroudja du Sud surnommée « le quadrilatère », mais aussi en Bessarabie du Sud, très massivement ruraux et ne possédant que peu d’intellectuels dans leurs rangs, subissent l’expérience d’une assimilation par le biais du système scolaire, expérience qui tournera court puisque interrompue par les bouleversements de l’année 1940.
14 La frontière roumano-ukrainienne actuelle est précisément un héritage de cette année 1940 où, suite au pacte Ribbentrop – Molotov, la Roumanie subira une série de modifications de frontières au bénéfice de ses voisins alliés à l’Allemagne nazie, et cela bien qu’elle même ait choisi de se ranger aux côtés du Reich.
15 Le 26 juin 1940, l’URSS donne un ultimatum à la Roumanie. Les troupes et l’administration doivent évacuer la Bucovine du Nord et la Bessarabie sous 48 heures.
16 Le 28 juin 1940, l’Armée rouge franchit le Dniestr. Les positions soviétiques en Bucovine et Bessarabie du Nord si elles ne correspondent pas à une logique ethnique, permettent en revanche de contrôler des vallées correspondant à des axes stratégiques pour une attaque éventuelle de la Roumanie.
17 Cinq jours auparavant, le 23 juin 1940, Molotov informait Berlin de la volonté de l’URSS de s’emparer de la Bessarabie (comme prévu par le Pacte Molotov-Ribbentrop ) mais aussi de la Bucovine toute entière. L’Allemagne protesta, rappelant que la Bucovine n’avait jamais été ni russe ni ukrainienne mais autrichienne de 1775 à 1918, qu’une importante minorité germanophone y habitait [6], et que les Ukrainiens n’y étaient pas majoritaires [7]. Molotov recula, se contentant du Nord pour contrôler la ligne ferroviaire Chisinau-Cernauti-Lvov [8], mais aussi pour contrecarrer le projet allemand de création d’un Etat fantoche « ruthène carpatique », formé d’une partie de la Bucovine [9]. Staline ne pouvait, en effet, tolérer la constitution d’un Etat ukrainien en dehors des frontières soviétiques. Il réclamera donc la Bucovine, dont seule la partie nord lui sera accordée. Désormais les Soviétiques n’invoqueront plus dans leurs communiqués le droit à recouvrer des territoires « historiquement russes », mais celui d’unifier l’Ukraine.
Figure 5 : Une toponymie marquée par les modifications territoriales
18 Le 30 août 1940, par l’arbitrage de Vienne, Hitler et Mussolini attribuent à la Hongrie le Nord-Ouest de la Transylvanie.
19 Le 7 septembre 1940, par le traité de Craiova, la Bulgarie obtient le Sud de la Dobroudja.
20 Dès novembre 1940, Staline charge le chef de la diplomatie soviétique, Molotov, de faire valoir de nouvelles revendications sur le Sud de la Bucovine, demeurée roumaine, et, pour se faire, de convaincre Hitler de laisser son allié roumain être dépouillé une seconde fois en échange d’une alliance militaire totale. Devant le refus allemand, motivé par la nécessité de ménager un allié roumain lui fournissant une grande part de son pétrole [10], le Maréchal Timochenko et le général Joukov sont chargés de mettre au point un plan d’invasion prévu pour le 6 juillet 1941 [11], attaque finalement devancée par l’opération Barbarossa le 21 juin 1941.
Figure 6 : Ukraine et Roumanie en 1940
21 A la veille de son entrée en guerre aux côtés de l’Allemagne nazie le territoire de la Roumanie se trouve considérablement réduit. L’opération Barbarossa lui permettra de trouver quelques compensations à son alliance désastreuse avec les forces de l’Axe. Quelques jours seulement après son engagement aux côtés des troupes allemandes dans le plan d’invasion de l’Union soviétique, le 26 juillet 1941, la Roumanie retrouve ses frontières orientales d’avant 1940 sur le Ceremus et le Dniestr, récupérant ainsi la Bucovine et la Bessarabie dans leur intégralité. Quelques semaines plus tard la Roumanie occupe la zone comprise entre le Dniestr et le Bug jusqu’à Odessa, qu’elle baptise Transnistrie [12].
22 Le reflux des armées allemandes et roumaines en Ukraine se soldera toutefois par la prise le 30 mars 1944 de Czernowitz [13], d’Odessa le 10 avril, de Chisinau le 24 août.
23 Le brutal changement de camp de la Roumanie et la signature d’un armistice roumano-soviétique à Moscou le 12 septembre 1944 entérinera le retour aux frontières telles qu’énoncées dans l’ultimatum de 1940 en y incluant quelques modifications au profit de l’URSS.
Limites ethniques et étatiques
24 La place de la question du peuplement ethnique fut en apparence primordiale dans les modifications de frontières de 1918 à 1945.
25 L’annexion du Sud du Maramures, de la Bucovine et de la Bessarabie se fit au nom du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, dans l’idée de réunir dans un même Etat une nation auparavant dispersée.
26 Tout aurait été pour le mieux si certaines ambiguïtés n’étaient demeurées après la constitution de la Grande Roumanie.
27 Tout d’abord le peuplement roumain dans les régions nouvellement acquises au Nord et à l’Est du pays n’était pas uniforme. Des zones entières sur la frontière étaient peuplées majoritairement de Slaves et auraient du, en suivant la même logique que celle qui avait aboutie à attribuer ces régions à l’Etat roumain, faire l’objet d’un re-découpage qui n’était pas impossible puisqu’il avait eu lieu dans le cas du Maramures.
28 Apparut donc le concept d’aire de « peuplement historique », qui seul permettait de justifier pleinement l’occupation de la totalité de la Bucovine, possession moldave jusqu’en 1775, mais qui depuis, en raison d’une intense politique coloniale des Habsbourg, avait vu le rapport de forces avec les autres groupes ethniques tourner en défaveur de l’élément roumain [14].
29 En 1910, les Roumains ne représentaient plus que 38 % de la population de la province contre 42 % de Ruthènes massivement présents au Nord.
30 On le voit ici, si l’idée de « continuité du peuplement » avait primé, seul le sud de la province, majoritairement roumain, aurait été rattaché à la Roumanie. Au pire, considérant que les Ukrainiens constituaient [15] depuis 1880 le groupe ethnique le plus important numériquement, la province entière aurait pu basculer dans l’orbite de la faible République Démocratique d’Ukraine bientôt phagocytée par la République Socialiste Soviétique d’Ukraine.
31 L’absence d’une élite ruthène-ukrainienne conséquente, crédible sur la scène internationale, et influente pour la masse rurale des ruthènes explique que - malgré une tentative pour mettre la main sur la province au nom de la république ukrainienne [16] - les revendications roumaines aient été privilégiées. En outre, les exigences d’un rempart contre le bolchevisme, dont la Roumanie devait constituer un maillon essentiel dans un contexte de totale déliquescence de la République démocratique ukrainienne, expliquent que les arguments des représentants roumains à Saint Germain, dont celui du peuplement historique, aient été retenus pour légitimer leur présence en Bucovine.
32 La plupart des groupes ethniques acceptèrent plutôt bien l’occupation roumaine d’autant plus que le parti roumain avait toujours dominé la vie politique de la diète locale [17].
33 En Bessarabie du Nord se posa aussi le problème de la continuité du peuplement. Le rattachement de la province, majoritairement peuplée d’Ukrainiens et de Russes, fut justifié par le fait que la Bessarabie était une ancienne province moldave annexée arbitrairement à l’Empire russe en 1812.
34 Considérant la légitimité historique de l’Etat moldave sur cette région, mais aussi le fait qu’à l’échelle de toute la Bessarabie l‘élément roumain demeurait majoritaire, le département de Hotin fut incorporé à la Grande Roumanie.
35 En Bessarabie du sud, le rapport entre l’élément roumain et les autres groupes ethniques, (Bulgares, Gagaouzes, Allemands, Russes, Ukrainiens) lui était peu favorable, les Roumains ne constituant pas un peuplement homogène sur l’ensemble du territoire de la région. La présence d’une forteresse, construite par les Moldaves à Cetatea Alba à la fin du XVème siècle, occupée puis reconstruite par les Génois, les Lithuaniens, les Tatars, les Turcs et les Russes, constitua longtemps, pour ceux qui cherchaient à la justifier, la seule preuve tangible de la légitimité roumaine dans cette zone [18] …
Un paysage ethnique transformé.
36 Aujourd’hui, suite aux nombreux déplacements de populations [19] ,et aux politiques d’assimilation mises en place à l’issue de la seconde guerre mondiale – dont la plus célèbre est la politique de « systématisat,ion des différences nationales » ordonnée par Ceausescu à partir de 1974 - le paysage ethnique a radicalement changé…
37 Leur efficacité semble démontrée par les résultats des recensements :71, 9 % de Roumains en Roumanie en 1930, 73, 1 % en 1940, 85,7 % en 1956, 88,1 % en 1977, 89,4 % en 1992, 89,5 % en Roumanie en 2002…
Sources : Recensements roumains 1930 – 2002.
Figure 7 : Une prépondérance de l’élément roumain qui s’affirme.
38 Tout comme en Roumanie, l’assimilation des éléments allogènes en Ukraine fut intense dans l’immédiat après-guerre. Elle s’explique par la brutalité des méthodes employées : déportations (en Sibérie pour la plupart, mais aussi en Asie centrale), élimination physique de l’intelligentsia, substitution à cette intelligentsia allogène de cadres russophones ou ukrainophones, implantation massive de personnes déplacées originaires de Russie ou d’autres régions d’Ukraine dévastées par le conflit. Cette politique intense de réduction des minorités menée ouvertement jusqu’en 1953 devint, à partir de la mort de Staline, une politique d’assimilation culturelle ou linguistique, visant surtout les générations n’ayant pas connu la guerre. Les moyens considérables mis à la disposition des objectifs éducatifs de l’Union soviétique expliquent grandement le succès rencontré par la politique d’assimilation, qui ne se limita pas aux seules populations minoritaires, puisqu’elle toucha aussi une grande partie de la population ukrainienne.
39 La fonte des éléments allogènes et leur fusion dans l’élément ukrainien ou russe s’est considérablement ralentie dès le début des années 90 et l’obtention de l’indépendance pour l’Ukraine, le réveil identitaire ukrainien ayant aussi provoqué celui des minorités du nouvel Etat voire la réapparition d’une forme de régionalisme exacerbée chez certaines populations de l’ethnos ukrainien [20]. Cependant, le processus continue de façon presque naturelle, avec un facteur nouveau : le renforcement de l’élément ukrainien aux dépends des populations russes ou russisées : 73,6 % d’Ukrainiens et 21,1 % de Russes en 1992, 77,8 % d’Ukrainiens et 17, 3 % de Russes en 2001.
Sources : Recensements soviétiques, 1939 - 1979, Recensements ukrainiens 1992, 2001.
Figure 8 : Une population ukrainienne qui s’impose tardivement
aux dépends de l’élément russe.
Une frontière historique ?
40 La frontière actuelle, héritée de la seconde guerre mondiale, séparant les Etats ukrainien et roumain ne correspond ni à une ligne de démarcation ethnique, ni à un antique découpage territorial.
41 La frontière sépare d’Ouest en Est, des provinces historiques comme le Marmarosz, partagée désormais entre Transcarpathie (Ukraine) et Maramures (Roumanie) ou la Bucovine partagée entre Oblast’ de Tchernivtsy (Ukraine) et Judet de Suceava (Roumanie). La Bessarabie du Nord et le District de Herta, quant à eux, ont été ajoutés à la nouvelle entité territoriale, reprenant pour l’essentiel le tracé de la Bucovine du Nord (Oblast’ de Tchernivtsy). La Bessarabie du Sud appelée aussi Boudjak fut partagée entre la République moldave, constituée en partie par la récente république autonome des Gagaouzes, et l’Ukraine, où elle fut rattachée à l’Oblast’ d’Odessa.
42 On le constate aisément, la frontière produite par les évènements de 1940, par le rattachement des territoires acquis sur la Roumanie, puis par l’indépendance de l’Ukraine, ont produit une frontière qui ne reflète aucune ancienne construction étatique ou régionale.
Sources : Ioan Nistor, Comuna si Judetul, evolutia istorica, Bucarest, Dacia, 2000, Atlas pentru istoria româniei, Bucarest, Editura Didactica, 1983.
Figure 9 : Découpage administratif et régions historiques en 1939.
43 Le Marmarosz, dépendant tout au long de son histoire de la couronne de Saint Etienne, est aujourd’hui partagé entre Ukraine et Roumanie sans que les deux régions issues de son découpage revendiquent réellement une histoire commune.
44 La Transcarpathie s’achemine de plus en plus vers l’autonomie d’un espace que beaucoup, à Oujgorod, Hust, ou Munkatchevo souhaiteraient voir rebaptiser Ruthénie subcarpatique. Le Maramures, quant à lui, continue de s’identifier de plus en plus comme le conservatoire des traditions populaires et de l’esprit roumain carpatique.
45 La Bucovine, résultat de l’annexion du cœur historique de l’Etat moldave par les Autrichiens en 1775, et demeurée province autonome jusqu’en 1918, reste encore très présente comme référent territorial dans l’esprit de ses habitants de part et d’autre de la frontière. Le découpage actuel de la région de Tchernivtsy, ainsi que celui du département de Suceava, ne correspondent pas tout à fait aux limites de l’ancienne province autrichienne. A la Bucovine du Nord ont été rattachés le district de Herta, dépendant jusqu’en 1940 du département de Dorohoi, et la Bessarabie du Nord, alors « département de Hotin » dans le découpage administratif roumain, et auparavant extrémité nord de la province de Bessarabie sous domination russe.
46 A la Bucovine du Sud, les autorités roumaines ajoutèrent un district entier, constitué par l’ancien département de Baia et le nord du département de Neamt, représentant pratiquement un tiers de la superficie de l’ensemble. Dans l’immédiat après-guerre, dans le cadre de la réorganisation du pays, devenu Démocratie Populaire, le département de Suceava [21] comprenait même l’actuel département de Botosani, ce qui lui faisait épouser presque parfaitement les contours de la région de Tchernivtsy. Cette réorganisation laisse à penser que les Roumains souhaitaient créer un contrepoids à la nouvelle construction territoriale bâtie au Nord, issue du démembrement de la Bucovine historique.
47 La partie de la Bessarabie du Sud rattachée à l’Ukraine (d’Ismail à Belgorod), où l’élément ukrainien est nettement prépondérant depuis que la minorité allemande a été dispersée, constitue désormais la partie occidentale de la région d’Odessa.
Sources : Ioan Nistor, Comuna si Judetul, evolutia istorica, Bucarest, Dacia, 2000, Atlas pentru istoria româniei, Bucarest, Editura Didactica, 1983.
Figure 10 : Anciens et nouveaux territoires sur la frontière roumano-ukrainienne.
48 La frontière roumano-ukrainienne, héritage des visées expansionnistes soviétiques staliniennes, coupe donc trois régions dites historiques d’Ouest en Est : Le Marmarosz, la Bessarabie, La Bucovine, aboutissant ainsi à la reconstitution de nouvelles entités régionales qui possèdent maintenant, pour certaines, des identités fortes.
La place des minorités dans les Traités bilatéraux
49 De part et d’autre, la question des minorités est avancée comme étant le problème central des relations roumano-ukrainiennes. L’évolution positive de la situation d’une population roumaine s’élevant à 410 000 individus selon le recensement ukrainien de 2001, tient à cœur à beaucoup de citoyens roumains, solidaires avec une population qu’ils considèrent comme opprimée et qui leur rappelle la grandeur passée et pas si lointaine de leur Nation.
50 Près de 61 000 Ukrainiens vivent en Roumanie [22], pour leur grande majorité sur la frontière même qui sépare les deux Etats depuis 1940. L’essentiel de la minorité roumaine en Ukraine vit dans des zones de peuplement compact, elles aussi situées sur l’actuelle frontière.
51 On peut s’étonner alors, en se penchant sur l’histoire de cette frontière et des relations bilatérales entre Union soviétique – puis Ukraine - et Roumanie, de voir la question des minorités soulevée, d’une part pour défendre le tracé actuel, d’autre part pour le contester.
52 C’est en effet au nom de la réunion de tous les Ukrainiens dans un même Etat, alors la République socialiste soviétique d’Ukraine, que Staline envahit, suite à un ultimatum le Nord du Royaume de Roumanie le 28 juin 1940.
53 Les objectifs réels de Staline restent aujourd’hui encore obscurs, mais il semble que les conquêtes de la Bessarabie et de la Bucovine du Nord s’inséraient dans un plan global pour l’Europe du Sud-Est, plan préfigurant peut-être le futur rideau de fer. La première étape de ce plan avait été l’invasion [23] puis l’annexion le 29 septembre 1939 de l’Est de la Pologne, la seconde devait débuter en juin 1940.
54 L’arrivée de l’Union soviétique dans le camp des alliés lui permit de faire valider successivement auprès des Britanniques, puis des Américains, la situation héritée de l’ultimatum du 26 juin 1940 adressé au gouvernement roumain. Les revendications soviétiques sur la frontière roumano-ukrainienne acquièrent alors une certaine légitimité.
55 Légitimité validée par le Traité Anglo-soviétique du 26 mai 1942 contenant une clause secrète abandonnant la Bucovine du Nord et la Bessarabie à l’URSS. Cette clause acceptée par les Américains lors des rencontres des 12-19 mars 1943 entre Anthony Eden, chef du Foreign Office, le secrétaire d’Etat Cordell Hull et le Président Roosevelt, le fut de manière officielle lors de la conférence des ministres des affaires étrangères des trois grands à Moscou du 18-30 octobre 1943 [24] .
56 Enfin, le 10 février 1947 fut signé à Paris, en présence de tous les belligérants, un Traité de paix entre la Roumanie et ses alliés, qui lui rendait le contrôle total de la Transylvanie mais confirmait de manière définitive l’annexion soviétique de la Bucovine du Nord et de la Bessarabie.
57 Le 4 février 1948, le Traité sera complété par le protocole dit « de Moscou », qui cède à l’URSS l’île des serpents, îlot inhabité qui fut russe de 1829 à 1856, ainsi que le déplacement de la frontière Roumano-ukrainienne vers le Sud, le long du bras Chilia du Danube jusqu’à son embouchure.
58 On suppose, au regard de sa politique dans l’immédiat après-guerre, que Staline ambitionnait, probablement avant l’opération Barbarossa, la création d’un Etat fantoche moldave recouvrant les limites de l’ancienne principauté moldave, voire son annexion totale. On peut également supposer que Staline ait souhaité annexer la Bulgarie et qu’il ait eu besoin pour cela d’arracher la Dobroudja, unique accès à la mer de la Roumanie, à son voisin latin.
59 Finalement le placement de la Roumanie dans l’orbite soviétique mettra fin à une série de projets déjà évoqués sous le règne de l’Impératrice Catherine II, et Staline se contentera de miettes : quelques ramifications d’un bras du Danube et l’Île des serpents en guise de compensation pour l’agression roumaine de juillet 1941.
60 L’histoire reprendra son cours en 1990 lors des bouleversements géopolitiques que l’on connaît.
61 Après quelques années d’incertitudes, qui atteignirent leur paroxysme avec une amorce de guerre civile en république moldave (qui s’apprêtait, semble t’il, à s’engager sur la voie d’un rattachement à la Roumanie), suivie d’une démonstration de force, brutale, du grand frère russe, qui finalement ramena à la réalité d’un rapport de force toujours défavorable la diplomatie roumaine (en fait pragmatique et privilégiant avant tout une politique de stabilité des frontières), la Roumanie et l’Ukraine signeront le 2 juin 1997 un Traité d’amitié.
62 Traité d’amitié de 10 ans dans lequel la Roumanie abandonne ses revendications sur le Nord de la Bucovine, le District de Herta, les Bessarabie du Nord et du Sud.
63 Cette recherche de normalisation des relations avec l’Ukraine avait surtout pour but d’accélérer le processus d’adhésion à l’OTAN de la Roumanie. Le Sommet de Madrid, la même année, repoussera finalement l’adhésion de la Roumanie jusqu’en 2002. Mais ce traité révèle surtout que le véritable enjeu des relations roumano-ukrainienne est le contrôle de l’Île des Serpents, île inhabitée, sans sources d’eau potable, mais permettant à l’Etat possesseur de l’île de revendiquer une part d’un vaste gisement de pétrole situé dans son voisinage direct.
Figure 11 : Ukraine et Roumanie en 2005 : une frontière sous tension.
64 Ce traité résout les principaux problèmes concernant la minorité roumanophone d’Ukraine et réaffirme ses droits primordiaux. Mais cet aspect n’a pas été médiatisé en Roumanie, ce qui permet à certains politiques, particulièrement les élus du puissant PRM, le Parti de la Grande Roumanie, de continuer à alimenter la polémique autour de la situation des populations roumanophones d’ex-Union Soviétique. De l’autre côté de la frontière l’existence d’une minorité ukrainienne en Roumanie est très largement méconnue contrairement à celles qui vivent en Pologne et Slovaquie, connues, parfois, sous l’appellation de Ruthènes, ou, encore, des populations des régions de Gomel, en Biélorussie, Koursk, Belgorod voire Rostov-sur-le-Don en Fédération de Russie, sans parler de l’influente communauté Ukraino-Canadienne massivement présente au Manitoba et Saskatchewan depuis la fin du XIXème siècle.
65 Le fait que la minorité ukrainienne de Roumanie soit peu connue en Ukraine s’explique avant tout par son manque de dynamisme. Entre 1992 et 2002, dates des deux derniers recensements roumains leur nombre est passé de 66 000 à 60 000, chiffres qui ne reflètent pas l’état réel de délitement d’une communauté qui rejette l’identité et la langue ukrainienne. C’est particulièrement vrai dans le Delta du Danube où vivent des descendants des Cosaques Zaporogues réfugiés sur le bras Saint Georges du fleuve suite à la destruction de la Sitch cosaque en 1775. Mais aussi, à moindre échelle, dans les Carpates où se développe l’identité régionale ruthène aux dépends de l’identité nationale ukrainienne.
66 Le contraste s’avère saisissant lorsque l’on compare la situation des Roumains d’Ukraine à celle des Ukrainiens vivant sur le territoire de la Roumanie. Après 1991 les Roumanophones d’Ukraine ont rapidement reconstitué leurs associations culturelles et pu bénéficier de la politique des nationalités en vigueur, jadis, en Union soviétique, principalement d’un point de vue scolaire, avec l’ouverture d’écoles, lycées et chaires de roumain à l’Université. L’exemple le plus frappant, car le plus complet, d’un réseau d’enseignement en langue roumaine se trouve en Bucovine du Nord où, de l’école primaire à l’Université, l’élève puis l’étudiant peut suivre un enseignement bilingue.
67 Dès lors on peut se poser la question suivante : si les revendications politiques des Roumains d’Ukraine ont été muselées depuis plus de 10 ans, comment seront elles entendues dans les années à venir alors qu’est formée une nouvelle génération d’intellectuels roumanophones qui se tourne avec envie vers une « mère patrie » qui devrait l’intégrer l’Union Européenne en 2007 ?
68 Cette question reste en suspend même si on peut supposer que cette intelligentsia roumaine se cantonnera dans des revendications d’ordre culturel, et que les gouvernements à venir à la tête de la Roumanie ne risquent pas de les inciter à l’irrédentisme, adhésion à l’Union européenne oblige…
69 En fait, si l’on a vu récemment les diplomaties roumaine et ukrainienne s’agiter autour de la situation de leurs minorités nationales dans chacun de ces pays c’est que cette question joue, avant toute chose, le rôle d’un épouvantail.
70 Le véritable enjeu du ballet diplomatique roumano-ukrainien est, d’abord, le contrôle de l’Île des Serpents et de ses richesses pétrolières. Enjeu devenu primordial dans un contexte de difficultés économiques chroniques.
71 Ces difficultés économiques soulignent la double problématique Carpatique et Danubo-Pontique de la frontière roumano-ukrainienne.
72 Pour résumer la situation, la frontière carpatique des deux Etats est celle qui a le caractère arbitraire le plus avéré. Elle ne constitue ni un tracé linéaire s’appuyant sur une configuration physique particulière, ni une limite culturelle, linguistique, ethnique ou même historique. A priori elle représente une source de discorde intarissable entre les deux pays. Pourtant au delà des discours le véritable enjeu de la frontière roumano-ukrainienne se trouve bien plus au Sud sur les limites occidentales du Boudjak.
73 Car le Boudjak cristallise à lui seul la plupart des conflits d’intérêts entre Roumanie, Ukraine et Moldavie. Autour de Reni, d’abord, les tensions sont nombreuses entre République Moldave et Ukraine. Suite à la cession par le gouvernement moldave de quelques kilomètres de la route reliant la ville ukrainienne de Reni, sur le Danube, au chef lieu de la région, Odessa [25], la frontière moldave traversant près de trois fois sur 7, 7 kilomètres la route en question, les deux gouvernements, se sont entendus une première fois le 17 août 1999 sur la rectification de la frontière. Mais cette cession a fait l’objet de manifestations de nationalistes moldaves, qui occupèrent sporadiquement les 7,7 kilomètres en question.
74 Tout près de Reni, encore, au sud du village de Giurgiulesti, les 300 mètres de rivage danubien appartenant à la Moldavie qui lui permettent d’avoir un accès à la Mer noire ont fait l’objet de conflits d’intérêts entre Ukraine et Moldavie. Rétrocédés par l’Ukraine à la Roumanie en 1993, ils ont été en partie occupés en mars 1998 par un détachement de l’armée ukrainienne. Cette occupation visait à empêcher la poursuite des travaux d’aménagement d’un terminal pétrolier à Giurgiulesti, projet, qui, si il était mené à bien, nuirait fortement au port de Reni où existe déjà ce type d’installation. La tension semble aujourd’hui retombée même si la République moldave n’a pas renoncé à son projet, ayant fait appel à une société azerbaïdjanaise, Azpetrol, pour achever en 2005 le terminal pétrolier en question mais aussi un port de fret et de passagers. Dans cette optique a été ouvert dès 1999 un poste frontière pour faciliter le passage entre le port roumain de Galati et la République moldave.
75 Toujours au niveau de Reni, devenue, depuis 2000, zone de libre-échange, l’inauguration du canal de Bystroe, le 26 août 2004, a provoqué l’indignation des autorités roumaines. Ce canal, rénové, devrait être ouvert à la circulation de navires de gros tonnage, leur permettant de rejoindre l’Ukraine sans s’acquitter des taxes roumaines dès 2005.
76 Les représentants roumains auprès du conseil de l’Europe et de l’Union Européenne ont demandé leur soutien pour que le projet ukrainien n’aboutisse pas, et cela au nom de « l’équilibre de l ‘écosystème du Delta du Danube »…
2007 : La frontière après la frontière
77 On l’a vu, un nombre considérable de questions restent posées au sujet de l’avenir de cette frontière. En raison d’un certain nombre de problèmes de voisinages, le tracé de la frontière roumano-ukrainienne demeure une zone de tension internationale et cela malgré de multiples rencontres bilatérales entre diplomates roumains et ukrainiens.
78 Mais qu’adviendra-t-il de ces tensions après l’adhésion de la Roumanie à l’Union Européenne ? A deux ans de son entrée dans l’UE, la limite entre les deux Etats est interprétée par certains comme une ligne de fracture entre deux mondes, presque un remake de la guerre froide : d’un côté la prospère confédération européenne, démocrate, parlementaire et policée, de l’autre, encore le monde russe, c’est tout dire.... Cet axiome simpliste pourrait résumer un mythe ancien, celui du modèle européen, c’est à dire, déjà bien avant l’UE, d’un espace politique et civilisationnel développé qui doit se défendre et établir des frontières solides et viables avec ses voisins, c ‘était le cas entre 1918 et 1939, ce fut encore le cas encore entre 1945 et 1989. Pour nombre d’analystes, la frontière orientale de l’Union Européenne en 2007 constituera un nouveau rideau de fer. Cette formule choc est malheureuse car elle se base sur des considérations socio-économiques, notamment l’afflux de migrants originaire d’Europe de l’Est vers l’Ouest, mais méprise de manière intrinsèque la capacité des peuples situés à l’Est de ce tracé à développer leur propre modèle démocratique. La révolution orange en Ukraine, qui a abouti à la tenue d’un nouveau scrutin présidentiel en Ukraine et finalement à l’élection de Viktor Iouchtchenko - sur le modèle des évènements qui ont aboutis à l’arrivée au pouvoir de Mikhaïl Saakachvili en Géorgie - démontre, au contraire, l’émergence d’un modèle démocratique abouti soutenu par les masses populaires à l’est de l’Union Européenne.
Figure 12 : Entre Roumanie et Ukraine : la République moldave en 2005, un Etat à l’avenir incertain.
79 A partir de 2007, donc, la frontière roumano-ukrainienne prendra une autre portée. De frontière entre deux pays ayant un lourd contentieux, elle deviendra tout à coup la frontière orientale de l’Europe unifiée [26] , ce qui permettra sans doute de désamorcer nombre de crises. Ce sera en tout cas dans l’intérêt de l’Ukraine d’assouplir sa politique étrangère à l’égard de ses voisins moldave et roumain si elle veut rejoindre cette Europe. Ce sera aussi dans celui de la Roumanie si elle veut parvenir à la résolution de la question moldave.
80 Car, paradoxalement, l’entrée de la Roumanie dans l’Union Européenne risque de rendre toute son acuité au problème moldave. Après pratiquement dix années durant lesquelles la Roumanie s’est abstenue d’intervenir directement dans les affaires moldaves, et plus particulièrement sur la question transnistrienne, 2007 risque de marquer son retour dans le ballet diplomatique dont elle était absente.
81 En effet, depuis 1992 - année durant laquelle les sécessionnistes russophones de la rive orientale du Dniestr proclamèrent l’indépendance de la République de Transnistrie et parvinrent à défaire les troupes gouvernementales de Chisinau grâce à l’appui d’un contingent russe présent dans la région, contrecarrant ainsi le projet de réunification de la « Bessarabie » à la Roumanie - les gouvernements successifs à la tête de l’Etat roumain se sont tenus à l’écart de la question.
82 La Roumanie fut ainsi exclue du groupe des organisations ou Etats médiateurs désignés pour tenter de résoudre le différend entre la Moldavie et sa République sécessionniste. Jusqu’à ce jour seules Russie, Ukraine et OSCE [27] participent aux discussions entre les parties moldave et transnistrienne. Cette mise à l’écart de la partie roumaine s’explique par le pragmatisme des dirigeants roumains qui ont, jusqu’alors, privilégié une politique d’apaisement à l’image du Traité de 1997 avec l’Ukraine. Apaisement dans les relations avec l’Ukraine et la Russie qui devait faciliter l’adhésion de la Roumanie à l’OTAN, gage de la sécurité et de l’indépendance de leur pays. Adhésion qu’ils ont finalement obtenue le 29 mars 2004 à Washington. La dernière étape, consistant pour les gouvernants roumains à ancrer leur pays à l’Ouest, reste l’entrée dans l’Union Européenne, elle semble aujourd’hui acquise pour 2007.
83 Dès lors, à Chisinau, circule dans les cercles politiciens, principalement chez les roumanophones (65 % de la population du pays) l’idée selon laquelle la Roumanie, ayant désormais les mains libres, pourra s’impliquer à visage découvert dans la politique moldave.
Figure 13 : La composition ethnique de la Moldavie en 1989
84 L’échéance de 2007 peut expliquer le coup de poker diplomatique de la Russie en Novembre 2003, lorsque le ministre des affaires étrangères russe présenta à son homologue moldave le Mémorandum Kozak , texte proposant une solution politique à la crise transnistrienne. Le Mémorandum prévoyait de faire de la Moldavie une « Fédération asymétrique », donnant un droit de veto systématique aux représentants des Républiques autonomes de Gagaouzie et Transnistrie. Le texte prévoyait, en outre, la démilitarisation de la République moldave, déjà effective faute de moyens, et le maintien des troupes russes jusqu’en 2020…alors que ces même troupes devaient déjà amorcer leur départ de Transnistrie en 1991 puis 2001 conformément aux engagements de la Russie lors des sommets de l’OSCE à Istanbul et Porto…
85 Cette tentative russe de résoudre cette crise à son avantage, à quelques mois du retour progressif de la diplomatie roumaine sur la scène moldave, démontre que la stratégie russe consistant à maintenir la Transnistrie dans son orbite, pour faire pression sur la Roumanie mais aussi sur le flanc Sud de l’Ukraine (et qui complète son dispositif d’encerclement partant des frontières Nord et Est de l’Ukraine, passant par Sébastopol et la Crimée [28] risque de se retrouver pour la première fois depuis 1991 sérieusement battue en brèche par l’entrée dans le ballet diplomatique Ukraino-Russo-Moldave d’un Etat à la fois membre de l’OTAN et de l’Union Européenne…De plus, la volonté affichée du président ukrainien Viktor Iouchtchenko d’échapper à l’étreinte de la Russie pourrait faciliter un rapprochement roumano-ukrainien et aboutir à isoler la position russe sur la question moldave. Dès lors le scénario d’un démantèlement de la République moldave devient envisageable. Depuis longtemps déjà un plan de partage de la Moldavie est évoqué dans les milieux politiques roumanophones de Chisinau [29]. Ce plan, apparu dans les années qui ont suivi la défaite des troupes gouvernementales moldaves face aux milices armées transnistriennes et l’armée russe, consiste à céder la Transnistrie, la Gagaouzie, régions indépendantes de facto, ainsi que le district de Taraclia, à l’Est du département de Cahul, à l’Ukraine. Celle ci, en échange, devrait reconnaître l’autonomie administrative de la Transnistrie et ses trois langue officielles : le Roumain, remplaçant le « Moldave [30] », le Russe et l’Ukrainien. L’Ukraine devrait aussi attribuer une large autonomie à la région du Boudjak, héritant ainsi du statut de la république de Gagaouzie qu’elle engloberait. La région de Tchernivtsy, centrée sur l’ancienne Bucovine et peuplée d’environ 20% de Roumains devrait obtenir un statut proche de l’autonomie. Au final ces modifications de frontières feraient passer de 400 000 [31] à 700 000 le nombre de Roumains en Ukraine, Roumains qui verraient leur droits renforcés dans le cadre des républiques ou régions autonomes de Transnistrie, Boudjak et Bucovine.
86 Ce projet, soutenu par les politiciens favorables à l’union de l’Union de la République moldave à la Roumanie a le défaut de ne pas poser la question de l’avenir de la Moldavie-Bessarabie dans un Etat aussi centralisé que la Roumanie. Qu’adviendra-t-il, par exemple, des populations russophones vivant à Chişinau ou à Balţi ? La Bessarabie réintégrée obtiendra t-elle un statut proche de l’autonomie, conception si étrangère à la tradition étatique roumaine?
87 Si tout avait été préparé et envisagé en Moldavie entre 1991 et 1992 dans l’optique d’un rattachement à la Roumanie, du drapeau à la monnaie en passant par le découpage territorial qui reprend le modèle roumain des départements et des communes, et qu’une grande partie des roumanophones souhaitent encore la « réunification », les années de crises politiques et économique ont affaibli le nationalisme roumain en Moldavie et radicalisée la « roumanophobie » [32] des minorités, Russes et Ukrainiens en tête mais aussi Bulgares et Gagaouzes [33], qui soupçonnent toujours les roumanophones de continuer à préparer le rattachement de la Bessarabie à la Roumanie.
88 Car c’est aussi une réalité, une spécificité de la Moldavie que la population majoritaire dont la langue est langue officielle et dont l’histoire est enseignée dans toutes les écoles du pays soit celle qui souhaite aussi le plus le démantèlement de cet Etat.
89 Pour les roumanophones, l’indépendance devait permettre à court terme le rattachement de leur pays à la Roumanie comme ce fut le cas en 1918. Forts de l’expérience de 1918, les minoritaires, russophones en tête, proclamèrent l’indépendance de la rive orientale du Dniestr. L’échec des troupes gouvernementales moldaves devant Tiraspol, capitale de la république autoproclamée de Transnistrie sonna le glas du projet de rattachement de la République moldave à la Roumanie.
90 Ainsi, paradoxalement, l’existence de la Moldavie comme Etat est le fait des minoritaires qui ont pu imposer le statu quo au « Front populaire », alliance de Partis favorables à la réunification alors au pouvoir à Chişinău. Il est intéressant de constater que depuis la création en 1924 de la République socialiste soviétique autonome de Moldavie, dont la capitale, Balta, est aujourd’hui en Ukraine, les bases de l’Etat moldave se trouvent en Transnistrie.
91 La Moldavie est donc un pays qui doit son existence à ses minorités, c’est sans aucun doute ce qui la rend si précaire et qui nous empêche de nous prononcer sur sa survie suite au bouleversement géopolitique que constituera l’entrée de la Roumanie dans l’Union Européenne. Car, en définitive, le rattachement de la République Moldave à la Roumanie offrirait une chance unique au pays le plus pauvre d’Europe de rentrer dans l’Union Européenne, un argument qui pourrait faire mouche même chez les plus roumanophobes…
La place des symboles nationaux
92 Si les considérations d’ordre économique priment aujourd’hui dans la résolution des problèmes liés à la question de la frontière, son tracé actuel ne peut totalement s’expliquer ainsi.
93 La Bucovine, construction territoriale autrichienne, mais berceau géographique de l’Etat moldave, abrite un nombre considérable de monuments ou lieux dotés d’une forte symbolique nationale.
94 Il nous semble que le tracé de la frontière entre la Roumanie et l’Ukraine dans cette zone obéit moins à la volonté de séparer deux groupes ethniques qu’à celle d’exclure du territoire soviétique, puis ukrainien, une série de lieux de mémoire dont la présence aurait été embarrassante pour valider pleinement la théorie selon laquelle le nord de la Bucovine serait une région historique appartenant légitimement à l’Ukraine.
95 La frontière qui coupe de part et d’autre la Bucovine passe d’Ouest en Est, au cœur de zones de peuplement ukrainien, roumain, puis de nouveau ukrainien.
96 Elle laisse selon nos estimations près de 500 000 Roumains [34] en Ukraine et 90 000 Ukrainiens [35] en Roumanie, mais son tracé évite consciencieusement d’incorporer au territoire ukrainien les prestigieux monastères moldaves de Bucovine fondés par Etienne le Grand [36] et ses successeurs.
97 Le territoire ukrainien englobe, par contre, la capitale religieuse des Vieux-croyants russes, installée en Bucovine depuis le milieu du XIXème siècle. Cette annexion semblait alors devoir permettre aux Soviétiques de démanteler à la source un vecteur essentiel de propagation d’idées contestataires vers l’Union soviétique, où se trouvait l’essentiel des vingt millions de Vieux-croyants [37] subordonnés à « Belaya Krinitsa » [38] .
98 La destruction partielle du sanctuaire des Vieux-croyants - mouvement religieux persécuté depuis le XVIIème siècle en Russie, et qui avait donc développé depuis longtemps déjà une capacité remarquable à s’organiser face aux persécutions - devait aboutir à la désorganisation et au démantèlement définitif du courant religieux, adversaire déterminé du régime soviétique.
99 Aujourd’hui, l’aspect moscovite des bulbes verts de ce haut-lieu de la spiritualité russe, désormais à quelques mètres de la frontière roumaine, tend à accréditer la légitimité de son tracé en ces lieux, donnant à la zone pourtant peuplée majoritairement de Roumains de part et d’autre de la frontière une allure profondément slave.
Des raisons stratégiques et économiques avant tout
100 Il se peut que l’histoire tourmentée de la frontière qui sépare Roumanie et Ukraine ne puisse s’expliquer par l’intérêt que porte tel ou tel Etat à ses minorités nationales dispersées sur le sol étranger, ce qui demeure pourtant, aujourd’hui encore, le principal motif mis en avant pour de possibles rectifications de frontière lors des rencontres bilatérales qui réunissent régulièrement les diplomates des deux Etats.
101 Si l’annexion de la Bessarabie répondait à la volonté soviétique de laver l’affront de 1918, année de son rattachement au Royaume de Roumanie, l’occupation de la Bucovine du Nord, derrière les arguments ethniques, était justifiée par la constitution d’une frontière linéaire facile à défendre et surtout par la main-mise sur Cernauti qui permettait aux troupes soviétiques de contrôler les axes ferroviaires Odessa-Cernauti et Cernauti-Lvov, voies essentielles pour assurer la sécurité et l’approvisionnement des nouvelles frontières occidentales de l’URSS. D’un point de vue économique, ces voies ferrées pouvaient permettre le désenclavement de la Galicie orientale et son développement industriel, la faisant bénéficier tout à coup d’une liaison rapide vers un port de premier ordre: Odessa.
102 Finalement le problème frontalier roumano-ukrainien se pose toujours sous l’angle des intérêts économiques puisqu’aujourd’hui, si le charbon n’est plus d’un intérêt vital pour l’Ukraine, et encore moins pour la Roumanie, il en est tout autrement pour la question du contrôle des ressources pétrolières en Mer noire. Intérêt éminemment stratégique qui justifie, de part et d’autre, l’exhumation de vieux sujets de querelles tels que « l’indiscutable appartenance historique » de telle ou telle province, ou encore la situation des Ukrainiens ou des Roumains vivant à l’étranger ; suscitant autant de déclarations tonitruantes qui ont bien du mal, malgré tout, à cacher le désintérêt réel d’Etats en transition pour le sort de leurs minorités…
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Notes
1 Allemands de religion mosaïque selon la terminologie retenue par les autorités austro-hongroises.
2 La Dobroudja était une colonie turque jusqu’à son rattachement à la Roumanie en 1878 tandis que les principautés ayant le statut de protectorats étaient certes des satellites, mais n’étaient pas exposées au processus de colonisation.
3 La Transylvanie fut intégrée au royaume de Hongrie au XIème siècle.
4 Depuis 1867 la Transleithanie était l’autre nom donné au royaume de Hongrie sous administration hongroise dans le cadre de l’Etat Habsbourg.
5 C’est à dire des quotas par groupe ethnique.
6 75 500 Allemands ont été recensés en Bucovine en 1930, près de 95 000 seront évacués vers le Reich suite à l’ultimatum soviétique.
7 Vitalie Varatic, Sase zile din Istoria Bucovinei, Radauti, 2001, p.184.
8 Lvov ou Lwow, Lviv, désormais en territoire soviétique.
9 Vitalie Varatic, op. cit., p.184.
10 Les gisements de Ploiesti étaient même placés, à la fin de la guerre, sous le contrôle direct de l’armée allemande.
11 Alain Ruzé, Ukrainiens et Roumains, Rivalités carpatho-pontiques, Paris, L’Harmattan, 1999, p.230.
12 La Transnistrie abritait une minorité roumaine concentrée principalement dans ce qui avait été une ébauche de la première république soviétique moldave (1924-1940) mais était très majoritairement peuplée d’Ukrainiens et de Russes.
13 Cernauti, en roumain, Tchernivtsy ou Tchernivtsi en ukrainien, capitale de la Bucovine du Nord appelée aujourd’hui « Oblast’ de Tchernivtsy ».
14 En 1775 les Roumains constituaient environ les ¾ de la population de la province. Au recensement de 1910 on dénombrait 305 101 Ruthènes représentant 38,4 % de la population, 273 254 Roumains en représentant quant à eux 34, 4 %. Ils redeviendront le premier groupe ethnique lors du recensement de 1930 où l’on dénombrera 350 901 Roumains (41,1%) et seulement 236 281 Ruthènes (27,7 %). Cette différence énorme entre les chiffres des deux recensements (autrichien et roumain ) s’explique par le fait qu’après 1923 les autorités roumaines aient durci leurs positions à l’égard des minorités et qu’elles aient encouragé un grand nombre de Ruthènes à se déclarer comme étant de nationalité roumaine.
15 Depuis le recensement de 1880 seulement, avec 42, 2 % de la population, leur pourcentage dans la population totale diminuant régulièrement jusqu’en 1910 en raison de l’arrivée conséquente de colons allemands et d’immigrants juifs, leur nombre continuant, lui, à augmenter.
16 Du Ier Novembre 1918, suite à l’appel du conseil national ukrainien, jusqu’au 5 novembre les nationalistes ukrainiens occupent Czernowitz, capitale de la province, jusqu’à ce que les troupes roumaines libèrent la ville à l’appel du conseil national roumain.
17 La situation politique ne commencera réellement à se dégrader qu’au milieu des années 20 avec la montée du nationalisme roumain.
18 Il existe à Hotin une forteresse semblable qui fut, jusqu’en 1812 et son rattachement à l’Empire russe, une colonie turque.
19 Echanges de populations, en 1940, entre Hongrie et Roumanie, de même qu’entre Bulgarie et Roumanie, Union soviétique et Reich, suivis de la déportation des juifs et des tsiganes de Roumanie.
20 C’est le cas notamment des Ruthènes dans l’Oblast’ de Transcarpathie revendiquant leur autonomie voire leur indépendance, pour les plus radicaux, au nom de leur spécificité ethnique.
21 Capitale de la Bucovine du Sud et capitale historique de la principauté moldave jusqu’à son assujettissement aux turcs au début du XVI ème siècle.
22 Selon le recensement roumain de 2002.
23 Le 17 septembre 1939 l’armée franchit la frontière et dès le 19 le gouvernement et le haut commandement polonais se réfugient en Roumanie, suivis de quelques unités de l’armée.
24 Alain Ruzé, ibid., p.232.
25 Route indiquée sous le nom de « Causeni-Reni » sur la carte « Entre Roumanie et Ukraine : La république moldave en 2005, un Etat à l’avenir incertain » (figure 12).
26 selon l’expression utilisée par V.Iouchtchenko dans Le Monde, 26 janvier 2005, M.Saakachvili se félicite de l’arc de démocratie que forme la Géorgie et l’Ukraine, article de Natalie Nougayrède.
27 OSCE : Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe.
28 Crimée majoritairement peuplée de Russes et qui possède le statut de République autonome, c’est à dire le même que celui de la Transnistrie dans le cas de la Moldavie…
29 Club de discussions du Partidul Social Liberal (PSL), Le conflit transnistrien : Evolutions et perspectives, conférence soutenue par le Dr. Oleg Serebrian, Président du P.S.L, Chisinau, janvier 2001.
30 La langue moldave, création stalinienne est en fait la transcription en cyrillique de la langue roumaine.
31 Selon les données du recensement ukrainien de 2001.
32 Iulian Fruntaşu, O istorie etnopolitică a Basarabiei (1812-2002), p.564-565. L’auteur qualifie de « roumanophobie » l’attitude de défiance des minoritaires à l’égard de l’ethnonyme « Roumain », ou du glotonyme « langue roumaine » auquel ils préfèrent « Moldave » et « Langue moldave ».
33 Les Gagaouzes sont des turcophones de religion chrétienne orthodoxe installés dans les Balkans, semble t’il, avant l’arrivée des Ottomans.
34 Moyenne réalisée entre les informations fournies par l’organisation des Roumains de Bucovine du Nord et les données mise à disposition par le département chargé de la protection des minorités pour l’Oblast’ de Tchernivtsy.
35 Evaluation réalisée à l’aide du recensement scolaire de 1999 (Inspectorat scolaire de Suceava) et du recensement national roumain (2002).
36 Stefan Cel Mare, Prince de Moldavie (1457-1504), victorieux par deux fois des Turcs.
37 Le chiffre de vingt millions de croyants en 1922 est fourni par plusieurs sources dont Léon Poliakov dans son livre publié en 1991 intitulé L’épopée des Vieux-croyants, Paris, Perrin, p.176.
38 Belaya Krinitsa ou Fîntîna Alba, du nom du siège de la Métropolie Orthodoxe russe de rite ancien.
Table des illustrations
83 Dès lors, à Chisinau, circule dans les cercles politiciens, principalement chez les roumanophones (65 % de la population du pays) l’idée selon laquelle la Roumanie, ayant désormais les mains libres, pourra s’impliquer à visage découvert dans la politique moldave.
Figure 13 : La composition ethnique de la Moldavie en 1989
84 L’échéance de 2007 peut expliquer le coup de poker diplomatique de la Russie en Novembre 2003, lorsque le ministre des affaires étrangères russe présenta à son homologue moldave le Mémorandum Kozak , texte proposant une solution politique à la crise transnistrienne. Le Mémorandum prévoyait de faire de la Moldavie une « Fédération asymétrique », donnant un droit de veto systématique aux représentants des Républiques autonomes de Gagaouzie et Transnistrie. Le texte prévoyait, en outre, la démilitarisation de la République moldave, déjà effective faute de moyens, et le maintien des troupes russes jusqu’en 2020…alors que ces même troupes devaient déjà amorcer leur départ de Transnistrie en 1991 puis 2001 conformément aux engagements de la Russie lors des sommets de l’OSCE à Istanbul et Porto…
85 Cette tentative russe de résoudre cette crise à son avantage, à quelques mois du retour progressif de la diplomatie roumaine sur la scène moldave, démontre que la stratégie russe consistant à maintenir la Transnistrie dans son orbite, pour faire pression sur la Roumanie mais aussi sur le flanc Sud de l’Ukraine (et qui complète son dispositif d’encerclement partant des frontières Nord et Est de l’Ukraine, passant par Sébastopol et la Crimée [28] risque de se retrouver pour la première fois depuis 1991 sérieusement battue en brèche par l’entrée dans le ballet diplomatique Ukraino-Russo-Moldave d’un Etat à la fois membre de l’OTAN et de l’Union Européenne…De plus, la volonté affichée du président ukrainien Viktor Iouchtchenko d’échapper à l’étreinte de la Russie pourrait faciliter un rapprochement roumano-ukrainien et aboutir à isoler la position russe sur la question moldave. Dès lors le scénario d’un démantèlement de la République moldave devient envisageable. Depuis longtemps déjà un plan de partage de la Moldavie est évoqué dans les milieux politiques roumanophones de Chisinau [29]. Ce plan, apparu dans les années qui ont suivi la défaite des troupes gouvernementales moldaves face aux milices armées transnistriennes et l’armée russe, consiste à céder la Transnistrie, la Gagaouzie, régions indépendantes de facto, ainsi que le district de Taraclia, à l’Est du département de Cahul, à l’Ukraine. Celle ci, en échange, devrait reconnaître l’autonomie administrative de la Transnistrie et ses trois langue officielles : le Roumain, remplaçant le « Moldave [30] », le Russe et l’Ukrainien. L’Ukraine devrait aussi attribuer une large autonomie à la région du Boudjak, héritant ainsi du statut de la république de Gagaouzie qu’elle engloberait. La région de Tchernivtsy, centrée sur l’ancienne Bucovine et peuplée d’environ 20% de Roumains devrait obtenir un statut proche de l’autonomie. Au final ces modifications de frontières feraient passer de 400 000 [31] à 700 000 le nombre de Roumains en Ukraine, Roumains qui verraient leur droits renforcés dans le cadre des républiques ou régions autonomes de Transnistrie, Boudjak et Bucovine.
86 Ce projet, soutenu par les politiciens favorables à l’union de l’Union de la République moldave à la Roumanie a le défaut de ne pas poser la question de l’avenir de la Moldavie-Bessarabie dans un Etat aussi centralisé que la Roumanie. Qu’adviendra-t-il, par exemple, des populations russophones vivant à Chişinau ou à Balţi ? La Bessarabie réintégrée obtiendra t-elle un statut proche de l’autonomie, conception si étrangère à la tradition étatique roumaine?
87 Si tout avait été préparé et envisagé en Moldavie entre 1991 et 1992 dans l’optique d’un rattachement à la Roumanie, du drapeau à la monnaie en passant par le découpage territorial qui reprend le modèle roumain des départements et des communes, et qu’une grande partie des roumanophones souhaitent encore la « réunification », les années de crises politiques et économique ont affaibli le nationalisme roumain en Moldavie et radicalisée la « roumanophobie » [32] des minorités, Russes et Ukrainiens en tête mais aussi Bulgares et Gagaouzes [33], qui soupçonnent toujours les roumanophones de continuer à préparer le rattachement de la Bessarabie à la Roumanie.
88 Car c’est aussi une réalité, une spécificité de la Moldavie que la population majoritaire dont la langue est langue officielle et dont l’histoire est enseignée dans toutes les écoles du pays soit celle qui souhaite aussi le plus le démantèlement de cet Etat.
89 Pour les roumanophones, l’indépendance devait permettre à court terme le rattachement de leur pays à la Roumanie comme ce fut le cas en 1918. Forts de l’expérience de 1918, les minoritaires, russophones en tête, proclamèrent l’indépendance de la rive orientale du Dniestr. L’échec des troupes gouvernementales moldaves devant Tiraspol, capitale de la république autoproclamée de Transnistrie sonna le glas du projet de rattachement de la République moldave à la Roumanie.
90 Ainsi, paradoxalement, l’existence de la Moldavie comme Etat est le fait des minoritaires qui ont pu imposer le statu quo au « Front populaire », alliance de Partis favorables à la réunification alors au pouvoir à Chişinău. Il est intéressant de constater que depuis la création en 1924 de la République socialiste soviétique autonome de Moldavie, dont la capitale, Balta, est aujourd’hui en Ukraine, les bases de l’Etat moldave se trouvent en Transnistrie.
91 La Moldavie est donc un pays qui doit son existence à ses minorités, c’est sans aucun doute ce qui la rend si précaire et qui nous empêche de nous prononcer sur sa survie suite au bouleversement géopolitique que constituera l’entrée de la Roumanie dans l’Union Européenne. Car, en définitive, le rattachement de la République Moldave à la Roumanie offrirait une chance unique au pays le plus pauvre d’Europe de rentrer dans l’Union Européenne, un argument qui pourrait faire mouche même chez les plus roumanophobes…
La place des symboles nationaux
92 Si les considérations d’ordre économique priment aujourd’hui dans la résolution des problèmes liés à la question de la frontière, son tracé actuel ne peut totalement s’expliquer ainsi.
93 La Bucovine, construction territoriale autrichienne, mais berceau géographique de l’Etat moldave, abrite un nombre considérable de monuments ou lieux dotés d’une forte symbolique nationale.
94 Il nous semble que le tracé de la frontière entre la Roumanie et l’Ukraine dans cette zone obéit moins à la volonté de séparer deux groupes ethniques qu’à celle d’exclure du territoire soviétique, puis ukrainien, une série de lieux de mémoire dont la présence aurait été embarrassante pour valider pleinement la théorie selon laquelle le nord de la Bucovine serait une région historique appartenant légitimement à l’Ukraine.
95 La frontière qui coupe de part et d’autre la Bucovine passe d’Ouest en Est, au cœur de zones de peuplement ukrainien, roumain, puis de nouveau ukrainien.
96 Elle laisse selon nos estimations près de 500 000 Roumains [34] en Ukraine et 90 000 Ukrainiens [35] en Roumanie, mais son tracé évite consciencieusement d’incorporer au territoire ukrainien les prestigieux monastères moldaves de Bucovine fondés par Etienne le Grand [36] et ses successeurs.
97 Le territoire ukrainien englobe, par contre, la capitale religieuse des Vieux-croyants russes, installée en Bucovine depuis le milieu du XIXème siècle. Cette annexion semblait alors devoir permettre aux Soviétiques de démanteler à la source un vecteur essentiel de propagation d’idées contestataires vers l’Union soviétique, où se trouvait l’essentiel des vingt millions de Vieux-croyants [37] subordonnés à « Belaya Krinitsa » [38] .
98 La destruction partielle du sanctuaire des Vieux-croyants - mouvement religieux persécuté depuis le XVIIème siècle en Russie, et qui avait donc développé depuis longtemps déjà une capacité remarquable à s’organiser face aux persécutions - devait aboutir à la désorganisation et au démantèlement définitif du courant religieux, adversaire déterminé du régime soviétique.
99 Aujourd’hui, l’aspect moscovite des bulbes verts de ce haut-lieu de la spiritualité russe, désormais à quelques mètres de la frontière roumaine, tend à accréditer la légitimité de son tracé en ces lieux, donnant à la zone pourtant peuplée majoritairement de Roumains de part et d’autre de la frontière une allure profondément slave.
Des raisons stratégiques et économiques avant tout
100 Il se peut que l’histoire tourmentée de la frontière qui sépare Roumanie et Ukraine ne puisse s’expliquer par l’intérêt que porte tel ou tel Etat à ses minorités nationales dispersées sur le sol étranger, ce qui demeure pourtant, aujourd’hui encore, le principal motif mis en avant pour de possibles rectifications de frontière lors des rencontres bilatérales qui réunissent régulièrement les diplomates des deux Etats.
101 Si l’annexion de la Bessarabie répondait à la volonté soviétique de laver l’affront de 1918, année de son rattachement au Royaume de Roumanie, l’occupation de la Bucovine du Nord, derrière les arguments ethniques, était justifiée par la constitution d’une frontière linéaire facile à défendre et surtout par la main-mise sur Cernauti qui permettait aux troupes soviétiques de contrôler les axes ferroviaires Odessa-Cernauti et Cernauti-Lvov, voies essentielles pour assurer la sécurité et l’approvisionnement des nouvelles frontières occidentales de l’URSS. D’un point de vue économique, ces voies ferrées pouvaient permettre le désenclavement de la Galicie orientale et son développement industriel, la faisant bénéficier tout à coup d’une liaison rapide vers un port de premier ordre: Odessa.
102 Finalement le problème frontalier roumano-ukrainien se pose toujours sous l’angle des intérêts économiques puisqu’aujourd’hui, si le charbon n’est plus d’un intérêt vital pour l’Ukraine, et encore moins pour la Roumanie, il en est tout autrement pour la question du contrôle des ressources pétrolières en Mer noire. Intérêt éminemment stratégique qui justifie, de part et d’autre, l’exhumation de vieux sujets de querelles tels que « l’indiscutable appartenance historique » de telle ou telle province, ou encore la situation des Ukrainiens ou des Roumains vivant à l’étranger ; suscitant autant de déclarations tonitruantes qui ont bien du mal, malgré tout, à cacher le désintérêt réel d’Etats en transition pour le sort de leurs minorités…
Bibliographie
Ancel J., 1938, Les frontières roumaines, Géographie politique, Bucarest, Domino, coll. Balcanica.
Foucher M., 1991, Fronts et frontières, un tour du monde géopolitique, Paris, Fayard.
Fruntaşu I., 2002, O istorie etnopolitică a Basarabiei, Bucarest, Cartier Istoric.
Hofbauer H., 1996, Bucovina, Basarabia, Moldova, Bucarest, Editura Technică.
Joukovsky A., 1994, Istorija Bukovini, T.II, Tchernivtsy, Vidavnica spilka «Čas».
Nistor I.S, 2000, Comuna şi Judeţul, Evoluţia Istorica, Bucarest, Dacia.
Popik S., 1999, Ukraïnci v Avstriï 1914-1918, Kiev, Zoloti litavri.
Riabtchouk M., 2003, De la « Petite-Russie » à l’Ukraine, Paris, l’Harmattan, coll. Présence ukrainienne.
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Sellier A., 1991, Atlas des peuples d’Europe centrale, Paris, La découverte.
Varatic V., 2001, Şase zile din Istoria Bucovinei, Invazia şi anexarea nordului bucovinei de către URSS, Radăuţi, Editura Institutului Bucovina-Basarabia.
Notes
1 Allemands de religion mosaïque selon la terminologie retenue par les autorités austro-hongroises.
2 La Dobroudja était une colonie turque jusqu’à son rattachement à la Roumanie en 1878 tandis que les principautés ayant le statut de protectorats étaient certes des satellites, mais n’étaient pas exposées au processus de colonisation.
3 La Transylvanie fut intégrée au royaume de Hongrie au XIème siècle.
4 Depuis 1867 la Transleithanie était l’autre nom donné au royaume de Hongrie sous administration hongroise dans le cadre de l’Etat Habsbourg.
5 C’est à dire des quotas par groupe ethnique.
6 75 500 Allemands ont été recensés en Bucovine en 1930, près de 95 000 seront évacués vers le Reich suite à l’ultimatum soviétique.
7 Vitalie Varatic, Sase zile din Istoria Bucovinei, Radauti, 2001, p.184.
8 Lvov ou Lwow, Lviv, désormais en territoire soviétique.
9 Vitalie Varatic, op. cit., p.184.
10 Les gisements de Ploiesti étaient même placés, à la fin de la guerre, sous le contrôle direct de l’armée allemande.
11 Alain Ruzé, Ukrainiens et Roumains, Rivalités carpatho-pontiques, Paris, L’Harmattan, 1999, p.230.
12 La Transnistrie abritait une minorité roumaine concentrée principalement dans ce qui avait été une ébauche de la première république soviétique moldave (1924-1940) mais était très majoritairement peuplée d’Ukrainiens et de Russes.
13 Cernauti, en roumain, Tchernivtsy ou Tchernivtsi en ukrainien, capitale de la Bucovine du Nord appelée aujourd’hui « Oblast’ de Tchernivtsy ».
14 En 1775 les Roumains constituaient environ les ¾ de la population de la province. Au recensement de 1910 on dénombrait 305 101 Ruthènes représentant 38,4 % de la population, 273 254 Roumains en représentant quant à eux 34, 4 %. Ils redeviendront le premier groupe ethnique lors du recensement de 1930 où l’on dénombrera 350 901 Roumains (41,1%) et seulement 236 281 Ruthènes (27,7 %). Cette différence énorme entre les chiffres des deux recensements (autrichien et roumain ) s’explique par le fait qu’après 1923 les autorités roumaines aient durci leurs positions à l’égard des minorités et qu’elles aient encouragé un grand nombre de Ruthènes à se déclarer comme étant de nationalité roumaine.
15 Depuis le recensement de 1880 seulement, avec 42, 2 % de la population, leur pourcentage dans la population totale diminuant régulièrement jusqu’en 1910 en raison de l’arrivée conséquente de colons allemands et d’immigrants juifs, leur nombre continuant, lui, à augmenter.
16 Du Ier Novembre 1918, suite à l’appel du conseil national ukrainien, jusqu’au 5 novembre les nationalistes ukrainiens occupent Czernowitz, capitale de la province, jusqu’à ce que les troupes roumaines libèrent la ville à l’appel du conseil national roumain.
17 La situation politique ne commencera réellement à se dégrader qu’au milieu des années 20 avec la montée du nationalisme roumain.
18 Il existe à Hotin une forteresse semblable qui fut, jusqu’en 1812 et son rattachement à l’Empire russe, une colonie turque.
19 Echanges de populations, en 1940, entre Hongrie et Roumanie, de même qu’entre Bulgarie et Roumanie, Union soviétique et Reich, suivis de la déportation des juifs et des tsiganes de Roumanie.
20 C’est le cas notamment des Ruthènes dans l’Oblast’ de Transcarpathie revendiquant leur autonomie voire leur indépendance, pour les plus radicaux, au nom de leur spécificité ethnique.
21 Capitale de la Bucovine du Sud et capitale historique de la principauté moldave jusqu’à son assujettissement aux turcs au début du XVI ème siècle.
22 Selon le recensement roumain de 2002.
23 Le 17 septembre 1939 l’armée franchit la frontière et dès le 19 le gouvernement et le haut commandement polonais se réfugient en Roumanie, suivis de quelques unités de l’armée.
24 Alain Ruzé, ibid., p.232.
25 Route indiquée sous le nom de « Causeni-Reni » sur la carte « Entre Roumanie et Ukraine : La république moldave en 2005, un Etat à l’avenir incertain » (figure 12).
26 selon l’expression utilisée par V.Iouchtchenko dans Le Monde, 26 janvier 2005, M.Saakachvili se félicite de l’arc de démocratie que forme la Géorgie et l’Ukraine, article de Natalie Nougayrède.
27 OSCE : Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe.
28 Crimée majoritairement peuplée de Russes et qui possède le statut de République autonome, c’est à dire le même que celui de la Transnistrie dans le cas de la Moldavie…
29 Club de discussions du Partidul Social Liberal (PSL), Le conflit transnistrien : Evolutions et perspectives, conférence soutenue par le Dr. Oleg Serebrian, Président du P.S.L, Chisinau, janvier 2001.
30 La langue moldave, création stalinienne est en fait la transcription en cyrillique de la langue roumaine.
31 Selon les données du recensement ukrainien de 2001.
32 Iulian Fruntaşu, O istorie etnopolitică a Basarabiei (1812-2002), p.564-565. L’auteur qualifie de « roumanophobie » l’attitude de défiance des minoritaires à l’égard de l’ethnonyme « Roumain », ou du glotonyme « langue roumaine » auquel ils préfèrent « Moldave » et « Langue moldave ».
33 Les Gagaouzes sont des turcophones de religion chrétienne orthodoxe installés dans les Balkans, semble t’il, avant l’arrivée des Ottomans.
34 Moyenne réalisée entre les informations fournies par l’organisation des Roumains de Bucovine du Nord et les données mise à disposition par le département chargé de la protection des minorités pour l’Oblast’ de Tchernivtsy.
35 Evaluation réalisée à l’aide du recensement scolaire de 1999 (Inspectorat scolaire de Suceava) et du recensement national roumain (2002).
36 Stefan Cel Mare, Prince de Moldavie (1457-1504), victorieux par deux fois des Turcs.
37 Le chiffre de vingt millions de croyants en 1922 est fourni par plusieurs sources dont Léon Poliakov dans son livre publié en 1991 intitulé L’épopée des Vieux-croyants, Paris, Perrin, p.176.
38 Belaya Krinitsa ou Fîntîna Alba, du nom du siège de la Métropolie Orthodoxe russe de rite ancien.
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Crédits | Sources : Spatiul istoric si etnic românesc, editura militara, Bucarest, 1993.Atlas ethnographique de la Roumanie, Institutul de arte grafice, Bucarest, 1938. | ||
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Crédits | Sources : Recensements roumains 1930 – 2002. | ||
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Crédits | Sources : Recensements soviétiques, 1939 - 1979, Recensements ukrainiens 1992, 2001. | ||
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Crédits | Sources : Ioan Nistor, Comuna si Judetul, evolutia istorica, Bucarest, Dacia, 2000, Atlas pentru istoria româniei, Bucarest, Editura Didactica, 1983. | ||
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Crédits | Sources : Ioan Nistor, Comuna si Judetul, evolutia istorica, Bucarest, Dacia, 2000, Atlas pentru istoria româniei, Bucarest, Editura Didactica, 1983. | ||
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Pour citer cet article
Référence électronique
Frédéric Beaumont, « La frontière roumano-ukrainienne et le poids réel de la question des minorités », Cybergeo : European Journal of Geography [En ligne], Espace, Société, Territoire, document 303, mis en ligne le 23 février 2005, consulté le 07 mars 2021. URL : http://journals.openedition.org/cybergeo/3230 ; DOI : https://doi.org/10.4000/cybergeo.3230
Auteur
Frédéric Beaumont
Doctorant
Laboratoire TIDE (UMR 6588-CNRS-Université Bordeaux 3), France
beaumont_frederic@hotmail.com