Nous empruntons au site "Le Chemin Lumineux" un article consacré à l'histoire de la Moldavie.
Cet article pouvant être catalogué "extrême-gauche libertaire", il nous paraît justifié d'indiquer en contre-point l'adresse du site https://www.moldavie.fr/ sous-titré "Portail francophone de la Moldavie".
Ce dernier offre une très riche documentation sur la Moldavie.
Cf. à ce propos sur notre site l'article intitulé : "
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Article tiré du site "Le chemin Lumineux"
http://www.chemin-lumineux.com/
Après l’effondrement de l’empire des Huns, la région est disputée entre les Avars et les Onogoures, tandis que les tribus Slaves migrent vers le Sud, traversant le Danube pour s’installer dans les Balkans. Bien d’autres peuples y passent ensuite (Bulgares, Magyars, Pétchénègues, Iasses, Coumans...) mais en dehors des vallées des principaux cours d’eau (Prut, Răut et Dniestr), le peuplement sédentaire, mélange de Daces romanisés et de Slaves connu sous le nom de Volochovènes, a été sporadique en raison du climat (périodes de sécheresse pluriannuelle) et d’invasions venues des steppes de l’Est (peuples de cavaliers nomades). Les deux phénomènes sont d’ailleurs liés : la végétation aussi a évolué selon ces aléas : lors des périodes plus humides propices au peuplement sédentaire, les forêts (codri), les prés (pășuni) et les cultures (ogoare) progressaient, tandis que lors des périodes sèches propices aux cavaliers nomades, c’étaient les steppes à chardons.
À chaque période sèche, les populations autochtones, depuis les Gétodaces et jusqu'aux Moldaves roumanophones actuels, se sont réfugiées sur les piémonts des Carpates orientales ou dans le Codru (plus arrosés en raison de leur altitude), puis, les pluies revenues, ont repeuplé le pays en creusant des puits et en refondant des villages et des villes, tout en assimilant au passage les minorités installées lors des invasions. L’avant-dernière grande invasion ayant dépeuplé le pays (mentionné comme loca deserta ou terra sine incolis sur les cartes de l’époque) fut celle des Tatars/Mongols au XIIIe siècle, puis le repeuplement moldave s'est effectué au XIVe siècle, conclu par l’unification des petits voïvodats en une Principauté de Moldavie.
Principauté de Moldavie À chaque période sèche, les populations autochtones, depuis les Gétodaces et jusqu'aux Moldaves roumanophones actuels, se sont réfugiées sur les piémonts des Carpates orientales ou dans le Codru (plus arrosés en raison de leur altitude), puis, les pluies revenues, ont repeuplé le pays en creusant des puits et en refondant des villages et des villes, tout en assimilant au passage les minorités installées lors des invasions. L’avant-dernière grande invasion ayant dépeuplé le pays (mentionné comme loca deserta ou terra sine incolis sur les cartes de l’époque) fut celle des Tatars/Mongols au XIIIe siècle, puis le repeuplement moldave s'est effectué au XIVe siècle, conclu par l’unification des petits voïvodats en une Principauté de Moldavie.
Au Moyen Âge : après avoir été partagée entre plusieurs petits duchés (Onut, Soroca, Hansca, Bârlad) et le peuple des Iasses, la région fait partie depuis 1359 de la Principauté de Moldavie.
En 1367, la Bessarabie jusque-là valaque est rattachée à la Moldavie (mais à l’époque, le nom de Bessarabie désigne seulement les rivages du Danube et de la Mer Noire libérés des Tatars par la dynastie valaque des Basarab : cette région est maintenant appelée Boudjak).
À partir de 1538 la Moldavie doit payer tribut à l’Empire ottoman mais conserve son autonomie.
En 1774, l’Autriche annexe la Bucovine (au nord-ouest du pays), puis en 1812, les Russes qui visent le contrôle des bouches du Danube obtiennent la moitié orientale du pays, et étendent le nom de Bessarabie à tout le territoire annexé dont Chișinău devient la capitale (Traité de Bucarest (1812)).
En 1812, la Moldavie orientale devient une « goubernia » de l’Empire russe sous le nom de gouvernement de Moldavie-et-Bessarabie, peu après abrégé en Bessarabie. Les autorités impériales considèrent que la Bessarabie doit devenir une terre russe y compris sur les plans démographique et culturel, et elles en prennent les moyens, mais en plusieurs étapes.
Sur le plan politique et linguistique, au début l’autonomie de la Bessarabie est garantie en 1816, et le prince moldave Scarlat Sturdza, est nommé gouverneur. Mais l’autonomie est abolie en 1828 et Sturdza, destitué, doit s’exiler et est remplacé par des gouverneurs russes. En 1829, l’usage de la « langue moldave » (nom russe du roumain parlé par les Moldaves) est interdit dans l’administration au profit du russe. En 1833, le « moldave » est interdit dans les églises et, en 1842, dans les établissements d’enseignement secondaire, puis dans les écoles primaires en 1860. Enfin en 1871 le moldave/roumain est purement et simplement interdit dans toute la sphère publique par oukaze impérial.
Sur le plan démographique, les autorités impériales encouragent l’émigration des Moldaves (et en déportèrent de plus en plus) vers d’autres provinces de l’empire (notamment au Kouban, au Kazakhstan et en Sibérie), tandis que d’autres groupes ethniques, notamment Russes et Ukrainiens (appelés au XIXe siècle « Petits Russes »), étaient invités à s’installer dans la région. Selon le recensement de 1817, la Bessarabie était peuplée à 86 % de Moldaves, 6,5 % d’Ukrainiens, 1,5 % de Russes (Lipovènes) et 6 % issus d’autres groupes ethniques. Quatre-vingts ans plus tard, en 1897, la répartition ethnique avait sensiblement évolué, avec seulement 56 % de Moldaves, mais 11,7 % d’Ukrainiens, 18,9 % de Russes et 13,4 % de personnes issues d’autres groupes ethniques. En quatre-vingts ans, la part de la population autochtone avait donc chuté de 30 %. En 1856, à la suite de la guerre de Crimée, la Principauté de Moldavie récupère le Sud de la Bessarabie (aujourd’hui Boudjak, ou Bugeac en roumain) : durant 22 ans, le processus de « dé-moldavisation » s’interrompt dans cette région.
Pour l’Empire russe, la Bessarabie est d’abord une région agricole et des voies ferrées sont construites pour la relier au port d’Odessa afin d’exporter les céréales et le bois moldaves. Sur le plateau au dessus du vieux bourg moldave de Chișinău, une ville nouvelle russe au plan en damier est construite : là se trouvent administrations, casernes, cathédrale et manufactures.
À l’ouest du Prut, en 1859, la Moldavie occidentale et la Valachie s’unissent pour former la Roumanie : dès lors, les roumanophones des pays voisins (Banat, Transylvanie, Marmatie, Bucovine, Bessarabie et Dobroudja) réclament leur rattachement à ce pays. En 1878, à la suite de la guerre que Russes et Roumains ont mené ensemble contre l’Empire ottoman, la Russie récupère le sud de la Bessarabie (aujourd’hui Boudjak) mais l’indépendance de la Roumanie est internationalement reconnue.
Pendant la Première Guerre mondiale, le 2 décembre 1917, l’indépendance de la République démocratique de Moldavie est proclamée par le Soviet moldave. Celui-ci, à majorité menchévique et roumanophone, mais menacé de mort par les Bolcheviks (qui mettent à prix la tête des députés), appellent à la rescousse une division roumaine épaulée par la mission française Berthelot puis, le 27 mars 1918, vote, par 86 voix contre 3 et 36 abstentions, le rattachement à la Roumanie, à condition que celle-ci respecte les réformes démocratiques qu’il avait promulguées et l’autonomie du pays.
En 1924, l’URSS qui reprend à son compte les ambitions géopolitiques des Tzars, refuse de reconnaître ce vote et fonde en Ukraine une Région socialiste soviétique autonome moldave (en roumain : « Transnistrie »).
Les réformes démocratiques du Soviet moldave sont partiellement respectées au début de la période roumaine, mais au fil des années et de la montée des nationalismes et des dictatures en Europe surtout à partir de la crise économique des années 1930, elles seront de plus en plus écornées, et en février 1938 la démocratie parlementaire roumaine s’effondre au profit de la dictature carliste dans une situation de quasi-guerre civile entre celle-ci et les fascistes violemment antisémites de la Garde de fer, particulièrement actifs en Bessarabie où les Juifs (ici ashkénazes et russophones) étaient très nombreux. En Transnistrie soviétique, la population diminue à la suite de la guerre civile russe, aux persécutions et déportations de la Guépéou-NKVD, à la collectivisation et surtout à la famine : le comité Nansen est très présent en Bessarabie et y accueille des dizaines de milliers de réfugiés majoritairement Russes, Juifs et Ukrainiens fuyant l’URSS, de sorte que le nombre de russophones augmente en Bessarabie même durant la période roumaine.1
Le 28 juin 1940 l'URSS, conformément au Pacte germano-soviétique signé l'année précédente, occupe la Bessarabie et la Bucovine du nord. Une première vague de terreur et de déportations, sous l'égide du NKVD et en direction du Goulag, s'abat sur le pays, visant en priorité tous les moldaves ayant servi l'état roumain, les instituteurs, les prêtres, et les paysans possédant du bétail ou de la terre, étiquetés « koulaks ». En juin 1941, les troupes allemandes et roumaines (dont le pouvoir est à ce moment entre les mains du « Pétain roumain » Ion Antonescu, qui a renversé le gouvernement pro-Allié en octobre 1940), attaquent l'URSS. Les Roumains ré-occupent pour quatre ans la Bessarabie et la Bucovine ainsi que la Podolie située entre le Dniestr et le Bug, à partir du nord de Bar en RSSU, que l'Allemagne et la Roumanie décident d'administrer sous le nom de Transnistrie. Une deuxième vague de terreur et de déportations s'abat sur le pays, ciblant cette fois les Juifs, accusés en bloc d'avoir servi l'URSS et dénoncé au NKVD les anciens fonctionnaires ou prêtres roumains. La Roumanie fasciste fait de la Transnistrie une sorte de « Sibérie roumaine » où les armées allemandes et roumaines déportent Juifs, Roms et résistants (beaucoup y mourront de faim, de froid et de dysenterie ; d'autres furent enfermés dans des hangars arrosés d'essence et brûlés vifs).
En mars 1944 les troupes soviétiques libèrent la Transnistrie et en août 1944, la Bessarabie. Un traité en 1947 donne la Bessarabie, la Bucovine du nord, la région de Herța et la région de Transnistrie occidentale à la RSSM, membre de l’Union soviétique, et les divisions administratives soviétiques et la toponymie slave des territoires sont imposées. Une troisième vague de terreur et de déportations par le NKVD commence alors, à nouveau dirigée contre les moldaves.
Selon les rapports du ministre Krouglov à Staline, exhumés par l'historien Nikolai Bougai, et selon les données des recensements, de 1940 à 1950 la Moldavie a perdu un tiers de sa population, passant de 3 200 000 personnes selon le recensement roumain de 1938 (sur le territoire de l'actuelle république), à 2 229 000 selon le recensement soviétique de 1950.
Donc 971 000 personnes ont disparu en dix ans :
En 1950 plus de 220 000 « indésirables » ou « nuisibles » avaient déjà été déportés hors du pays, dont 49 000 étaient encore en vie sur les lieux de leur déportation (toujours dans Bougaï).
Domination soviétique après la guerre Le territoire fait partie de l’Union soviétique après la Seconde Guerre mondiale sous le nom de République socialiste soviétique de Moldavie, et souffre d’une politique brutale de déportation de la population roumaine, que les Soviétiques mènent de façon à affaiblir l'élément autochtone, supposé hostile au régime. La police secrète frappe les groupements nationalistes et l’alphabet cyrillique s’impose à la langue roumaine, désormais rebaptisée « moldave ». Après 1955 les déportations cessent mais les jeunes « Moldaves » sont systématiquement nommés loin de leur pays dès leur premier emploi, tandis que des populations russophones et ukrainophones sont encouragées à s’établir en RSSM, depuis les autres républiques soviétiques (en Transnistrie les slavophones étaient déjà en majorité).
La politique gouvernementale, qui exige une production agricole élevée en dépit de maigres récoltes, conduit les populations à la famine en 1945-1947 (cette politique avait déjà été conduite dès les années 1920 en Ukraine). Les postes politiques, académiques et du parti communiste sont occupés par des non-Roumains (seulement 14 % des chefs politiques de la RSSM sont Roumains en 1946).
Une purification ethnique est dirigée contre les intellectuels roumains (pourtant prosoviétiques) qui avaient décidé de rester en Moldavie après la guerre, ainsi que contre tout ce qui est roumain.
Les conditions de la prise de pouvoir soviétique sont à la base du ressentiment dirigé contre les autorités soviétiques – ressentiment qui s’est rapidement manifesté. En 1950-1952, lorsque Léonid Brejnev est secrétaire du parti communiste de Moldavie (PCM), une révolte des autochtones roumains contre la collectivisation forcée, est étouffée par la mort ou la déportation de centaines d’hommes. Brejnev et les premiers secrétaires du PCM réussissent à réprimer le sentiment national roumain et local moldave, et ces Moldaves se taisent encore trois décennies, jusqu’à l’arrivée au pouvoir de Mikhail Gorbatchev. Sa politique de glasnost (transparence, en russe) et de perestroïka (restructuration, en russe) crée les conditions d’expression du sentiment national libre et ouvert, et les républiques soviétiques peuvent adopter des réformes.
Dans un climat toujours plus tendu, les tensions politiques grandissent dans la RSS Moldave en 1989. Cette année se forme le Front Populaire Moldave, une association de groupements politiques et culturels reconnue officiellement. Les grandes manifestations des autochtones roumanophones conduisent à désigner la langue roumaine comme langue officielle et le remplacement du chef du Parti Communiste Moldave. Ce mouvement inquiète les colons slavophones, qui forment en 1988 le Mouvement Yedinstvo (majoritaire en Transnistrie) tandis qu'en 1989 apparaît dans le sud le mouvement Gök-Oğuz Halkı (peuple Gök-Oğuz ou "Gagaouze") formé de chrétiens de langue turque.
Les premières élections démocratiques au Soviet Suprême de la RSS Moldave se tiennent le 25 février 1990. Le Front Populaire remporte la majorité des voix. Après les élections, Mircea Snegur, un ancien communiste, devient président du Soviet Suprême ; en septembre, il devient président de la République. Le gouvernement réformiste qui l’a porté au pouvoir en mai 1990 conduit beaucoup de changements qui ne plaisent pas aux minorités, par exemple la modification du nom de RSS Moldave en RSS de Moldavie en juin, et la déclaration de souveraineté le même mois.
En août, les Gagaouzes (politiquement correct: Gök-Oguz) se déclarent « république indépendante », sous le nom de République Gagaouze (Gagauz-Yeri) dans le sud, autour de la ville de Comrat. En septembre, la population sur la rive gauche du fleuve Dniestr, en majorité slave, proclame la « République moldave du Dniestr » (ou simplement « République nistréenne ») en Transnistrie, avec comme capitale Tiraspol. Aussitôt le Soviet Suprême déclare cette proclamation comme nulle, et des élections sont organisées dans les deux « républiques ». Stepan Topal est élu président de la République gagaouze en décembre 1991, et Igor Smirnov président de la « République nistréenne » le même mois.
À peu près mille volontaires « cosaques » rejoignent les hommes de la 14e armée russe stationnée depuis 1956 à Tiraspol sous la direction du Haut Commandement pour les Opérations militaires du Sud Est et sous la conduite du général Alexandre Lebed (un Sibérien, comme Igor Smirnov). Ces 3 000 hommes partent vers le nord le long du Dniestr, pour s'emparer de l'arsenal de Colbasna, de la ville et du pont de Tighina, et de la centrale électrique de Dubăsari ; en chemin ils prennent pour cible un car de touristes (russes) et quelques maisons où flottait le drapeau tricolore moldave (faisant quelques dizaines de victimes). Les toutes nouvelles milices moldaves (environ 2 500 hommes) passent alors le Dniestr pour tenter de prendre le contrôle de la Transnistrie : les affrontements font 250 morts et environ mille blessés, mais les russophones conservent le contrôle de la rive gauche du fleuve et de la ville de Tighina (Bender). À Moscou, les négociations entre Gagaouzes, les Slaves transnistriens et le gouvernement de la RSS de Moldavie échouent, et la rive gauche du Dniestr échappe au contrôle du gouvernement de Chișinău.
En mai 1991, les officiels renomment l’État en République de Moldavie (Republica Moldova). Enfin, le Soviet Suprême est transformé en Parlement Moldave.
Pendant le coup d’État de Moscou en août 1991, les chefs du Commandement du Sud-Est essaient d’imposer l’état d’urgence en République de Moldavie, mais ils sont arrêtés par le gouvernement moldave, qui s'allie au président russe Boris Eltsine. Le 27 août 1991, après l’échec du coup d’État, la République de Moldavie se déclare indépendante de l’Union soviétique.
En octobre, la République de Moldavie commence à organiser ses forces armées. L’Union soviétique s’effiloche rapidement, et la République de Moldavie ne peut compter sur ses seules milices pour prévenir les risques d’escalade des violences en « République nistréenne » et dans le reste du pays. Les élections de décembre, de Stefan Topal et de Igor Smirnov à la présidence des « républiques », et la dissolution officielle de l’Union soviétique accroissent les tensions en République de Moldavie.
La violence se rallume de nouveau en Transnistrie en 1992. Un accord de cessez-le-feu est négocié en juillet entre les présidents Snegur et Eltsine. Une ligne de démarcation doit être maintenue par une force de paix tripartite (composée d’éléments moldaves, russes et transnistriens), et Moscou s’engage à retirer sa 14e Armée si une constitution pour la Transnistrie arrive à s’établir. Alors, la Transnistrie devra avoir un statut spécial dans le cadre de la République de Moldavie, qui lui réserve le droit de sécession en cas d’union de la République de Moldavie avec la Roumanie (plan Belkovski).
Les 25 premières décennies de l'indépendance de la Moldavie ont été placées sous les feux croisés des pressions géopolitique, économiques et politiques extérieures, venues de l'Est lorsqu'elle tentait de se rapprocher de ses voisins occidentaux, et de l'Ouest lorsqu'elle revenait vers ses voisins orientaux. Ces pressions entravent son développement et affaiblissent sa cohésion intérieure en attisant et opposant les deux mouvements antagonistes, appelés « moldaviste » et « roumaniste ».
Les « moldavistes » (du roumain Moldovenism), fidèles à la définition soviétique de la majorité autochtone, regroupent la quasi-totalité des minorités ainsi qu'une fraction de roumanophones, électeurs du Parti communiste (qui a 45% des sièges au parlement aux différentes élections depuis une dizaine d'années). Pour eux, le fait que la Moldavie a fait partie de l'Empire russe puis d'une communauté soviétique constituant elle-même « un univers entier » (comme l'affirma Vladimir Voronine) justifie que le terme « moldave » définisse une langue, un peuple et une ethnie « différents des Roumains » et donc différents aussi des habitants de la Moldavie roumaine (qui, pour la Roumanie, sont également des Moldaves... mais parmi les Roumains). Ils rassemblent les électeurs craignant le modèle européen occidental (qui leur fut présenté comme « fasciste »), en un mouvement pro-soviétique initialement (1991) appelé « Interfront » qui, après l'indépendance et la disparition de l'URSS, forma en 1994 le Parti communiste.
Le mouvement « roumaniste » (du roumain Românism) est apparu, pendant le mandat de Mikhaïl Gorbatchev à la tête de l'URSS et à la faveur de la glasnost et de la perestroïka, en tant que mouvement indépendantiste alors dirigé par Mircea Druc et regroupant, initialement, tous les courants non-communistes du pays, pour lesquels l'indépendance ne constituait qu'un premier pas vers l'union avec la Roumanie. Pour eux, le terme « moldave » ne devait pas désigner autre chose que l'identité régionale d'une Moldavie réunifiée comme région au sein d'une « Grande Roumanie » démocratique sur le modèle parlementaire de 1918. Revendiquée par les roumanophones lors des grandes manifestations de 1990, mais combattue par les russophones, l'union entre la République de Moldavie et la Roumanie vise par ce moyen l'entrée de la Moldavie dans l'Union européenne et dans l'OTAN, et sa sortie de la CEI et de la sphère d'influence russe.
L'opposition entre ces deux mouvements dégénéra en 1992 en une « guerre du Dniestr », préfiguration (et peut-être répétition) de la « guerre du Donbass » en Ukraine voisine. Comme le Donbass, la région du Dniestr abrite l'essentiel du potentiel industriel du pays. Vaincu, le mouvement « roumaniste » s'est fragmenté en plusieurs partis formant l'actuelle Alliance pour l'intégration européenne, partis qui, l'un après l'autre, ont fini par abandonner l'unionisme et ne revendiquent plus que le droit, pour la majorité autochtone, de développer sa culture en libre relation avec la culture et la langue roumaine par-delà les frontières de la République, à égalité avec les Russes, les Ukrainiens et les Bulgares de Moldavie qui peuvent librement développer leurs cultures en relation avec la culture et la langue respectivement russe, ukrainienne et bulgare.
Au référendum en 1994, la pression géopolitique de la Russie, principal fournisseur d’énergie de la Moldavie, aboutit à la renaissance du parti communiste tandis que les partisans de l’union avec la Roumanie prônent l’abstention : l’union est finalement rejetée par plus de la moité des électeurs soit 95,4 % des votants. En 2015, les rares partis qui la revendiquent encore représentent moins de 10 % des voix, tandis que les « moldavistes » en recueillent près de la moitié, en raison de la crainte de nouvelles « journées noires » sans gaz ni électricité (la Russie contrôlant, via la Transnistrie, la centrale électrique de Dubăsari et les gazoducs de Gazprom), et de subir les crises économiques de l’ultralibéralisme, comme la Roumanie voisine depuis 2008.
Une nouvelle constitution entre en vigueur le 27 août 1994 : elle accorde une autonomie importante de la Transnistrie et de la Gagaouzie. La Russie et la République de Moldavie signent un traité en octobre 1994, qui concerne le retrait des troupes russes de la Transnistrie, mais le gouvernement russe n’a jamais ratifié ce traité et vingt ans plus tard, contrôle toujours la région moldave appelée « Transnistrie ».
En mars et en avril 1995, des étudiants et des élèves moldaves roumanophones entament une série de grèves et de manifestations à Chișinău pour protester contre la politique culturelle et éducative du gouvernement. Ils sont soutenus par des intellectuels, et par des travailleurs et des retraités qui protestent contre le gouvernement pour des motifs économiques. Le mécontentement se cristallise sur la discrimination négative à l’encontre des autochtones.2
Entre 1991 et 2010, la vie politique se joue essentiellement entre d’une part les pro-russes regroupés autour des communistes qui se réfèrent explicitement au modèle soviétique et recueillent les suffrages de la grande majorité des slavophones et d’une partie des roumanophones (notamment en milieu rural) et d’autre part les non-communistes (agrariens, centristes, libéraux, chrétiens-démocrates, socialistes modérés) qui se réfèrent explicitement au modèle européen et roumain, et recueillent les suffrages d’une autre partie des roumanophones, notamment en milieu urbain ; à partir de 1995, mais surtout après 2000, à la suite de la crise financière du monde occidental, les communistes dominent nettement la scène politique : majoritaires au Parlement, ils gouvernent quasiment seuls de 2001 à 2009 sous la présidence du russophone Vladimir Voronine.
Le 5 avril 2009, 2,5 millions d’électeurs sont appelés à voter. Les communistes l’emportent de justesse mais l’opposition les accuse d’intimidation et de corruption. La délégation d’observateurs du Parlement européen présidée par la députée européenne Marianne Mikko (Estonienne, Parti socialiste européen) note de « réels progrès par rapport aux élections législatives de 2005 » mais ajoute que « des efforts supplémentaires devraient être faits concernant la neutralité des chaînes de télévision et de radio publiques ». Le 7 avril 2009, des manifestations de l’opposition à Chișinău, devant le parlement, sont violemment réprimées (décès de trois personnes) et les communistes accusent l’OTAN et la Roumanie, qualifiés de « puissances fascistes », de susciter artificiellement ces incidents par leurs « provocations » et « ingérences ».
Selon la Commission électorale centrale moldave, le Parti communiste obtient 49,48 % des voix et 60 mandats de députés, soit un mandat de moins que nécessaire pour pouvoir élire le chef de l’État. Par ailleurs, le Parti libéral obtient 13,14 % des voix (15 mandats), le Parti libéral-démocrate de Moldavie 12,43 % des voix (15 mandats) et l’Alliance « Notre Moldavie » 9,77 % des voix (11 mandats).
Le Parti communiste ne parvenant pas à faire élire son candidat, les élections législatives de juillet 2009 voient quatre partis d'opposition (Libéral-démocrate, Libéral, social-démocrate, et chrétien-démocrate) s'unir pour former une Alliance pour l'intégration européenne (AIE) qui remporte 53 sièges contre 48 au Parti communiste, qui reste néanmoins le plus puissant des partis politiques de Moldavie, et en pourcentage de voix, l'un des plus puissants partis communistes d'Europe.3
La Moldavie a successivement appartenu à la Russie tsariste, à la Roumanie et à l'URSS, avant d'acquérir son indépendance en 1991. Ce petit pays reste aujourd'hui profondément divisé entre mouvements pro-russes et pro-occidentaux. Le Parti des communistes de la République de Moldavie (PCRM), arrivé démocratiquement au pouvoir en 2001, a incarné un instant la première tendance. Il a cependant rapidement changé de cap, affirmant dès 2002 vouloir intégrer l'UE et entamant par la suite des partenariats avec l'OTAN. Entre 2003 et 2008, son président Vladimir Voronin a envoyé quatre contingents militaires en Irak, ce qui lui a valu d'être félicité par Bush en personne. D'un autre côté, le PCRM s'est illustré par une politique économique qui a pu laisser ses partenaires occidentaux – en particulier US – sur leur faim. En 2008, un rapport du Congrès des États-Unis soulignait par exemple : « la vente de grandes sociétés a été arrêtée sous la loi communiste et l'investissement étranger en Moldavie est faible. » De même, un rapport de la Fondation Soros dénonçait en 2010 : « La Moldavie de Voronin a été un cas par excellence de ce qu'on peut appeler une européanisation de façade ».4
Les 10 000 manifestants moldaves, essentiellement des jeunes, qui ont attaqué et mis à sac les bâtiments du Parlement et du gouvernement de Chisinau, capitale de la Moldavie, les 7-10 avril, l'ont fait pour protester contre le résultat, truqué selon eux, des élections législatives du 6 avril.
Le parti communiste, dont le président Vladimir Voronine - général du KGB et ministre de l'Intérieur jusqu'à l'effondrement de l'URSS en 1991 - gouverne le pays d'une main de fer. Il est lui aussi pour le rapprochement avec l'Otan et l'UE, tout en ménageant Poutine, son ancien allié. C'est visiblement pour protéger le parti de Voronine que les élections ont été déclarées « conformes aux standards européens » par les observateurs de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), de l'UE et des États-Unis. Avec quand même « quelques irrégularités » comme le manque d'accès à la radio et à la télévision pour les partis d'opposition, les liens du pouvoir avec la mafia et la corruption (la Moldavie est classée à la 102e place sur les 133 pays étudiés par Transparency International). Ajoutons aussi que ce parti, mal nommé « communiste », a envoyé à plusieurs reprises des unités de l'armée moldave en Irak.
Ce pays, qui s'est prononcé en 1994 à 94,4 % pour l'indépendance, est un terrain d'affrontements des intérêts économiques et militaires des grandes puissances. La Russie de Poutine soutient vigoureusement Voronine dans ses accusations contre la Roumanie, membre depuis peu de l'UE. La Russie occupe militairement la Transnistrie, une enclave industrielle limitrophe de l'Ukraine, à majorité russophone, qui fit sécession en 1991. L'UE et l'Otan cherchent à pousser leur avantage, en se servant de la Roumanie et des liens historiques très forts entre Roumains et Moldaves (78 % des Moldaves parlent le roumain, appelé ici le moldave, à l'exception des minorités ukrainiennes, russes et gadauz). Économiquement, la Moldavie est totalement dépendante du gaz et du pétrole russes ainsi que de l'aide économique, tout aussi désintéressée, du FMI et l'UE.
Mais, la principale raison de cette révolte semblait tenir à la situation sociale explosive du pays. La Moldavie est le pays le plus pauvre d'Europe, avec un revenu par habitant dix fois plus bas que la moyenne européenne. Depuis une dizaine d'années, ce pays de 4,3 millions d'habitants s'est littéralement vidé de sa population active. Plus d'un quart des actifs sont partis travailler en Roumanie, dans les autres pays de l'UE et en Russie, le plus souvent illégalement, alimentant ainsi l'armée des millions des sans-papiers d'Europe.
Ce sont les jeunes qui sont les plus touchés par la misère, le chômage et l'absence de tout espoir de vie digne. Une génération sacrifiée. En s'attaquant aux symboles du pouvoir, responsable de cette débâcle sociale, ils scandaient « liberté, liberté, nous voulons être dans l'Europe », « de nouvelles élections ». La spontanéité et la violence de cette explosion ont totalement pris au dépourvu le pouvoir comme l'opposition. Des « fascistes », des « agents roumains » toute cette jeunesse, comme le clament Voronine et Poutine ? Des « provocateurs de Moscou », comme on suggère dans l'opposition néolibérale et à Bruxelles. Certains observateurs font le parallèle avec la révolte de la jeunesse grecque - toutes proportions gardées et sans oublier le fait, essentiel, que les jeunes Moldaves ne semblent pas encore disposer d'organisations comme en Grèce. C'est pourquoi, il est important d'aider à tisser des liens politiques entre cette jeunesse et la jeunesse anticapitaliste européenne. Pour une autre Europe.5
Ces protestations furent présentées comme un nouvel épisode des « révolutions colorées » qui, depuis une dizaine d'années, balayaient en Europe de l'Est une série de régimes jugés « non démocratiques ». Des révolutions dont le terrain avait à chaque fois été préparé par les États-Unis en coulisses, et qui n'avaient en fait rien de spontané. Une situation à laquelle n'échappe pas la Moldavie, pays situé aux confins de l'Europe et de la Russie.
Au moment des événements d'avril 2009, la Moldavie était dirigée depuis une dizaine d'années par le Parti des Communistes, qui semblait prédisposé à remporter une nouvelle fois les élections. Ce parti, largement acquis à l'économie de marché, menait une politique jugée trop indépendante par Washington. Sous sa direction, la Moldavie refusait de rejoindre l'OTAN, entretenait de forts liens avec la Russie et, selon la Fondation Soros, se limitait à une « européanisation de façade ». Aussi les États-Unis préféraient-ils mettre à la tête du pays l'Alliance pour l'Intégration Européenne (AIE), une coalition de partis de droite qui leur étaient davantage soumis.
Plus d'un an avant le scrutin, l'ambassadeur US organisa une réunion pour « discuter de l'aide du gouvernement US en prévision des élections parlementaires de 2009 ». Étaient présents six membres éminents de l'USAID, dont les dirigeants de la Fondation Eurasia, d'IREX, de l'Institut démocratique international (NDI) et l'Institut républicain international (IRI). Après avoir reconnu que « les élections nationales de 2009 seraient âprement disputées » et que « le parti au pouvoir serait tenté d'utiliser tous les moyens pour rester en place », ils convinrent d'une série de mesures pour « préparer » ces élections. Ces mesures visaient soit à favoriser les partis de l'opposition (aider à la création d'une coalition, déterminer les préférences des électeurs indécis, créer des sections locales, etc.) soit à former des observateurs en vue de « superviser » le scrutin. L'ambassadeur s'engagea à prendre en main la coordination de toute l'assistance et promit d'offrir des bourses aux ONG dont les activités iraient dans le même sens.
Les organisations US se mirent au travail au cours des mois suivants. IREX lança avec le soutien de l'USAID la campagne « Hai la vot ! » (« Allons voter ! »), destinée à récolter les voix des indécis et des abstentionnistes. Une camionnette remplie de jeunes activistes se mit à sillonner les routes de Moldavie pour convaincre les gens de se rendre aux urnes et, surtout, de voter de façon « réfléchie ». Présentée comme non partisane, cette campagne ciblait en priorité les jeunes, base électorale de l'Alliance pour l'Intégration Européenne. Les partis de l'opposition eurent également droit à des formations. C'est ainsi que, dans un entretien privé survenu quelques mois après le scrutin, le président du Parti libéral remercia personnellement l'ambassadeur US pour l'assistance dont son équipe avait bénéficié, en particulier de la part de l'Institut démocratique international et de l'Institut républicain international.
Cependant, comme une nouvelle victoire des Communistes était plus que probable, c'est dans la « surveillance » du processus électoral que les États-Unis investirent l'essentiel de leurs forces. Le but n'était pas tant de vérifier la validité du scrutin que de chercher la faute à tout prix. De la sorte, ils espéraient favoriser le déclenchement d'une « révolution colorée » telle que celles survenues avec leur soutien en Ukraine, en Géorgie et au Kirghizistan. En juillet 2008, un ancien membre de l'Institut républicain international dénonça dans la presse la préparation d'une telle révolution avec l'aide de l'USAID, de l'IRI et du NDI, ce qui sema un certain trouble au sein de l'ambassade américaine. Les organisations US purent néanmoins continuer leur travail normalement.
Une véritable armée d'observateurs, la « Coalition civique 2009 », fut mise sur pied avec le soutien de la NED, de l'USAID et de la Fondation Eurasia. Cette coalition, dirigée par neuf organisations toutes financées par Washington, réunissait au total 70 ONG. Elle prévoyait de faire surveiller le déroulement des élections par 2000 observateurs et de tenir l'opinion publique au courant en direct des irrégularités constatées. Les USA dépêchèrent également en Moldavie des dizaines d'observateurs internationaux choisis par l'USAID, dont un grand nombre furent refoulés à la frontière en raison de leur implication dans les révolutions ukrainienne et kirghize.
Le 5 avril, jour du vote, les 2000 observateurs de la Coalition s'activèrent. Quatre communiqués de presse furent successivement publiés, répertoriant les moindres irrégularités constatées. S'ils n'incriminaient pas seulement le Parti des Communistes, ces communiqués dressaient toutefois un état des lieux globalement négatif, jetant le discrédit sur la validité du scrutin. Le 7 avril, alors que les premiers résultats donnaient le Parti des Communistes vainqueur, un nouveau communiqué fut publié qualifiant les élections de ni « équitables », ni « libres dans leur ensemble ». Aucune des critiques concernant les partis de l'opposition n'était reprise, seules restaient celles accusant les Communistes. Ce communiqué fut largement diffusé par l'ensemble des médias soutenant l'Alliance et circula sur les réseaux sociaux.
En réaction aux soupçons de fraudes véhiculés par les médias, des milliers de jeunes Moldaves descendirent dans la rue pour appeler à la tenue de nouvelles élections. La mobilisation se fit essentiellement via Facebook et Twitter. Les manifestants se rassemblèrent ainsi devant le Parlement qu'une minorité se mit à saccager. Parmi les casseurs, on retrouvait des nationalistes pro-roumains et des membres bien connus d'organisations d'extrême droite comme Noua Dreapta. Ceux-ci cherchaient visiblement à provoquer les forces de l'ordre pour attiser la colère des protestataires. Ces agitations n'aboutirent cependant pas et il n'y eut au final de « révolution » que le nom. Après un recomptage des voix, le Parti des Communistes fut à nouveau proclamé vainqueur. De son côté, une mission d'observation menée par l'OSCE, l'Union Européenne et le Conseil de l'Europe conclut que les élections s'étaient déroulées de manière globalement satisfaisante et sans incidents majeurs, enlevant à l'opposition son principal motif de contestation.6
Après les élections du 30 novembre 2014, la Moldavie semble plus divisée que jamais. Les partis pro-européens sont arrivés en tête d’une courte majorité, mais le mouvement comptant le plus de députés est le Parti socialiste, très proche du Kremlin. Dans ces conditions, difficile de constituer un gouvernement et de prendre des orientations stratégiques importantes.
Qui voudrait déchiffrer un message univoque dans les élections législatives moldaves du 30 novembre s’y perdrait. Ce scrutin devait être, selon la presse internationale, un referendum sur la politique d’ouverture à l’Ouest du gouvernement de Iurie Leancă. La réponse semble plus proche du « ni oui, ni non » que de l’acceptation ou du rejet clairement exprimés.
Certes, la majorité des sièges (55 sur 101) a été remportée par les partis pro-européens, qui soutiennent l’actuel gouvernement. Mais le mouvement comptant le plus grand nombre de députés, avec près d’un quart des élus (25 sur 101), est le Parti socialiste, farouchement anti-européen.
Voyons les choses en détail. Côté pro-européen : le Parti libéral-démocratique a obtenu 19,55 % des voix ; le Parti démocratique 15,77 % ; et le Parti libéral 9,46 % - ce qui porte à 44,5 % des voix le bloc pro-gouvernemental. Côté pro-russe et anti-européen, les partis totalisent près de 40 % des voix – le Parti communiste réunissant 17,89 % des suffrages, et le Parti socialiste 21,21 %.
Comme les sondages le prévoyaient, aucun parti n’a la majorité nécessaire pour former un gouvernement, celui-ci sera donc constitué par une coalition. Tous les regards se portent donc en direction du Parti libéral, qui avait quitté la coalition en 2013 n'entraînant la chute du gouvernement Filat.
En un mot, si les citoyens moldaves, dans leur majorité, ont soutenu les partis favorables au rapprochement de la Moldavie à l’UE, cette majorité est toute relative, et ne saurait passer sous silence le fait qu’un nombre tout aussi conséquent d’électeurs a exprimé des convictions radicalement opposées.
Ainsi, le Parti socialiste est la formation qui a rassemblé le plus de suffrages en faisant campagne sur l’intégration de la Moldavie à l’Union économique eurasiatique, au côté de la Russie, la Biélorussie, le Kazakhstan et l’Arménie.
Les derniers jours de la campagne ont en effet été marqués par l’apparition soudaine d’affiches portant la photo d’Igor Dodon, le président du Parti socialiste, en pleine discussion avec Vladimir Poutine. Le slogan, en roumain et en russe, venait expliciter cette bonne entente affichée : « Ensemble avec la Russie ». Difficile, dans ces conditions, de parler de victoire du camp pro-européen…
Le véritable événement de ces élections, c’est donc la percée du Parti socialiste, qui n’était crédité que de 2 % des votes au mois de juin et de 10 % à la veille des élections. Un exploit qui, selon certains, s’explique par une arrivée soudaine de fonds russes – ce qui n’est pas à exclure, mais qui mérite une analyse approfondie.
La campagne a en effet été éclaboussée par un scandale ayant touché le parti Patria. Ce mouvement, ouvertement pro-russe, qui n’a été enregistré qu’au mois de septembre, a été fondé par Renato Usatii, un homme d’affaire ayant la double-nationalité moldave et russe. Patria était déjà crédité de 12 % des intentions de vote. Mais à la suite de la diffusion d’un enregistrement audio dans lequel Renato Usatii admettait prendre ses ordres des services secrets russes, et de preuves de versements de fonds venus de Moscou, la Commission électorale puis la Cour d’appel l’ont exclu du scrutin.
Ainsi, les électeurs, privés de candidat, ont reporté leurs votes sur le Parti socialiste, dont la campagne en faveur de l’adhésion à l’Union économique eurasiatique a pu séduire. C’est en tout cas ce que suggère la plus élémentaire arithmétique : la somme des intentions de votes en faveur de Patria et du Parti socialiste avant l’interdiction du premier donne le score actuel du second.
Cette analyse de vases communicants est néanmoins insuffisante. Pour expliquer le succès du Parti socialiste, il faut également prendre en compte les transformations du Parti communiste. Autrefois première formation politique du pays - tombée depuis en troisième position -, le PCM a connu une grave crise en 2011. Igor Dodon, qui en était un membre éminent, a mené une scission pour rejoindre le Parti socialiste. Il aurait emporté avec lui 20% des électeurs.
Cette concurrence au sein de l’opposition pro-russe, et le souvenir de la défection du Parti libéral qui avait fait tomber la précédente coalition, joueront un rôle important pour l’avenir du pays. La Russie pourra compter sur la présence d’un « parti ami » afin de continuer à exercer une pression continue sur Chişinău et influencer ses choix en matière de politique extérieure.
C’est un levier de plus pour Moscou, qui dispose déjà du conflit gelé en Transnistrie pour rappeler sa présence. Cette mince bande de territoire, où, par ailleurs, les élections n’ont pas eu lieu, est toujours un sujet tendu pour la Russie et l’UE : la seconde souhaite renforcer son Partenariat oriental, ce à quoi la première répond en évoquant un scénario à l’ukrainienne.
Quand à la Moldavie, si elle exclut toujours de renoncer à ses terres au-delà du Dniestr, elle craint qu’une accélération de son intégration européenne – voire son adhésion à l’Otan – risquent de relancer le conflit gelé depuis 1992.
Outre la Transnistrie, la question gagaouze représente également un bon moyen de pression. Ce petit territoire d’à peine 2000 km², abrite une population turcophone, qui a rappelé son existence en organisant un référendum sur son adhésion à l’Union économique eurasiatique et sur sa sécession de la Moldavie, dans le cas où cette dernière perdrait sa « souveraineté ». Toutefois, l’abstention a été très importante dans la région autonome, et il faudra attendre la publication des résultats officiels pour analyser le comportement électoral des Gagaouzes.
Que le spectre de l’Euromaidan ait hanté la Moldavie depuis le début de la crise n’est pas un secret. Ce qui apparaît à la lumière de ces élections est la différence de perception des événements, et donc la profonde division de la population moldave. Pour les uns, favorables à l’intégration dans l’UE, l’Euromaidan a été enthousiasmant, au point de leur faire désirer que le gouvernement donne un coup d’accélérateur vers l’Europe. Pour les autres, proches de la Russie par la langue, l’histoire et la tradition, il n’y avait là que violence et instabilité.7
Une élection présidentielle se tient les 30 octobre et 13 novembre 2016. Il s'agit de la première élection présidentielle dans le pays au suffrage universel direct depuis 1996. Elle fait suite à la décision de la Cour constitutionnelle du 4 mars 2016, qui a déclaré inconstitutionnelle la réforme constitutionnelle moldave de 2000, qui a mené à l'élection du président de la République par le Parlement.
Le 30 octobre 2016, le candidat Igor Dodon de la coalition pro-russe (communistes, socialistes, démocrates-socialistes et quelques autres), dénonçant les faiblesses et les crises dans l’Union européenne et promettant la prospérité grâce à un partenariat plus structuré avec la Russie, arrive en tête du premier tour et obtient 48,3 % des suffrages face à Maia Sandu, candidate de la coalition pro-européenne qui a pris le relais des alliances « Moldavie démocratique » et « Alliance pour l'intégration européenne » (partis social-démocrates « Action et solidarité » et Acasa (« notre maison »), Parti libéral, Parti vert écologiste et quelques autres) qui obtient 38,4 % des suffrages. Le second tour doit se tenir le 13 novembre 2016.
Le programme présenté par Igor Dodon comprend la dénonciation immédiate de l'Accord d'association entre la Moldavie et l'Union européenne, l'adhésion de la Moldavie à l'union douanière Russie-Biélorussie-Kazakhstan, la fédéralisation accrue de la République, revenant à reconnaître juridiquement la non-intégration de la Transnistrie et de la Gagaouzie dans la souveraineté de la Moldavie, et le changement du drapeau de la Moldavie adopté lors de l'indépendance du pays en 1991, qu'il juge trop semblable à celui de la Roumanie voisine pour le remplacer par un drapeau différent, symbolisant ce qu'il appelle la « nationalité moldave, différente de la roumaine même si on parle la même langue, car une nation est une construction volontaire qui ne dépend pas de la langue, et nous, nous voulons construire notre propre nation ».
Au second tour le taux de participation est de 53,27 % soit 1 601 425 votants, donnant Igor Dodon gagnant avec 52,18 % des voix (835 210 voix) contre 47,82% pour Maia Sandu (765 460 voix, soit une différence de 69 750 voix).
Il semble que les multiples signaux de faiblesse de l'Union européenne auraient inspiré ce résultat8. Il y a peu encore, plus de 70 % des Moldaves se disaient favorables à une intégration à l’Union européenne, mais les choses ont bien changé. Dans ce pays où près de la moitié de la population survit avec moins de cinq dollars par jour, l’UE a déversé 800 millions d’euros pour la seule période 2010-2015. Mais la population n’en a pas vu la couleur. Cet argent est allé, pour partie, aux groupes financiers et agroalimentaires européens voulant s’implanter dans la région et, pour le reste, aux bandits au pouvoir. Le summum a été atteint fin 2014, quand la population a appris que l’encaisse de trois banques du pays avait disparu : des proches du gouvernement avaient volé un milliard d’euros, soit 15 % du produit intérieur brut moldave. Cela, sans que s’en émeuvent les dirigeants ouest-européens, qui présentaient le pouvoir moldave comme « le meilleur élève » de leur « partenariat oriental ».
Le pillage par ses grands groupes, la corruption des dirigeants locaux, la pauvreté pour la majorité : l’Union européenne n’a rien d’autre à proposer aux peuples de l’est du continent.9
La Moldavie - Le Chemin lumineux (chemin-lumineux.com)
Sources
(1) https://fr.wikipedia.org/wiki/Moldavie (2) https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_de_la_R%C3%A9publique_de_Moldavie (3) https://fr.wikipedia.org/wiki/Moldavie (4) Pavel C. https://www.investigaction.net/fr/Moldavie-une-jeunesse-alternative/ (5) http://npa2009.org/content/moldavie (6) Simon de Beer https://www.investigaction.net/fr/Comment-les-USA-ont-prepare-la/ (7) http://npa2009.org/idees/elections-legislatives-en-moldavie-pro-europeens-et-pro-russes-comptent-leurs-forces (8) https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89lection_pr%C3%A9sidentielle_moldave_de_2016 (9) http://journal.lutte-ouvriere.org/2016/11/16/bulgarie-et-moldavie-leurope-ne-fait-plus-recette_72558.html