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EMIGRATION RUSSE BLANCHE EN FRANCE. Suivi d'un article (en russe et français) relatif à l'ouvrage "Les Russes Blancs" d'Alexandre JEVAKHOFF.


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L'EMIGRATION DES RUSSES BLANCS ET LES RUSSES BLANCS EN FRANCE

I. L'EMIGRATION DES RUSSES BLANCS

1. L'usage du nom L'expression «Russes blancs», a surtout été utilisée en France, au Royaume Uni et aux États Unis, et de façon péjorative, en Russie à l'époque soviétique. Mais ailleurs et chez les émigrants on parlait plus volontiers de «première vague d'émigration russe», ou de «russes par-delà les frontières», termes moins connotés politiquement.

2. Qui sont ces «Russes Blancs»? L'expression désigne les émigrants russes qui abandonnèrent leur pays entre 1917 et 1922, à cause des événements révolutionnaires et de la Guerre Civile qui s'en est suivi. Cependant, elle s'emploie aussi pour désigner l'activisme politique de certains, restés déterminés à agir pour renverser le pouvoir bolchevique ou, au minimum faire pression sur les pays d'accueil pour empêcher toute reconnaissance diplomatique, le considérant comme un régime provisoire appelé à s'effondrer rapidement.

3. Pourquoi ce nom? «Russes blancs», en opposition aux « rouges », aux bolcheviques, mais aussi en rapport avec les Armées Blanches, ou «Garde Blanche» qui, dans le contexte de la guerre civile, ont combattu l'Armée Rouge» C'est aussi une référence à des emblèmes: si leurs adversaires révolutionnaires portaient drapeaux, étoiles, brassards, parements rouges, c'était ici le blanc de la cocarde des armées des généraux anti-bolcheviques Denikine et Wrangel, et le blanc de la croix de l'ordre de Saint-Georges, récompense militaire la plus en vue de l'époque impériale. Surtout au début, portant le même uniforme, les brassards rouges ou blancs permettaient de se distinguer. L'expression «émigration blanche» sera parfois reprise pour désigner tout départ de population causée par un changement de régime.

4. Quelles catégories englobe-t-il ? ... des survivants des armées impériales, des monarchistes restés fidèles au tsar Nicolas II après son abdication (2-mars-17). Les premiers « mouvements » ont lieu au lendemain de la révolution de février 1917 [qui renverse le tsarisme]: des « blancs » fuient vers le sud, l'Ukraine, le Caucase, mais aussi vers la Finlande. Les déplacements s'accélèrent après la prise de pouvoir bolchevique d'octobre 1917. A ce moment s'y ajoutent des membres de la gauche non bolchevique, des mencheviques, des sociaux-révolutionnaires, en même temps que des industriels,des banquiers... etc... Enfin l'expression « Russes Blancs » désignera de manière générique, l'ensemble de l'«émigration russe», exilée après Révolutions et Guerre Civile, que les exilés soient monarchistes ou non, qu'ils aient ou non participé aux armées blanches dans la guerre civile.

5. Combien sont-ils? Leur nombre est très discuté: 5 M selon le Grand Duc Kirill, prétendant en exil, mais avec une vision très politique des statistiques puisqu'il considère en 1925 qu'il n'y a pas plus de 54 communistes en URSS, 3 M selon Bounine, dans son discours sur la «Mission de l'émigration russe» en 1924, 2M selon Lénine, les soviétiques choisissent la barre haute de la fourchette, car ils y voient moins une critique de leur régime qu'une justification à « consolider » le pouvoir soviétique. Selon les historiens probablement entre 1 et 1,8 millions de Russes émigrés, ayant pris le chemin de l'exil contraints ou par choix, ce qui revient à une moyenne proche de 1 Russe sur 100.

6. Où sont-ils allés? La majorité fuit vers le sud de la Russie, l'Ukraine et la Crimée, avant de transiter par Constantinople, grande plaque tournante de l'émigration blanche et de poursuivre vers d'autres destination : Balkans, Tchécoslovaquie, Pologne, Pays Baltes, Royaume Uni, d'autres fuient vers la Finlande avant de rejoindre ces destinations. On peut citer 2 grandes métropoles de rassemblement : Berlin et Paris. D'autres gagneront des destinations plus lointaines : Afrique du Nord, Congo belge, ceux de Sibérie orientale vers la Chine, le Japon, l'Australie. Les Russes blancs s'installent aussi aux États-Unis, au Canada, en Amérique du Sud etc.. souvent monarchistes, ils trouvent un accueil favorable dans les royaumes de Belgique, de Suède, d'Espagne, d'Angleterre... ils trouvent leur salut de façon variée : un contrat en France chez Renault, le corps de cadets en Yougoslavie, les mines de charbon en Belgique, le rêve agricole en Argentine, au Pérou ou au Paraguay, des places d'ingénieurs au Congo, des postes à bord des transatlantiques (cuisiniers, matelots, musiciens, danseurs mondains), la Légion étrangère en Afrique du Nord etc..

7. La situation particulière des émigrés malgré eux le cas des prisonniers de guerre russes en Allemagne : .En décembre 1918, il reste encore 1,2 million de prisonniers russes sur le territoire allemand retenus pour servir de main d’œuvre après la signature de l’armistice de Brest-Litovsk de 1917. La révolution russe va être un prétexte à une supposée impossibilité de les rapatrier. Une commission interalliée fixe la date butoir de leur rapatriement au 24 janvier 1919. Pourtant lors du recensement du 8 octobre 1919, on en compte encore près de 200.000 sur le territoire allemand et ils seront encore nombreux à l’été 1922. Le cas des contingents de soldats russes retenus en France : (plus de 20.000) envoyés en soutien après le bain de sang de Verdun. Face aux événements de leur pays, ils vont se diviser entre Russes blancs, monarchistes ou loyalistes du gouvernement Kérenski et communistes pro-bolcheviques, lesquels ne veulent plus se battre mais demandent à être rapatriés en Russie pour prendre part à la révolution. ils s'organisent en soviet, se mutinent, mais, désavoués par le gouvernement provisoire, l’État Major français les cantonne au camp de La Courtine dans la Creuse, où, ils seront assiégés par des troupes françaises, se défendront en chantant la Marseillaise et finiront brutalement réprimés. Les survivants se retrouveront dans la légion étrangère ou travailleurs obligés en Algérie. Le cas des expulsés d'URSS : ce qu'on a appelé : « les bateaux des philosophes ». En 1922, juste avant la création de l'URSS, Lénine décide d'expulser plus d'une centaine des membres de l'intelligentsia russe opposés au pouvoir bolchevique. Pour Trotski, « Il n’y avait pas de prétexte pour fusiller ces personnes, mais il n’était plus possible de les supporter... » Successivement deux bateaux (le Haken, ensuite le vapeur Preussen)) acheminèrent donc ces intellectuels de Petrograd à Stettin (parmi eux le philosophe Nicolas Berdiaev, Ivan Iline etc..)..« ces bateaux des philosophes » occupent une place particulière dans l’histoire russe. Il représente un moment symbolique à partir duquel la culture russe s’est scindée en deux : culture russe soviétique et culture russe émigrée.»


II. Particularités de l'émigration blanche en France  

1. Pays refuge de prédilection des Russes Blancs On a parlé de 400.000 réfugiés, soit près d'1/4 de l'émigration russe. La France pouvait apparaître comme le pays de repli le plus propice au espoirs des Russes Blancs pour plusieurs raisons. Outre l'importance parfois conservée de l'usage du français dans l'aristocratie impériale. Les 3 bases de l'Ancien Régime Tsariste peuvent s'y retrouver présents: famille impériale / foi orthodoxe / armée La France abrite deux prétendants au trône en rivalité d'influence: le Grand Duc Cyrille Vladimirovitch, cousin de Nicolas II qui, en 1924, s'autoproclame « Empereur de toutes les Russies », tient sa cour dans sa petite commune d'exil de St Briac, près de Dinard d'où il s'occupe du courrier provenant de Russes exilés disséminés dans le monde entier, l'autre est le Grand Duc Nicolas Nikolaïevitch, oncle du tsar Nicolas II, résidant dans son château de Choigny en forêt de Sénart, il se proclame « Protecteur du trône impérial », créé un nouveau corps d'officiers « Au nom de la Foi, du Tsar et de la Patrie », puis se proclame « Chef suprême des forces des ROVS (Русский Обще Bоинский Союз= l'Union Générale des Combattants Russes, créées en Serbie en 1924 par le Général Wrangel) et il confirme Wrangel comme commandant de ces forces. la foi orthodoxe y est largement présente, faisant contrepoint à la politique de persécution des bolcheviques contre l'Église, les Russes en exil semblent redécouvrir une ferveur religieuse qui s'était avant passablement affadie. La cathédrale Saint-Alexandre-Nevski de Paris est devenue le porte-drapeau d'une Russie décidée à opposer ses valeurs au bolchevisme. Au début des années 1930, six paroisses dans la capitale et autant dans les communes avoisinantes (Boulogne, Clamart, Meudon, Chaville et Saint-Cloud) sans oublier, à l'ombre des Buttes-Chaumont, l'Institut théologique Saint-Serge, tout cela fait de Paris le centre d'émigration russe le mieux doté en églises orthodoxes. La troisième base est l'Armée Blanche, représentée par le commandement depuis la France des ROVS Union Générale des Combattants Russes qui se propose de réunir les guerriers russes disséminés dans le monde entier dans la meilleure tradition de l'Armée Impériale Russe. La France est le siège de la 1ère section, d'autre part, elle est intervenue pour évacuer les réfugiés russes de Crimée (navire Waldeck-Rousseau) et a donné refuge à l'escadre russe de la Mer Noire à Bizerte dans son protectorat de Tunisie. (33 navires qui seront plus tard remis à l'URSS)

2. Les Etapes de l'immigration blanche en France aristocratique dans sa 1ère vague au lendemain de la Révolution de Février, plus bourgeoise et plus diversifiée dans sa 2ème vague après la Révolution d'Octobre, c'est surtout l'année 1919 qui marque l'étape décisive d'une 3 eme vague: moment où les grandes figures de la contre-révolution, les généraux Youdenitch, Denikine et l'amiral Koltchak, s'effondrent tour à tour devant les offensives de l'Armée rouge. En novembre 1920, sur la presqu'île de Crimée, Wrangel, ordonne l'évacuation. Environ 150 000 Russes blancs, dont 100 000 militaires, prennent place à bord de 126 navires, dont des bâtiments français stationnés en mer Noire sous le commandement de l'amiral Dumesnil, tandis que le reste de l'Armée blanche défaite essaime pendant l'année 1921 depuis la Crimée à travers les Carpates. Ces populations qui vont arriver alors en France sont beaucoup plus populaires que les premiers réfugiés. Après ça à partir de 1922-1923, la France devient une destination privilégiée de l'émigration russe. Paris les attire, certains choisissent Nice et la Côte d'Azur avec l'espoir de retrouver le parfum des années fortunées ; on reparle des " Russes de la Riviera "d'autres vont partout où la France meurtrie par la Première Guerre mondiale a besoin d'hommes : en Normandie, dans les usines métallurgiques ; dans le Nord et dans l'Est, pour « désobuser» les champs de bataille ; dans le sillon rhodanien et ses vallées chimiques ; dans le Sud-Ouest agricole, et même au Maroc, en Algérie et en Tunisie. -

3. Attentes et espoirs des émigrés situations administratives Privés de leur nationalité russe par les bolcheviques, les émigrés se retrouvent dans une situation complexe. Soit demander la nationalité française, ce que très peu font car c'est renoncer à leur patrie et donc à tout espoir de retour, soit rester apatrides, un statut précaire. Ils vont pouvoir bénéficier alors gratuitement du « Passeport Nansen », du nom de l'explorateur norvégien chargé par la Société des nations de trouver une solution pour ces Russes Blancs, comme pour les Arméniens. S'il met fin au vide juridique de ces apatrides sans pour autant leur permettre de rejoindre leur patrie, la valeur de ce document qui n'est pas reconnu par l'ensemble des pays, reste limitée . En exil, les Russes « vivaient sur leurs valises » car ils pensaient que leur situation était provisoire d'autant que la France ne se précipitait pas pour reconnaître le nouveau pouvoir à Moscou. L'ambassadeur du Gouvernement Kérenski, Maklakov restera donc longtemps rue de Grenelle, faisant de l'ambassade une sorte de carrefour de l'émigration russe, de l'aide aux émigré, et de l'organisation de la vie russe (il créé le lycée russe de Neuilly). Mais l'espoir s'efface en octobre 1924 quand le Cartel des gauches reconnaît le gouvernement soviétique et se prépare donc à remettre la flotte de Bizerte à disposition de l'URSS.

4. Conditions de vie, des fortunes diverses trouvées en France : on a retenu les chauffeurs de taxis, les ouvriers de chez Renault, les brodeuses, couturières et mannequins, avec bouleversement parfois des anciennes hiérarchies sociales, mais qui ont leurs limites. Certains ont conservé leurs fortunes, d'autres investissent, s'intègrent dans les affaires, enfin un petit peuple émigré laborieux souvent recrutés comme autant « d'anti-communistes qui ne foutront pas le bordel dans nos usines», peut se retrouver parfois exploité dans des conditions misérables. Activisme des émigrés : Ils font de la politique et s’affrontent avec les mêmes sensibilités politiques qu'avant. Les monarchistes sont divisés en plusieurs factions, partisans du Grand-Duc Nicolas et partisans du Grand-duc Cyril. Les « Jeunes Russes » sont des nationalistes à l’antisoviétisme moins virulent que le NTS dont la station de radio est financée par les Américains. Les Eurasiens pensent que l’avenir de la Russie ne doit pas se faire sur le modèle occidental et cherchent la synthèse entre l’Europe et l’Asie. La communauté russe est très soudée. Les associations aident les parents à trouver un travail et un logement, mais pas seulement. Des foyers, des écoles, des orphelinats, des internats, des hôpitaux russes sont fondés.. De toutes parts se créent des paroisses, des cercles culturels, des associations comme les Vitiaz*, le Comité Zemgor*, la société de la Croix-Rouge russe. Ces structures d'entraide ont aussi pour rôle de former parmi les jeunes les futurs cadres de la Russie de demain, dans la perspective d'une chute de l'URSS, ces organismes se chargent d’occuper les jeunes (il n’y avait alors pas de congés payés) et proposent des activités religieuses, sportives, du scoutisme… L'Union des chauffeurs russes très organisée propose cantine, foyer, cours de mécanique et d'anglais, assistance juridique, avance pour l'achat d'une voiture, aide aux nécessiteux.

5. Paris, capitale des Russes Blancs Paris devient, sinon la capitale de l'émigration russe, du moins une de ses places fortes. Le « Paris russe » a ses bastions : les 15e et 16e arrondissements, le quartier de la cathédrale SaintAlexandre-Nevski et la rue Daru, dans le 8°, l'ambassade russe de la rue de Grenelle, dans le 7e, l'Institut théologique Saint-Serge, dans le 19e ... En banlieue, Boulogne-Billancourt, siège des usines Renault, où travaillent entre 4 000 et 5 000 Russes blancs (soit un salarié sur six) gagne le surnom de « Billankoursk mais aussi Meudon,(sk), Clamart, Asnières.

6. Influences culturelles et artistiques Bien que dans les années 30 le nombre de Russes exilés restait modeste comparé à d'autres nationalités immigrées : 810.000 Italiens, 510.000 Polonais, 350.000 Espagnols,250.000 belges, jamais plus de 2 % de la population étrangère fixée en France, pourtant plus que d'autres nationalités, ils attirèrent l'attention des Français, suscitant d'ailleurs des controverses, et occupèrent très vite une place importante dans la vie culturelle française. C'est à travers la presse le peuple le plus souvent évoqué. Une mode russe se développe. Les auteurs (romans, théâtres, nouvelles,) créent une foule de héros russes, nombreux feuilletons russes dans les journaux et les revues. Des écrivains célèbres comme Paul Morand, Joseph Kessel, Francis Carco, Pierre Benoît, consacrent aux Russes Blancs des œuvres qui remportent un succès considérable. De même la multiplication à Paris des restaurants et cabarets russes, les Russes blancs animent une part importante de la vie nocturne parisienne.

7. une pépinière de talents Rachmaninov donne son nom à l'école musicale russe créée à Paris 1931, Chaliapine chante Boris Goudounov, /Serge Lifar rejoint les ballets russes de Diaghilev et devient créateur chorégraphique , Nina Pavlova, les acteurs Ludmila et Georges Pitoeff, les cinéastes Mosjouskine et Tourkanski deviennent célèbres Bounine reçoit le prix Nobel en 1933 pour une œuvre entièrement composée en russe /l'ingénieur Makhonine invente l'aile à géométrie variable, le train mû électriquement sur chaque essieu, et un carburant alternatif. Au total, une contribution à la vie culturelle ou scientifique étonnement riche de la part de cette petite communauté russe immigrée. Ces réfugiés comptant parmi eux des professeurs, des artistes, des peintres, (Chagall, Nicolas De Staël),, des écrivains, Henri Troyat (Lev Tarassof), des juristes… Un véritable concentré de talents. Ce foisonnement aura marqué durablement la culture de leur pays d'accueil, la France. On peut ajouter que la deuxième génération russe blanche en France contribuera aussi à l'émergence d'un certain nombre de talents: quelques exemples pêle-mêle Romain Gary, Vladimir Volkoff, Haroun Tazieff, Anna Marly, Marina Vlady, Laurent Terzieff, Sacha Distel Serge Gainsbourg, Michel Polnareff, et bien d'autres...


*Comité Zemgor : Aide aux réfugiés russes
 *Vitiaz/ mouvement de jeunesse ruse orthodoxe




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EMIGRATION RUSSE BLANCHE EN FRANCE. Suivi d'un article (en russe et français) relatif à l'ouvrage "Les Russes Blancs" d'Alexandre JEVAKHOFF.
 
 
 
 
 
 
Journal russe Nikolay Morozov  ,
Alexander Zhevakhov
09.02.2009 


https://rg.ru/2008/03/29/kniga.html

Le sort de l'émigrant blanc

Un livre sur les Russes qui ont longtemps perdu leur patrie a été publié en France.

Dans le courrier est venu une étrange carte postale représentant un chauffeur de taxi aux larges épaules avec un visage complètement non français au volant, je pense, un "Studebaker". 
C'était une invitation à la maison d'édition parisienne Tallandier de présenter le livre d'Alexandre Zhevakhov «White Russians».

À la maison, j'ai ouvert le livre et lu: "Le 22 février 1917, dans l'après-midi, le train impérial quittait Petrograd ..." Après cela, je ne pouvais m'arrêter avant d'avoir lu le volume de 600 pages de bout en bout.

"White Russians" est un récit historique, une recherche idéologique et un roman lyrique ensemble. Le livre couvre la période allant de la révolution de février 1917 aux années 30. Il est divisé en trois parties dont les titres reflètent les étapes de compréhension par les «Russes blancs» de leur destin tragique - «Partir?», «Revenir?» et "Vivre, survivre". 

Après la fin de la guerre civile en 1920, environ deux millions de monarchistes et socialistes-révolutionnaires, nobles, officiers et lycéens ont dû y répondre.

"White Russians" est avant tout une chronique des événements dans les épisodes les plus significatifs et les plus colorés. Zhevakhov a pu montrer la cruauté et la contradiction de la Russie entraînée dans le maelström révolutionnaire. Un officier tsariste sur cinq passa du côté des bolcheviks, et le meilleur bataillon de Wrangel était formé d'anciens soldats de l'Armée rouge.
Les Russes blancs comptaient sur l'aide de l'Europe, qui, cependant, ne ressentait ni sympathie ni intérêt. Leurs liens avec l'Allemagne sapent surtout la crédibilité des émigrés russes, les Français ayant plus peur d'une vengeance allemande que d'une menace bolchevique. De plus, le cercle d'Hitler, qui a commencé sa carrière politique, comprenait plusieurs monarchistes russes.

La reconnaissance de l'URSS par la plupart des capitales occidentales en 1924 a mis fin aux espoirs de retour des Russes blancs. «Les émigrants russes se sont avérés incapables de réaliser leur nouveau statut dévalorisé», déclare l'auteur. Ils n’ont pas non plus écouté leurs avertissements: «Personne ne veut prendre des leçons ou des sermons de personnes expulsées de leur propre pays…» dit Alexander Zhevakhov. - Laisser les émigrants russes travailler dans leurs nouveaux pays, chanter et danser pour divertir l'Europe: c'est plus utile que de parler des fondements divins de l'existence humaine. /… / Quant aux menaces communistes, merci, les services spéciaux européens et la police connaissent leur métier! "

Le livre couvre des questions sur le sort du capital russe et l'évolution de l'Église russe en émigration, raconte les vicissitudes des reliques sacrées (restes) de la famille royale, qui ont été placées par les dirigeants de l'émigration dans la banque parisienne Société Générale, pendant la Seconde Guerre mondiale ont été emmenées par la Gestapo en Allemagne, et puis retourné à Moscou. Les tendances idéologiques et les destins étonnants des dirigeants de l'émigration - Rodzianko et Goutchkov, Savinkov et Shulgin sont analysés.

Partout il y a des traces de "Russes blancs"! A Tahiti et Java, en Perse et au Venezuela, au Congo et en Palestine. Des officiers russes ont porté au pouvoir le roi albanais Ahmed Zogu, formé l'infanterie éthiopienne et gardé le président paraguayen. Et partout les Russes ont préservé leur paix avec les églises orthodoxes et les cantines collectives, partout sur la planète, ils salaient invariablement les concombres à l'aneth.

Les experts peuvent argumenter sur le concept et la position de Zhevakhov, mais une avalanche de faits intéressants, une vision philosophique détachée des événements et un ton amèrement ironique permettent de comparer les «Russes blancs» aux hauteurs du genre - avec «Déclin et destruction de l'Empire romain» d'Edward Gibbon ou «L'archipel du Goulag» Alexander Solzhenitsyn.

Surpris par la puissance inattendue de l'ouvrage, je me suis renseigné sur l'auteur, dont le nom me parlait peu. Plus célèbre est le prince Nikolai Zhevakhov (1874-1938) - procureur en chef adjoint du Saint-Synode, écrivain spirituel, germanophile, qui, en émigration, était responsable du complexe Saint-Nicolas à Bari (Italie) - propriété de la Société impériale orthodoxe de Palestine.

Quant à l'auteur des Russes blancs, Alexandre Zhevakhov, 55 ans, il est né et vit à Paris. Il est diplômé [... ] de l'Institut des Sciences Politiques et de la prestigieuse Ecole Nationale d'Administration (ENA), et détient le titre d'Inspecteur Général des Finances.
Pendant cinq ans, Zhevakhov a été conseiller du ministre de la Défense Michel Alliot-Marie sur les questions économiques et financières. Dans le nouveau gouvernement, Michelle Alliot-Marie est devenue chef du ministère de l'Intérieur, et son conseiller est devenu le directeur adjoint de son cabinet.
Zhevakhov dirige l'Assemblée maritime russe ou, en français, l'Association des anciens officiers de la marine impériale russe et de leurs descendants. En 1989, il publie une biographie de Kemal Ataturk à la maison d'édition Tallandier.

Je me tiens donc aux portes dorées de l'hôtel particulier de la place de Beauvais, où se trouve le ministère français de l'Intérieur depuis près d'un siècle et demi, et me retrouve dans le bureau d'un haut fonctionnaire français, Alexandre Zhevakhoff.

* * *

- Lorsqu'ils parlent de l'émigration russe, les noms de Sheremetev, Struve, Trubetskoy sont généralement entendus. Dites quelques mots sur vous.

Zhevakhov: Ma famille est une famille d'officiers de marine, et l'atmosphère y était comme sur un navire. À propos, le premier Zhevakhov a rejoint le corps naval en 1799, et mon grand-père était le chevalier de Saint-Georges - je garde son épée et son poignard. Quand j'étais petit, je rêvais aussi de devenir officier de marine et dessinais le drapeau de Saint-André. Et ma sœur cadette, lorsqu'on lui a demandé qui elle serait quand elle serait devenue adulte, a toujours répondu: "Naturellement, je serai la femme de l'amiral."
En général, c'était la vie des émigrants russes ordinaires, donc, pour le livre, j'ai choisi des personnages qui reflètent la diversité de l'émigration russe - après tout, j'écris non seulement pour les Russes, mais aussi pour les Français.

- Mais vous êtes aussi un prince, comme les autres Zhevakhov?

Zhevakhov: Oui, c'est une famille géorgienne qui est devenue russifiée au début du 17e siècle. À propos, le prince Nikolai Zhevakhov avait ses propres idées radicales, avec lesquelles je ne suis pas d'accord. Par exemple, il considérait le choix politique de l'Allemagne dans les années 1930 comme positif ...
Je ne me considère pas moi-même comme un prince, car une autre branche du clan a été approuvée par le Sénat, et la nôtre n'a tout simplement pas soumis de documents, et l'affaire n'a pas du tout été examinée. Il me suffit d'être Zhevakhov, bien que certains m'appellent prince. En général, j'agis, comment j'agis, j'avance, et le prince ou pas est une question secondaire. À mon avis, si vous avez un nom célèbre et êtes les descendants d'une certaine famille, vous devriez avoir plus de responsabilités que d'avantages.

- Vous avez fait une brillante carrière même pour un Français, diplômé de l'élite de l'École nationale d'administration (ENA), vous êtes chevalier de la Légion d'honneur ... Y a-t-il encore de tels Russes en France?

Zhevakhov: Il y a d'autres Russes - diplômés de l'ENA, mais peu nombreux - 10 - 15. Il est vrai que je semble être le seul Russe - l'inspecteur général des finances, c'est le corps d'élite de l'administration française. Mais même l'un des premiers ministres de la France, Pierre Beregova, de son vrai nom Beregovoy, était originaire de Russie. Quant à l'Ordre de la Légion d'honneur, il y a beaucoup de cavaliers russes - Obolensky, Tizengauzen, Vyrubov.

- Le travail responsable devrait vous prendre tout le temps, et pourtant vous trouvez l'opportunité d'écrire des livres qui n'ont rien à voir avec la profession ...

Zhevakhov: C'est mon choix, comme disent les Français, mon "jardin secret". J'ai besoin d'avoir l'opportunité de penser à autre chose, de vivre une vie différente ... Par exemple, je joue aussi au football chaque semaine en équipe.

- Et votre livre précédent portait sur le leader turc Kemal Ataturk. Pourquoi?

Zhevakhov: Ils disent, peu importe ce que vous écrivez, vous écrivez toujours sur vous-même ... Il y a plusieurs raisons. Après leur évacuation de Crimée, mon grand-père et ma grand-mère se sont retrouvés à Istanbul. Ma grand-mère était enceinte et mon père est né en 1921 à Istanbul. Et mon futur parrain, qui était russe, restait généralement en Turquie et devenait turc. Notre famille lui a rendu visite en 1957. Quand j'étudiais à l'École supérieure de commerce, en 1974 j'ai fait un stage à Istanbul, j'ai travaillé dans une entreprise turque, j'ai voyagé à travers le pays et même tombé amoureux d'une femme turque ...
J'étais alors le plus intéressé par l'histoire et j'en suis venu à la conclusion que le sujet le plus intéressant est Atatürk. Décrivant comment il a décidé de «changer la peau» de son peuple, j'ai exposé, en fait, mes propres concepts de la politique et des politiciens. Bien sûr, ce qui s'est passé en Turquie dans les années 50 ne peut pas servir de modèle pour le 21e siècle, mais Atatürk a montré qu'un politicien doit avoir une forte volonté et comprendre clairement où les gens et le pays mènent. Après tout, il y a aujourd'hui de nombreux politiciens qui agissent de manière chaotique, font des promesses qu'ils ne tiennent pas. Pour moi, c'était l'occasion d'exprimer des idées proches de moi, mais pas à la première personne.

- Vous visitez la Russie, y avez-vous des parents ou des amis?

Zhevakhov: La première fois que je suis venu en URSS, c'était en 1984 lors d'un voyage de noces. Après mon mariage avec une Française en 1983, son père, qui aimait beaucoup la Russie, a insisté pour que nous y allions. Puis je suis allé avec mon père en 1993 à Kiev, Odessa et Nikolaev, où vivait mon grand-père, et y ai trouvé des données d'archives sur notre famille. En 1994-1995, nous avons trouvé des parents éloignés à Moscou et l'année dernière, nous y avons célébré Noël. Et, bien sûr, lorsque j'étais conseiller au ministère de la Défense, Mme Alliot-Marie m'incluait dans la délégation chaque fois qu'elle visitait la Russie ou les pays d'Europe de l'Est.

- Pourtant, votre livre est un énorme travail. Outre le fait qu'il s'agit de la vraie littérature, il contient de nombreux liens vers des archives et contient même des documents d'archives inédits. Comment avez-vous réussi à trouver autant de temps?

Zhevakhov: C'est vraiment un travail énorme, mais quand je travaille, j'aime bien travailler. Probablement, c'est l'éducation familiale, l'éducation française ... Je déteste les livres frivoles dans lesquels l'écrivain réécrit simplement les sources.
Un travail dans les archives était nécessaire car il y a encore beaucoup d'inconnues sur la question de l'émigration russe. Et en plus, c'est très excitant - comme une enquête policière, et quand vous trouvez ce que vous cherchez, c'est extrêmement satisfaisant. Beaucoup de gens pensent que travailler dans une archive est une tâche ennuyeuse et fastidieuse, mais pour moi c'est une joie.
Eh bien, le temps est une question d'organisation. J'ai passé une année entière le samedi aux Archives nationales. J'ai eu la chance que le ministère de la Défense soit à côté du ministère des Affaires étrangères, de sorte que je puisse travailler dans les archives diplomatiques à l'heure du déjeuner. Pourtant, j'étais conseiller du ministre de la Défense! Eh bien, le dimanche, j'ai rencontré les Russes et je les ai interviewés. Aussi, peut-être que j'écris plus vite que les autres, travailler plus vite.
En général, je vis une vie tout à fait normale, j'aime dormir, par exemple. Certains disent que quatre heures de sommeil leur suffisent - j'en ai certainement besoin au moins deux fois plus.

- Combien de temps a-t-il fallu pour écrire le livre?

Zhevakhov: J'ai signé un contrat avec la maison d'édition en mai 2004 et soumis le manuscrit en octobre 2007. Il n'y avait pas de matériel préparé à l'avance - juste beaucoup de livres, de documents familiaux, de souvenirs dans la maison. La seule chose est que j'ai écrit une fois le roman historique La Veuve de Raspoutine, qui n'a jamais été publié. Après tout, Raspoutine s'est retrouvée avec une veuve et des enfants, et sa fille Masha Rasputin a émigré en France, puis en Amérique.

- Votre livre n'est pas seulement une étude scientifique à part entière, mais aussi un véritable roman ...

Zhevakhov: Il est impossible d'écrire sur la souffrance de ces personnes avec sang-froid, je voulais que le lecteur ressente ce qu'il a vécu, qu'il comprenne le côté humain des événements.

- Et pourtant le ton de votre livre est presque indifférent ...

Zhevakhov: C'est l'éducation familiale: on nous a appris à ne pas exprimer nos sentiments, et pour un Russe, d'ailleurs, ce n'est pas du tout facile. Je déteste les gens qui mettent leur âme sur papier, même si c'est si moderne ... À mon avis, c'est une question de dignité. De plus, lorsque vous écrivez une œuvre historique, vous devez rester neutre, le rôle de l'historien et de l'écrivain est de montrer les faits et le lecteur doit se forger sa propre opinion. Si j'écrivais des mémoires, ce serait une autre question. Au fait, un des lecteurs m'a écrit que je représentais l'émigration russe comme une farce. Mais je n’ai pas trouvé de différences entre les généraux russes. Comme l'a dit Lénine, les faits sont des choses tenaces. Il est bien connu que Wrangel et Kutepov n'étaient pas toujours d'accord pour dire que les grands princes Nikolai et Cyril étaient hostiles.

- Vous décrivez ces opérations fantastiques de la Tcheka contre l'émigration blanche ...

Zhevakhov: C'est vrai, l'opération avec Shulgin est un vrai fantasme, d'autant plus qu'il n'y avait pas de technologies modernes à l'époque. Les bolcheviks étaient beaucoup plus efficaces, je dis cela en tant que professionnel - un employé du ministère de la Défense et du ministère de l'Intérieur. Cependant, personne ne sait si Shulgin croyait vraiment qu'il faisait partie des monarchistes, ou s'il soupçonnait encore quelque chose ... Seul lui-même pouvait le dire, mais il ne l'a pas dit - après tout, ce serait un aveu de son erreur.

- Et pourtant, quelle est la réponse à la question principale qui résonnait dans votre livre? Qui représente la Russie: qui est parti ou qui est resté?

Zhevakhov: Tout le monde était sûr de représenter la Russie. La Russie d'aujourd'hui, me semble-t-il, reconnaît que l'émigration représentait une partie de la Russie. De toute évidence, les deux étaient la Russie. Et puis, qu'est-ce que la Russie - la terre, les gens, l'esprit?

- Votre livre a-t-il une idée centrale, comme on dit, un message?

Zhevakhov: Je ne pense pas. Je voulais juste montrer que les émigrants russes essayaient d'être honnêtes et dignes à l'étranger, de garder la Russie telle qu'ils la connaissaient et l'aimaient. Eh bien, et montrez leur destin humain - après tout, ils sont si différents! Ce n'est pas un message, car je n'ai pas le droit de noter.
Bien sûr, tous les émigrants russes n'étaient pas des saints. Mais si certains ne pensaient pas tant à la Russie qu'à eux-mêmes, cela était dû à la situation financière difficile. Je continue de penser que l'émigration russe, l'émigration blanche, avait raison. Et si elle n'a pas sauvé la Russie, comme elle l'a rêvé, n'a pas fait ce qu'elle avait à faire, alors c'est la faute à la fois des bolcheviks et de l'Occident.
Après tout, l'émigration russe a tenté d'expliquer à Paris et au Vatican que les bolcheviks sont comme le diable, comme le concept du mal sur terre. Le concept même du bolchevisme est inhumain. Le gouvernement soviétique ne traitait pas les gens comme les autres gouvernements. Pour elle, une personne est communiste, et avec ceux qui ne sont pas d'accord avec le communisme, elle n'a pas traité de manière humaine. En fait, après la Première Guerre mondiale et la Révolution russe, quelque chose de terrible s'est produit dans le monde - le totalitarisme est apparu, bien qu'il n'y ait pas encore de mot. Mais les émigrants russes n'ont pas été entendus, ils n'ont pas été crus, et c'est très insultant.

- Je ne veux pas du tout défendre les bolcheviks, mais pourquoi seulement eux? N'y avait-il pas du fascisme hitlérien? N'ont-ils pas dit en Amérique: "Un bon communiste est un communiste mort"? N'y a-t-il pas eu les horreurs de la Grande Révolution française du XVIIIe siècle? Vous montrez vous-même dans votre livre que les blancs traitaient les rouges avec la même cruauté que les rouges traitaient les blancs.

Zhevakhov: Vous ne pouvez pas comparer la police secrète tsariste et la Tcheka! Par rapport à la Tcheka, la police secrète est un jardin d'enfants. Sous le tsar, les gens ont fui la Sibérie, et qui et quand ont fui les camps soviétiques? Par conséquent, l'émigration russe a voulu dire à l'Occident que le système soviétique a changé l'histoire humaine. Maintenant, toute l'histoire est divisée en «avant» et «après». Oui, le traitement réservé aux Rouges par les Blancs pendant la guerre civile était terrible, mais je parle de ce qui s'est passé après la guerre civile - la persécution massive des non-militaires, le GOULAG ... Je ne sais pas si les camps existaient avant le régime soviétique. Certains prétendent qu'ils étaient sous Napoléon, mais je ne suis pas sûr. En effet, en 1792 il y a eu des massacres en France, des gens se sont noyés dans la Seine, mais cela n'a duré qu'un mois! Et sous la domination soviétique, c'est devenu un système. Ce que Soljenitsyne a écrit a été dit par des émigrés russes dans les années 1920, mais ils n'ont pas été écoutés.

- Vous citez Vladimir Nabokov: "Il est inutile de chérir le passé" ... Êtes-vous d'accord avec cela?

Zhevakhov: Nabokov a dit cela dans les années 20 du XXe siècle, et nous parlons au XXI. Mes grands-parents ont quitté leur patrie et ont décidé de ne pas revenir. Je pense qu'ils avaient raison, car cela leur a permis de survivre. Bien sûr, la Marseillaise est mon hymne national, mais je suis orthodoxe, je parle russe avec mes enfants, même s'ils me répondent en français, et maintenant - ici! - a écrit un livre sur l'émigration russe. Oui, je suis français, mais je n'oublie pas que je suis russe. Après tout, un Français d'origine bretonne est fier d'être à la fois Breton et Français.

- Allez-vous écrire d'autres livres?

Zhevakhov: Le volume "White Russians" se termine avant la Seconde Guerre mondiale, donc la deuxième partie aurait pu être écrite. Quelqu'un m'a même suggéré d'écrire un roman sur la rencontre fictive et hypothétique de Trotsky avec des généraux blancs. Bien sûr, la Russie moderne est intéressante, mais il y a maintenant beaucoup de flou, et il est difficile de distinguer le thème principal. Et puis vous avez raison: cela prend du temps, la femme doit donner la permission - après tout, j'ai deux ministres de l'intérieur ...
 
 
 
 
 
 
https://rg.ru/2008/03/29/kniga.html
 
29.03.2008 
Рубрика: Общество
Удел белоэмигранта
Во Франции вышла книга о русских, надолго утративших родину
Текст: Николай Морозов  (корреспондент ИТАР-ТАСС в Париже, специально для "Российской газеты)
Российская газета - Федеральный выпуск № 0(4625)


По почте пришла странная открытка с изображением широкоплечего таксиста с совсем нефранцузским лицом за рулем, кажется, "студебеккера". Это было приглашение в парижское издательство "Талландье" на презентацию книги Александра Жевахова "Белые русские".
Дома я раскрыл книгу и прочитал: "22 февраля 1917 года пополудни императорский поезд покидал Петроград..." После этого не мог остановиться, пока не прочитал 600-страничный том от корки до корки.
"Белые русские" - это историческое повествование, идеологическое исследование и лирический роман вместе. Книга охватывает период от Февральской революции 1917-го до 30-х годов. Она разбита на три части, заголовки которых отражают этапы осмысления "белыми русскими" своего трагического удела, - "Уехать?", "Вернуться?" и "Жить, выжить". На них после завершения в 1920 году Гражданской войны вынуждены были отвечать около двух миллионов монархистов и эсеров, дворян, офицеров и лицеистов.
"Белые русские" - это прежде всего летопись событий в наиболее значимых и колоритных эпизодах. Жевахов сумел показать жестокость и противоречивость затянутой в революционный омут России. Каждый пятый царский офицер перешел на сторону большевиков, а лучший батальон Врангеля был сформирован из бывших красноармейцев.
Белые русские рассчитывали на помощь Европы, которая однако не испытывала ни участия, ни интереса. Особенно подрывали доверие к русским эмигрантам их связи с Германией, так как французы больше боялись германского реванша, чем большевистской угрозы. Тем более что в окружение начинавшего политическую карьеру Гитлера входили несколько русских монархистов.
Признание СССР большинством западных столиц в 1924 году положило конец надеждам белых русских на возвращение. "Русские эмигранты оказались неспособны осознать свой новый, девальвированный статус",-констатирует автор. К их предостережениям тоже не особо прислушались: "Никто не желает принимать уроков или проповедей от людей, выброшенных из собственной страны... - свидетельствует Александр Жевахов. - Пусть русские эмигранты работают в своих новых странах, поют и пляшут, чтобы развлекать Европу: это полезнее, чем речи о божественных основах человеческого существования. /.../ Что до коммунистических угроз, спасибо, европейские спецслужбы и полиция знают свое дело!"
В книге освещаются вопросы о судьбе русских капиталов и об эволюции русской церкви в эмиграции, рассказывается о перипетиях священных реликвий (останков) царской семьи, которые были помещены лидерами эмиграции в парижский банк "Сосьете женераль", во время Второй мировой вывезены гестапо в Германию, а затем возвращены в Москву. Анализируются идеологические течения и удивительные судьбы лидеров эмиграции - Родзянко и Гучкова, Савинкова и Шульгина.
Где только не обнаруживаются следы "белых русских"! На Таити и Яве, в Персии и Венесуэле, в Конго и Палестине. Русские офицеры привели к власти албанского короля Ахмеда Зогу, обучали эфиопскую инфантерию и охраняли парагвайского президента. И повсюду русские сохранили свой мир с православными церквями и коллективными столовыми, в любой части планеты они неизменно солили огурцы с укропом.
Специалисты могут спорить о концепции и позиции Жевахова, однако лавина интереснейших фактов, отстраненно-философский взгляд на события и горько-ироничный тон позволяют сравнить "Белых русских" с вершинами жанра - с "Упадком и разрушением Римской империи" Эдварда Гиббона или "Архипелагом ГУЛАГ" Александра Солженицына.
Удивленный неожиданной силой произведения, я навел справки об авторе, имя которого говорило немного. Больше известен князь Николай Жевахов (1874 - 1938 годы)- товарищ обер-прокурора Святейшего синода, духовный писатель, германофил, который в эмиграции заведовал подворьем Святого Николая в Бари (Италия) - собственностью Императорского Православного Палестинского Общества.
Что же касается автора "Белых русских", то 55-летний Александр Жевахов родился и живет в Париже. Он закончил Высшую школу коммерции, Институт политических наук и престижную Национальную школу администрации (ЭНА), имеет звание генерального инспектора финансов.
В течение пяти лет Жевахов занимал пост советника министра обороны Мишель Альо-Мари по экономическим и финансовым вопросам. В новом правительстве Мишель Альо-Мари стала главой МВД, а ее советник - заместителем директора ее кабинета.
Жевахов возглавляет Российское морское собрание или - по-французски - Ассоциацию бывших офицеров русского императорского флота и их потомков. В 1989 году в издательстве "Талландье" он напечатал биографию Кемаля Ататюрка.
И вот я стою у золоченых ворот особняка на площади Бово, где уже почти полтора столетия находится французское министерство внутренних дел, и оказываюсь в кабинете высокопоставленного французского чиновника Александра Жевахофф.
* * *
- Когда говорят о русской эмиграции, то на слуху обычно имена Шереметева, Струве, Трубецкого. Скажите несколько слов о себе.
Жевахов: Моя семья - это семья морских офицеров, и атмосфера в ней была, как на корабле. Между прочим, первый Жевахов вступил в морской корпус в 1799 году, а мой дедушка был Георгиевский кавалер - я храню его шашку и кортик. Когда я был маленьким, то мечтал тоже стать морским офицером, и рисовал Андреевский флаг. А моя младшая сестра, когда ее спрашивали, кем она будет, когда станет взрослой, всегда отвечала: "Естественно, я буду супругой адмирала".
А вообще это была жизнь простых русских эмигрантов, поэтому и для книги я выбрал персонажей, которые отражают разнообразие русской эмиграции - ведь я пишу не только для русских, но и для французов.
- Но вы ведь тоже князь, как и другие Жеваховы?
Жевахов: Да, это один грузинский род, обрусевший в начале XVII века. Между прочим, у князя Николая Жевахова были свои радикальные идеи, с которыми я не согласен. Например, он считал положительным политический выбор Германии в 30-е годы...
Сам я не считаю себя князем, так как утверждена Сенатом была другая ветвь рода, а наша просто не подавала документов, и дело вовсе не рассматривалось. Мне вполне достаточно быть Жеваховым, хотя некоторые и зовут меня князем. Вообще, я действую, как я действую, иду вперед, а князь или нет - это второстепенный вопрос. По-моему, если у вас известное имя и вы - потомок известного рода, то у вас должно быть больше обязанностей, чем льгот.
- Вы сделали блестящую даже для француза карьеру, закончили элитную Национальную школу администрации (ЭНА), вы - кавалер Ордена Почетного легиона... Есть ли еще такие русские во Франции?
Жевахов: Есть и другие русские - выпускники ЭНА, но не очень много - 10 - 15. Правда, я, кажется, единственный русский - генеральный инспектор финансов, это элитный корпус французской администрации. Но выходцем из России был даже один из премьер-министров Франции - Пьер Береговуа, настоящая фамилия которого Береговой. Что касается Ордена Почетного легиона, то русских кавалеров достаточно много - Оболенский, Тизенгаузен, Вырубов..
- Ответственная работа должна отнимать у вас все время, и тем не менее вы находите возможность писать книги, которые не имеют никакого отношения к профессии...
Жевахов: Это - мой выбор, как говорят французы, мой "тайный сад". Мне нужна возможность думать о другом, жить другой жизнью... Я еще, например, каждую неделю играю в футбол в команде.
- А предыдущая ваша книга - о турецком лидере Кемале Ататюрке. Почему?
Жевахов: Говорят, о чем бы вы не писали, вы всегда пишете о себе... Причин много. После эвакуации из Крыма мои дедушка и бабушка попали в Стамбул. Бабушка была беременна, и в 1921 году в Стамбуле родился папа. А мой будущий крестный отец, который был русским, вообще остался в Турции и стал турком. Наша семья была у него в гостях в 1957 году. Когда я учился в Высшей школе коммерции, в 1974 году у меня была стажировка в Стамбуле, я работал в турецкой фирме, ездил по стране и даже влюбился в турчанку...
Меня тогда больше всего интересовала история, и я пришел к выводу, что самая интересная тема это - Ататюрк. Описывая, как он решил "сменить кожу" своего народа, я излагал, по сути, мои собственные понятия о политике и о политиках. Конечно, то, что происходило в Турции в 50-е годы, не может служить образцом для ХХI века, однако Ататюрк показал, что политик должен иметь твердую волю и ясно представлять себе, куда ведет народ и страну. Ведь сегодня много политиков, которые действуют хаотично, дают обещания, которых не выполняют. Для меня это была возможность выразить близкие мне идеи, но не от первого лица.
- А в России вы бываете, у вас есть там родственники или друзья?
Жевахов: Первый раз я приехал в СССР в 1984 году в свадебное путешествие. После того как в 1983 году я обвенчался с француженкой, ее отец, который очень любил Россию, настоял на том, чтобы мы поехали именно туда. Потом я ездил с папой в 1993 году в Киев, Одессу и Николаев, где жил мой дедушка, и обнаружили там архивные данные о нашей семье. В 1994 - 1995 году мы нашли дальних родственников в Москве, а в прошлом году отметили там Рождество. Ну и, конечно, когда я был советником в министерстве обороны, госпожа Альо-Мари включала меня в состав делегации всякий раз, когда совершала визит в Россию или восточно-европейские страны.
- Все же ваша книга это огромный труд. Помимо того, что это настоящая литература, в ней множество ссылок на архивы и даже приводятся неизданные прежде архивные материалы. Как вам удалось найти столько времени?
Жевахов: Это, действительно, огромная работа, но когда я работаю, я люблю работать хорошо. Наверное, это семейное воспитание, французское образование... Я терпеть не могу несерьезные книги, в которых писатель просто переписывает источники.
Работа в архивах понадобилась, потому что в вопросе русской эмиграции еще очень много неизвестного. А кроме того, это очень увлекательно - как полицейское расследование, и когда вы находите то, что ищете, то испытываете огромное удовлетворение. Многие считают, что работа в архиве - скучное и утомительное занятие, для меня же это - радость.
Ну а время - это вопрос организованности. Целый год я проводил субботы в Национальном архиве. Мне повезло, что министерство обороны находится рядом с МИДом, и поэтому я мог работать в дипломатическом архиве во время обеденного перерыва. Все же я был советником министра обороны! Ну а по воскресеньям я встречался с русскими и брал у них интервью. Кроме того, может быть, я скорее пишу, чем другие, быстрее работаю.
А вообще, я живу вполне нормальной жизнью, люблю, например, спать. Некоторые говорят, что им достаточно четырех часов сна - мне обязательно нужно, по крайней мере, вдвое больше.
- Сколько времени ушло на написание книги?
Жевахов: Я подписал контракт с издательством в мае 2004 года и сдал рукопись в октябре 2007 года. Никаких заранее подготовленных материалов не было - просто в доме было много книг, семейных документов, воспоминаний. Единственное - я когда-то написал исторический роман "Вдова Распутина", который так и не был издан. Ведь у Распутина остались вдова и дети, а его дочь Маша Распутина эмигрировала во Францию, а потом в Америку.
- Ваша книга не только полноценное научное исследование, но и настоящий роман...
Жевахов: Невозможно писать о страданиях этих людей с прохладцей, я хотел, чтобы читатель почувствовал, что они пережили, понял и человеческую сторону событий.
- И все же тон вашей книги - почти безучастный...
Жевахов: Таково семейное воспитание: нас учили не выражать своих чувств, а для русского это, между прочим, совсем не просто. Я ненавижу людей, которые выкладывают душу на бумаге, хотя это так современно... На мой взгляд, это - вопрос достоинства. Кроме того, когда вы пишете исторический труд, нужно оставаться нейтральным, роль историка и писателя - показывать факты, а читатель должен составить свое мнение сам. Если бы я писал воспоминания, то это был бы другой вопрос. Между прочим, один из читателей написал мне, будто я представляю русскую эмиграцию, как балаган. Но ведь я не придумал разногласия между русскими генералами. Как говорил Ленин, факты - упрямая вещь. Хорошо известно, что Врангель и Кутепов далеко не всегда были согласны, что великие князья Николай и Кирилл враждовали.
- Вы описываете эти фантастические операции ЧК против белой эмиграции...
Жевахов: Это правда, операция с Шульгиным - это настоящая фантастика, особенно если учесть, что тогда не было современных технологий. Большевики были гораздо эффективнее, я говорю это, как профессионал - сотрудник министерства обороны и министерства внутренних дел. Впрочем, никто не знает, действительно ли Шульгин верил, что находится среди монархистов, или все же заподозрил что-то... Об этом мог сказать только он сам, но не сказал - ведь это стало бы признанием его ошибки.
- И все же какой ответ на главный вопрос, прозвучавший в вашей книге? Кто представляет Россию: кто уехал или кто остался?
Жевахов: Каждый был уверен, что представляет Россию. Сегодняшняя Россия, мне кажется, признает, что эмиграция представляла часть России. Очевидно, что и те, и другие были Россией. И потом, что такое Россия - земля, народ, дух?
- Есть ли у вашей книги центральная идея, как принято говорить, message?
Жевахов: Не думаю. Просто я хотел показать, что русские эмигранты попробовали за границей быть честными и достойными, сохранить Россию такой, какой они ее знали и любили. Ну и показать их человеческие судьбы - ведь они такие разные! Это не message, ведь у меня нет никакого права расставлять оценки.
Конечно, и среди русской эмиграции не все были святыми. Но если некоторые думали не столько о России, сколько о себе, то это было вызвано тяжелым материальным положением. Я продолжаю думать, что русская эмиграция, белая эмиграция была права. И если она не спасла Россию, как мечтала, не сделала того, что должна была сделать, то в этом вина как большевиков, так и Запада.
Ведь русская эмиграция пыталась объяснить и в Париже, и в Ватикане, что большевики - это как дьявол, как понятие зла на земле. Само понятие большевизма - нечеловеческое. Советская власть относилась к людям не как другие правительства. Для нее человек - это коммунист, а с теми, кто не согласен с коммунизмом, она обращалась не по-человечески. По сути после Первой мировой войны и русской революции в мире произошло нечто ужасное - появился тоталитаризм, хотя тогда еще не было этого слова. Но русских эмигрантов не услышали, им не поверили, и это очень обидно.
- Совсем не хочу защищать большевиков, но все же почему только они? Разве не было гитлеровского фашизма? Разве не говорили в Америке: "Хороший коммунист - мертвый коммунист"? Разве не было ужасов Великой французской революции XVIII века? Вы сами в вашей книге показываете, что белые относились к красным с такой же жестокостью, как и красные к белым.
Жевахов: Нельзя сравнивать царскую охранку и ЧК! По сравнению с ЧК охранка - это детский сад. При царе люди убегали из Сибири, а кто и когда убегал из советских лагерей? Поэтому русская эмиграция и хотела сказать Западу, что советский строй изменил человеческую историю. Теперь вся история делится на "до" и "после". Да, обращение белых с красными во время Гражданской войны было ужасным, но я говорю о том, что произошло после гражданской войны, - массовые преследования невоенных, ГУЛАГ... Я не знаю, существовали ли лагеря до советской власти. Некоторые утверждают, что они были при Наполеоне, но я не уверен. Действительно, в 1792 году во Франции были массовые убийства, людей топили в Сене, но это продолжалось лишь месяц! А при советской власти это стало системой. То, что написал Солженицын, русские эмигранты говорили еще в 20-е годы, но их не слушали, и это очень обидно.
- Вы цитируете Владимира Набокова: "Бесполезно дорожить прошлым"... Вы согласны с этим?
Жевахов: Набоков сказал это в 20-е годы ХХ века, а мы разговариваем в ХХI. Мои дедушка и бабушка покинули родину и решили не возвращаться. Думаю, они были правы, так как это позволило им выжить. Конечно, Марсельеза - мой национальный гимн, но я - православный, с детьми говорю по-русски, даже если они мне отвечают по-французски, а теперь - вот! - написал книгу о русской эмиграции. Да, я француз, но я не забываю, что я русский. Ведь и француз с бретонскими корнями гордится тем, что он и бретонец, и француз.
- Вы собираетесь писать другие книги?
Жевахов: Том "Белые русские" заканчивается до Второй мировой войны, так что можно было бы написать вторую часть. Кто-то мне предложил даже написать роман о вымышленной, гипотетической встрече Троцкого с белыми генералами. Конечно, интересна современная Россия, но там сейчас много неясного, и трудно выделить основную тему. И потом вы правы: для этого нужно время, должна жена разрешить - ведь у меня два министра внутренних дел...

Николай Морозов
корреспондент ИТАР-ТАСС
в Париже, специально
для "Российской газеты"