Mlle Céline CALENDINI, attachée administrative et scientifique à la Ville de Bastia, a bien voulu nous faire parvenir le résumé de son intervention au colloque universitaire de Bonifacio du 7 juin 2014.
Nous le publions ci-après et lui renouvelons, avec nos remerciements, nos félicitations pour son brillant exposé, très documenté, qui nous a permis de découvrir l’étrange personnalité de cet esthète méconnu. _____________________________
Le prince Anatole Demidoff (1813-1870),
Neveu de Napoléon, mécène et témoin de son temps
Dans l’Europe bouillonnante de la première moitié du XIXe siècle, la figure du prince Anatole Demidoff émerge telle une personnalité haute en couleurs. Entre Russie et Occident, empruntant aux deux traditions, il navigue au sein des bouleversements qui secouent le Vieux Continent.
Tour à tour neveu de Napoléon, mécène et homme d’affaires, il nous entraîne à sa suite sur un terrain fécond marqué par les Révolutions, le triomphe des mouvements romantiques, les avancées politiques et sociales de ce début de siècle.
Issu d’une famille de riches industriels russes (tirant leur fortune de l’exploitation de gisements de minerais dans l’Oural), Anatole évolue très tôt dans un milieu cosmopolite privilégié. De ses jeunes années passées à Paris auprès de sa mère, il conserve un goût immodéré pour la figure de l’Empereur, une inclination qui s’impose comme le fil conducteur de toute son existence.
En 1840, il rejoint la famille Bonaparte en épousant la princesse Mathilde, fille de Jérôme Bonaparte (1784-1860).
Cette union malheureuse et de courte durée n’aura pas raison des liens solides tissés entre Demidoff et les Bonaparte, notamment dans le domaine du mécénat et de la collection d’art, où Anatole se distingue entre tous : commandes à Lorenzo Bartolini, le sculpteur florentin de la famille impériale ; rachat d’une partie du mobilier du cardinal Fesch ; construction du musée napoléonien de la Villa San Martino sur l’Île d’Elbe. En parallèle, Demidoff s’impose comme l’un des grands « patrons » de l’art romantique (Delacroix, Scheffer, Raffet, Lami etc.).
Ces relations au long cours avec les membres de la famille impériale expliquent aussi sa présence discrète et pourtant bien réelle en Corse. A Ajaccio, les aigles surplombant l’ancien château Baciocchi, actuel collège Saint-Paul, proviennent d’un don d’Anatole à son cousin Félix Baciocchi dans les années 1840.
Au terme d’un parcours complexe et agité, la personnalité aventurière du prince Demidoff s’inscrit pleinement dans les soubresauts de ce siècle tourmenté. A l’image de l’Empereur qui inspira tant les artistes de son époque, il fait lui aussi figure de personnage romantique.