Nous reproduisons volontiers ici un article paru en date du 1er juin 2012 dans "La CORSE votre HEBDO", supplément hebdomadaire du quotidien insulaire CORSE-MATIN.
Cet article reprend et développe un sujet déjà évoqué dans le magazine gratuit du golfe d'Ajaccio " IN PIAZZA" paru le 18 octobre 2008. (N° 113). sous le titre: "A FARANI I RUSSI" ( Les Russes le feront) - L'ESCADRE RUSSE DANS LE PORT D'AJACCIO.
L’escadre russe, cinq cuirassés autour de leur navire amiral, l’Empereur Nicolas 1er, en rade d’Ajaccio le 1er novembre 1893. (Photos D.R)
1893 : le pavillon du Tsar flotte sur Ajaccio.
Quand les cinq cuirassés battant pavillon russe apparaissent dans le golfe d’Ajaccio venant de Toulon ce 1er novembre 1893, le jour pointe à peine, mais une immense foule s’agglutine déjà sur les quais, le regard tourné vers les Sanguinaires. Trois torpilleurs de la défense mobile en Corse se sont portés au-devant de l’escadre impériale. À bord du torpilleur 126, le commandant de la marine en Corse, le capitaine de vaisseau de Jonquières.
Parvenu à distance respectable du bateau amiral, l’Empereur-Nicolas 1er, le torpilleur hisse le pavillon russe et tire treize coups de canon. Les visiteurs répondent de la même façon tandis que les marins soulèvent leurs casquettes avec un hourrah puissant et unanime.
Alignés sur le navire amiral Empereur- Nicolas 1er, quatre autres bâtiments témoignent de la puissance navale de la Russie des Tsars : l’Amiral-Nakilhof, le Pamyat-Azova, le Rynda, et le Teretz.
À midi, l’escadre jette l’ancre. Sur l’Empereur-Nicolas 1er, on hisse les couleurs françaises au grand mât en tirant au canon tandis que de la citadelle d’Ajaccio les artificiers font de même en hissant le pavillon russe. Le Petit Bastiais de l’époque traduit ainsi ce grand moment d’euphorie partagée : "La musique municipale joue l’hymne russe qui est salué par les acclamations enthousiastes de la foule qui est massée sur le quai Napoléon et la jetée".
La musique de l’Empereur-Nicolas 1er joue la Marseillaise et les officiers de ce superbe cuirassé, en agitant vivement leurs casquettes , répondent aux cris de : "Vive la Russie ! Par ceux de Vive la France ! "
Tandis que sur le bateau-amiral se prépare le rituel convenu des discours et des cadeaux, un incident tragique vient assombrir l’atmosphère. Un marin russe travaillant dans la cale, Jean Didvick, trouve la mort, asphyxié par une émanation intempestive d’essence de térébenthine.
Le commandement russe fait aussitôt savoir que les réceptions seront différées en milieu d’après-midi. Touché par ce deuil, le maire d’Ajaccio offrira une concession au cimetière pour l’inhumation de l’infortuné marin.
Dans un bref discours, le maire, M. Petreto, rappelle les liens rapprochant la Russie et la France, soulignant le vœu d’Ajaccio de devenir le « port d’attache en Méditerranée » de l’escadre russe.
Les Russes à la Maison Bonaparte.
Depuis le mois de septembre, une campagne de presse tant au niveau local qu’à Paris plaide pour le choix d’Ajaccio comme port d’attache de l’escadre russe. Or, au moment où la ville d’Ajaccio, se flattant d’être la première ville de Corse à recevoir l’escadre russe, déroule les fastes d’un accueil républicain digne de la visite de Sadi Carnot, Bastia ronge son frein, réclamant aussi sa part de gloire.
Le Petit Bastiais s’en fait l’écho : « Bastia attend leur visite ; déjà elle s’était pavoisée à leur arrivée à Toulon ; déjà elle avait délégué sa municipalité pour leur porter ses souhaits.
Quand, comme nous l’espérons l’amiral Avellan mouillera devant notre ville, il y sera accueilli par les cris mille fois répétés de « Vive le Tsar ! »
Parmi les messages de bienvenue affluant chez l’amiral Avellan, qui commande la flotte impériale en Méditerranée, figure celui de la municipalité de Bastia réitérant son souhait de recevoir elle aussi l’escadre du Tsar.
Finalement la flotte russe se montrera au retour devant Bastia, croisant devant le Vieux-Port et comblant ainsi un voeu ardent.
Le comité de la Jeunesse ajaccienne remet à l’amiral un poignard monté en or et à Mme Avellan une gourde porte-parfum. Vers 16 heures, l’amiral Avellan se rend enfin à terre en compagnie de son aide de camp, le lieutenant de vaisseau Martinoff, sous les acclamations de la population jetant du riz et des fleurs aux cris de « Vive la Russie ! »
La nuit resserre encore les liens entre marins russes et population corse. On lève son verre à la santé du Tsar, alors que des dizaines de barques illuminent le golfe et que sonne la retraite aux flambeaux. Pour satisfaire les officiers russes les plus curieux, on fait ouvrir la Maison Bonaparte, le berceau de Napoléon 1er, qui arriva aux portes de Moscou en flammes en 1812.
Le 2 novembre, la fête est finie. Le canon tonne pour le marin russe décédé. La municipalité d’Ajaccio appelle les commerçants à fermer leurs portes en signe de deuil et demande un silence respectueux durant les obsèques. À 13 heures, un canot emmène le corps. Dans la ville, les drapeaux sont en berne et la troupe salue le corbillard. Sur la tombe du marin russe, le maire d’Ajaccio prononcera un discours sobre indiquant notamment : « Jean Didvick, prie Dieu pour l’honneur et la gloire de ta patrie d’origine, la Russie, et de ta nouvelle patrie, la France. »
Malgré cette entente cordiale entre la Corse et la Russie, Ajaccio ne sera jamais port d’attache du Tsar, ni aucune autre ville française en Méditerranée.
Jean-Pierre GIROLAMI
Cet article reprend et développe un sujet déjà évoqué dans le magazine gratuit du golfe d'Ajaccio " IN PIAZZA" paru le 18 octobre 2008. (N° 113). sous le titre: "A FARANI I RUSSI" ( Les Russes le feront) - L'ESCADRE RUSSE DANS LE PORT D'AJACCIO.
L’escadre russe, cinq cuirassés autour de leur navire amiral, l’Empereur Nicolas 1er, en rade d’Ajaccio le 1er novembre 1893. (Photos D.R)
1893 : le pavillon du Tsar flotte sur Ajaccio.
Quand les cinq cuirassés battant pavillon russe apparaissent dans le golfe d’Ajaccio venant de Toulon ce 1er novembre 1893, le jour pointe à peine, mais une immense foule s’agglutine déjà sur les quais, le regard tourné vers les Sanguinaires. Trois torpilleurs de la défense mobile en Corse se sont portés au-devant de l’escadre impériale. À bord du torpilleur 126, le commandant de la marine en Corse, le capitaine de vaisseau de Jonquières.
Parvenu à distance respectable du bateau amiral, l’Empereur-Nicolas 1er, le torpilleur hisse le pavillon russe et tire treize coups de canon. Les visiteurs répondent de la même façon tandis que les marins soulèvent leurs casquettes avec un hourrah puissant et unanime.
Alignés sur le navire amiral Empereur- Nicolas 1er, quatre autres bâtiments témoignent de la puissance navale de la Russie des Tsars : l’Amiral-Nakilhof, le Pamyat-Azova, le Rynda, et le Teretz.
À midi, l’escadre jette l’ancre. Sur l’Empereur-Nicolas 1er, on hisse les couleurs françaises au grand mât en tirant au canon tandis que de la citadelle d’Ajaccio les artificiers font de même en hissant le pavillon russe. Le Petit Bastiais de l’époque traduit ainsi ce grand moment d’euphorie partagée : "La musique municipale joue l’hymne russe qui est salué par les acclamations enthousiastes de la foule qui est massée sur le quai Napoléon et la jetée".
La musique de l’Empereur-Nicolas 1er joue la Marseillaise et les officiers de ce superbe cuirassé, en agitant vivement leurs casquettes , répondent aux cris de : "Vive la Russie ! Par ceux de Vive la France ! "
Tandis que sur le bateau-amiral se prépare le rituel convenu des discours et des cadeaux, un incident tragique vient assombrir l’atmosphère. Un marin russe travaillant dans la cale, Jean Didvick, trouve la mort, asphyxié par une émanation intempestive d’essence de térébenthine.
Le commandement russe fait aussitôt savoir que les réceptions seront différées en milieu d’après-midi. Touché par ce deuil, le maire d’Ajaccio offrira une concession au cimetière pour l’inhumation de l’infortuné marin.
Dans un bref discours, le maire, M. Petreto, rappelle les liens rapprochant la Russie et la France, soulignant le vœu d’Ajaccio de devenir le « port d’attache en Méditerranée » de l’escadre russe.
Les Russes à la Maison Bonaparte.
Depuis le mois de septembre, une campagne de presse tant au niveau local qu’à Paris plaide pour le choix d’Ajaccio comme port d’attache de l’escadre russe. Or, au moment où la ville d’Ajaccio, se flattant d’être la première ville de Corse à recevoir l’escadre russe, déroule les fastes d’un accueil républicain digne de la visite de Sadi Carnot, Bastia ronge son frein, réclamant aussi sa part de gloire.
Le Petit Bastiais s’en fait l’écho : « Bastia attend leur visite ; déjà elle s’était pavoisée à leur arrivée à Toulon ; déjà elle avait délégué sa municipalité pour leur porter ses souhaits.
Quand, comme nous l’espérons l’amiral Avellan mouillera devant notre ville, il y sera accueilli par les cris mille fois répétés de « Vive le Tsar ! »
Parmi les messages de bienvenue affluant chez l’amiral Avellan, qui commande la flotte impériale en Méditerranée, figure celui de la municipalité de Bastia réitérant son souhait de recevoir elle aussi l’escadre du Tsar.
Finalement la flotte russe se montrera au retour devant Bastia, croisant devant le Vieux-Port et comblant ainsi un voeu ardent.
Le comité de la Jeunesse ajaccienne remet à l’amiral un poignard monté en or et à Mme Avellan une gourde porte-parfum. Vers 16 heures, l’amiral Avellan se rend enfin à terre en compagnie de son aide de camp, le lieutenant de vaisseau Martinoff, sous les acclamations de la population jetant du riz et des fleurs aux cris de « Vive la Russie ! »
La nuit resserre encore les liens entre marins russes et population corse. On lève son verre à la santé du Tsar, alors que des dizaines de barques illuminent le golfe et que sonne la retraite aux flambeaux. Pour satisfaire les officiers russes les plus curieux, on fait ouvrir la Maison Bonaparte, le berceau de Napoléon 1er, qui arriva aux portes de Moscou en flammes en 1812.
Le 2 novembre, la fête est finie. Le canon tonne pour le marin russe décédé. La municipalité d’Ajaccio appelle les commerçants à fermer leurs portes en signe de deuil et demande un silence respectueux durant les obsèques. À 13 heures, un canot emmène le corps. Dans la ville, les drapeaux sont en berne et la troupe salue le corbillard. Sur la tombe du marin russe, le maire d’Ajaccio prononcera un discours sobre indiquant notamment : « Jean Didvick, prie Dieu pour l’honneur et la gloire de ta patrie d’origine, la Russie, et de ta nouvelle patrie, la France. »
Malgré cette entente cordiale entre la Corse et la Russie, Ajaccio ne sera jamais port d’attache du Tsar, ni aucune autre ville française en Méditerranée.
Jean-Pierre GIROLAMI
L'alliance franco-russe: une convention secrète contre l'Allemagne.
Défaite par la Prusse à Sedan en 1870, la France se relève de son échec au point de redevenir vingt ans après une grande puissance européenne. Isolée cependant sur la scène internationale, elle ressent le besoin d’un allié sûr face à l’hégémonie d’un bloc menaçant comprenant l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie et l’Italie, bloc appelé la Triplice. Se dessine alors pour la France une perspective d’union avec la Russie d’Alexandre III.
La mise en présence dès 1891 de ces deux nouveaux blocs antagonistes porte déjà en germe la Guerre de 1914-1918.
Dès l’été 1892, la République française et la Russie tsariste signèrent une convention militaire secrète d’assistance réciproque en cas d’attaque, l’alliance franco-russe. Le document fut ratifié par le tsar Alexandre III en décembre 1893. Précédée de nombreux jalons diplomatiques cette convention tenue secrète s’est traduite par des démonstrations à grand spectacle.
Dans un premier temps, une escadre de la marine française séjourne en visite officielle à Cronstadt et près de Saint-Pétersbourg à l’été 1891 où l’enthousiasme de la marine russe ne fut pas un vain mot. Concerts et dîners d’honneur marquèrent cette période. En retour l’escadre russe fut invitée en France.
Accueillie en rade de Toulon port de guerre, durant deux semaines en octobre 1893, la flotte russe fit une escale à Ajaccio début novembre tandis que l’État-major naval russe était accueilli à Paris par le président Sadi Carnot.
Afin de parfaire cette alliance, le jeune tsar Nicolas II fit en 1896 une visite officielle en France, ce qui lui donna l’occasion de poser la première pierre d’un nouveau pont sur la Seine, le pont Alexandre III.
Dès lors, quand la Russie déclare la guerre à l’Allemagne le 30 juillet 1914, la France décrète le lendemain la mobilisation générale au nom de la convention secrète.
La mise en présence dès 1891 de ces deux nouveaux blocs antagonistes porte déjà en germe la Guerre de 1914-1918.
Dès l’été 1892, la République française et la Russie tsariste signèrent une convention militaire secrète d’assistance réciproque en cas d’attaque, l’alliance franco-russe. Le document fut ratifié par le tsar Alexandre III en décembre 1893. Précédée de nombreux jalons diplomatiques cette convention tenue secrète s’est traduite par des démonstrations à grand spectacle.
Dans un premier temps, une escadre de la marine française séjourne en visite officielle à Cronstadt et près de Saint-Pétersbourg à l’été 1891 où l’enthousiasme de la marine russe ne fut pas un vain mot. Concerts et dîners d’honneur marquèrent cette période. En retour l’escadre russe fut invitée en France.
Accueillie en rade de Toulon port de guerre, durant deux semaines en octobre 1893, la flotte russe fit une escale à Ajaccio début novembre tandis que l’État-major naval russe était accueilli à Paris par le président Sadi Carnot.
Afin de parfaire cette alliance, le jeune tsar Nicolas II fit en 1896 une visite officielle en France, ce qui lui donna l’occasion de poser la première pierre d’un nouveau pont sur la Seine, le pont Alexandre III.
Dès lors, quand la Russie déclare la guerre à l’Allemagne le 30 juillet 1914, la France décrète le lendemain la mobilisation générale au nom de la convention secrète.
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" IN PIAZZA" le vendredi 18 octobre 2008. (N° 113).
"L'ESCADRE RUSSE DANS LE PORT D'AJACCIO" A farani i Russi" (Les Russes le feront)
Cette expression du jargon populaire qui signifie "n'attendons pas que d'autres le fassent pour nous", est encore utilisée par les vieux Ajacciens. Elle daterait de la venue dans le port d'Ajaccio de l'escadre impériale Russe, le mercredi 1er novembre 1893, dans le cadre de l'alliance Franco-Russe chargée de contrer les projets hégémoniques de l'Allemagne de Guillaume II. Les Russes, les marins du tsar Alexandre III, "allaient le faire", allaient soutenir la revanche française face aux Prussiens.
L'accueil d'Ajaccio au contre Amiral AVELLAN, à ses officiers, ses marins (l'un d'eux, le marin Didvick Yann, décédera à l'escale ajaccienne et est enterré au cimetière de la ville) fut fastueux.
La pluie de la nuit a bien aidé les balayeurs à rendre rues, places et arbres prêts au grand pavois; les drapeaux tricolores sortent des fenêtres comme par enchantement; la mairie et le marché aux poissons sont tendus d'oriflammes; sur les quais, face à l'escadre, apparaissent mille mats ornés de flammes et de trophées aux armes de la ville; seuls manquent, pour l'instant, les mille cinq cent drapeaux russes commandés par la municipalité. Le "Courrier d'Afrique" n'est pas encore là: ils seront distribués des son arrivée!
Après Paris, Lyon, Marseille et Toulon, c'est à Ajaccio que l'escadre russe rend une visite surprise alors qu'elle reprenait la route de la Grèce, sans doute sur ordre du Tsar, soucieux d'honorer la ville qui a vu naître Napoléon et/ou l'ambassadeur du Tsar Alexandre 1er, Pozzo di Borgo.
Le maire de l'époque, Pierre PETRETO ne manquera ni d'éloquence, ni d'arrières pensées. Tel fut son discours : "OUI, la ville d'Ajaccio aime la Russie, et son vœu le plus cher serait de voir, même au prix des plus grands sacrifices, son beau port devenir le port d'attache de votre nation en Méditerranée".
Que dire des envolées de patriotisme fort lyriques du quotidien LE DRAPEAU (situé 19 cours Napoléon, valeur 5 centimes) ! La plume du Comte MULTEDO titrait: "DOBROPOJOLOVAT! Soyez les bienvenus!", entamait son ode par "Hourra pour l'escadre russe! Hourra pour L'amiral Avellan ! Hourra pour Sa Majesté l'Empereur Alexandre!" et concluait par: "Gloire à Sa Majesté Alexandre, Hommage profondément respectueux à sa noble et gracieuse compagne l'impératrice de Russie, Honneur aux officiers, marins, soldats russes, Vive la Russie, Vive la France, Vive la Corse, Vive Ajaccio! Le nid, d'où prit son vol l'aigle des Bonaparte salue avec amour le pays ou plane l'aigle des Romanoff".
Cette hospitalité plus que remarquable provoqua la venue l'année suivante du Grand Duc Georges à bord de "L'amiral Kornilov". Le Grand Duc aura droit à son hymne sur la place du Diamant, à une excursion en "trinichellu" à Vizzavona, et un "spuntinu" au lieu dit Pratitondi de la plaine de Peri, ouvrant ainsi la voie aux premiers touristes russes ….
Sources indiquées par " IN PIAZZA" : "Ajaccio, expressions et surnoms" - Paul Lucchini – Editions Sciarabola et "Histoire d'Ajaccio", éditions Albiana.
" IN PIAZZA" le vendredi 18 octobre 2008. (N° 113).
"L'ESCADRE RUSSE DANS LE PORT D'AJACCIO" A farani i Russi" (Les Russes le feront)
Cette expression du jargon populaire qui signifie "n'attendons pas que d'autres le fassent pour nous", est encore utilisée par les vieux Ajacciens. Elle daterait de la venue dans le port d'Ajaccio de l'escadre impériale Russe, le mercredi 1er novembre 1893, dans le cadre de l'alliance Franco-Russe chargée de contrer les projets hégémoniques de l'Allemagne de Guillaume II. Les Russes, les marins du tsar Alexandre III, "allaient le faire", allaient soutenir la revanche française face aux Prussiens.
L'accueil d'Ajaccio au contre Amiral AVELLAN, à ses officiers, ses marins (l'un d'eux, le marin Didvick Yann, décédera à l'escale ajaccienne et est enterré au cimetière de la ville) fut fastueux.
La pluie de la nuit a bien aidé les balayeurs à rendre rues, places et arbres prêts au grand pavois; les drapeaux tricolores sortent des fenêtres comme par enchantement; la mairie et le marché aux poissons sont tendus d'oriflammes; sur les quais, face à l'escadre, apparaissent mille mats ornés de flammes et de trophées aux armes de la ville; seuls manquent, pour l'instant, les mille cinq cent drapeaux russes commandés par la municipalité. Le "Courrier d'Afrique" n'est pas encore là: ils seront distribués des son arrivée!
Après Paris, Lyon, Marseille et Toulon, c'est à Ajaccio que l'escadre russe rend une visite surprise alors qu'elle reprenait la route de la Grèce, sans doute sur ordre du Tsar, soucieux d'honorer la ville qui a vu naître Napoléon et/ou l'ambassadeur du Tsar Alexandre 1er, Pozzo di Borgo.
Le maire de l'époque, Pierre PETRETO ne manquera ni d'éloquence, ni d'arrières pensées. Tel fut son discours : "OUI, la ville d'Ajaccio aime la Russie, et son vœu le plus cher serait de voir, même au prix des plus grands sacrifices, son beau port devenir le port d'attache de votre nation en Méditerranée".
Que dire des envolées de patriotisme fort lyriques du quotidien LE DRAPEAU (situé 19 cours Napoléon, valeur 5 centimes) ! La plume du Comte MULTEDO titrait: "DOBROPOJOLOVAT! Soyez les bienvenus!", entamait son ode par "Hourra pour l'escadre russe! Hourra pour L'amiral Avellan ! Hourra pour Sa Majesté l'Empereur Alexandre!" et concluait par: "Gloire à Sa Majesté Alexandre, Hommage profondément respectueux à sa noble et gracieuse compagne l'impératrice de Russie, Honneur aux officiers, marins, soldats russes, Vive la Russie, Vive la France, Vive la Corse, Vive Ajaccio! Le nid, d'où prit son vol l'aigle des Bonaparte salue avec amour le pays ou plane l'aigle des Romanoff".
Cette hospitalité plus que remarquable provoqua la venue l'année suivante du Grand Duc Georges à bord de "L'amiral Kornilov". Le Grand Duc aura droit à son hymne sur la place du Diamant, à une excursion en "trinichellu" à Vizzavona, et un "spuntinu" au lieu dit Pratitondi de la plaine de Peri, ouvrant ainsi la voie aux premiers touristes russes ….
Sources indiquées par " IN PIAZZA" : "Ajaccio, expressions et surnoms" - Paul Lucchini – Editions Sciarabola et "Histoire d'Ajaccio", éditions Albiana.